“…you can hear whatever you want to hear in it, in a way that’s personal to you.”

James Vincent MCMORROW

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Trip Tips - Fanzine musical !

vendredi 26 juin 2009

Thom Yorke - The Eraser (2006)

Voir aussi la chronique de The King Of Limbs (2011)

L’angoisse et la faiblesse face à l’adversité sont un moteur créatif dans la musique de Radiohead. Parce qu’ils étaient réellement faibles, à leur débuts ; un peu perdus ; parce que leur parcours incroyable leur a fait garder la tête froide sur le peu de différence entre percer et rester le plus triste et ridicule inconnu. Longtemps, ils n’ont pas cru qu’ils l’avaient fait : devenir célèbres. En imitant quelque peu Nirvana ou U2, mais quand même. C’est pour le reste, tout le reste qu’on les adorait. La septième piste de OK Computer (1997) ou les rafales de guitares dissonantes sur le refrain de My Iron Lung (1995)… Une aventure musicale et mentale. Lorsque Thom Yorke, lors d’un temps mort du groupe le plus cool de la planète (puisqu’il parlaient même d’arrêter de jouer ensemble, au détour de Hail To the Thief (2003)), lorsque Thom Yorke donc décide de se prêter à l’exercice de l’album « solo », c’est encore ces sentiments de fragilité excessive qui transparaissent. Alors que pourtant il est maintenant au sommet du monde (ou presque, car c’est avec In Rainbows, si l’on veut).

Qu’écoute Thom lorsque il se met à façonner cet album ? Des « blips », de la musique électronique, des « grooves »… De l’instrumental, moins de chansons ; Dinosaur JR. et autres R.E.M. sont partis donner de l’inspiration ailleurs. Il y a Modeselektor, aussi, projet allemand auquel Thom a prêté sa voix pour un morceau excellent, The White Flash (We have all the time…). La musique va être issue de rythmes de laptop, de bidouillages accumulés depuis le début des années 2000 et redécouverts par Thom et l'ingé son Nigel Godrich. Le « sixième membre de Radiohead » est ici extrêmement présent, si bien qu’on peut se demander s’il s’agit bien d’un projet vraiment solo.

Quelques uns des bruits synthétiques fabriqués par Godrich nous évoquent aussitôt entendus les embouteillages de la pochette de Ok... et cette angoisse d’être petit, d’être « a creep », et aussitôt l’oeuil perdu de Yorke réapparait, avec ce sourire énigmatique. Cette tête de pioche qui se noie dans son scaphandre, tout en aillant l’air heureux. Ces bruits sont ceux de la ville, la civilisation à laquelle on tente de se raccrocher. Elle est personnalisée ; c’est Londres, nous dit la pochette – dessin du bien trouvé Stanley Donwood qui épouse à merveille le propos ; schizophrénie, esprit balayé par les appels lumineux comme par des vagues de tempête. Monde qui passe, défile, se laisse emporter, refloue le sentiment. L’électronique est tout cela ; introvertie, aride ; mais parfois, cette observation du temps qui s’enfuit laisse place à un beau lyrisme, ou, surtout, à la mélancolie. La mélancolie est un sentiment que Yorke maîtrise depuis longtemps, il sait où elle l’amène. Il lui semble par ailleurs impossible d’être en colère, même s’il est pris entre deux feux et que les voitures lui roulent sur les pieds.

Le premier morceau est un bel exemple de stoïcisme « Yorkien » ou faux calme sous lequel couve l’excitation. Sit Down/ Stand Up est un sommet pour qui veut élucider le mystère psychique derrière la musique de Radiohead, mystère restitué partiellement ici. Il est là question d’effacement, de disparition, message mis en valeur par le jeu de piano de Jonny Greenwood qui ressemble à des signaux en Morse sur The Eraser. Comme s’il s’agissait de poster un télégramme.

Après cette mise en bouche quelque peu rêche, s’alternent et s’entremêlent différentes ambiances. La plus surprenante est sans doute fournie par le couple Black Swan / Skip Divided. La première a un groove rampant, aliénant. Elle est bien assez longue pour que l’on se transforme complètement en autre chose, et Thom, sans doute toujours le sourire aux lèvres, a dû le deviner en y creusant. L’osmose n’était pas évidente. Ce sentiment de peu d'évidence revient souvent au cours du disque, dont le matériau de base, il ne faut l’oublier, c’est trois notes de guitare ici et trois autres là. Skip divided est une plongée intime et étouffante. Ce chuchotement grave de chant est, somme toute, juste un nouveau jeu, de ceux qui seraient ailleurs horriblement narcissiques. Mais nous laissons tous les voitures rouler sur nos pieds. The Eraser apparaît, au travers de ces trois morceaux, sans prétention lyrique. Atoms For Peace, The Clock et And It Rained All Night confortent cette idée. Atoms For Peace est une autre “provocation” atone comme pouvait l’être le morceau Kid A (2000), sur lequel Thom exultait en live, devant tant de ce ce nihilisme joyeux dont il a le secret. And It Rained All Night introduit dans le disque le survoltage maladif de Idioteque. Et s’imbrique à merveille.

And It Rained All Night ou The Clock apparaissent comme balayées par un tourbillon alors que souvent, ailleurs, c’est la sensation d’étouffement qui prend le dessus. De ce côté-là, Godrich fait des merveilles sur Black Swan, Atoms… ou Skip Divided. Tous les morceaux, à leur manière sont plus riches que ce que l’on peut d’abord pressentir. Le jeu est de deviner combien de pistes contient The Clock, avec une mention spéciale à la percussion en bois. Véritables instruments se mêlent aux rythmes électroniques, produisent la dynamique.

L’ambition lyrique est ailleurs plus manifeste ; Analyse, Harrowdown Hill et Cymbal Rush font la part belle aux claviers qui progressent comme un brouillard d’automne dans la nuit de la capitale anglaise. Ces trois morceaux semblent s’élever en volutes au-dessus de l’agitation générale, dans le havre d’un ciel cependant envahit d’autres menaces. La liberté semble être retrouvée juste alors que le souvenir d’une mort inévitable frappe notre pauvre Thom quarantenaire. Cymbal Rush, son « morceau préféré », conclut cette méditation par une extraordinaire mélancolie.

Parution : juillet 2006
Label : XL Recordings
Genre : Electro
 
A écouter : The Clock, Black Swan, Harrodown Hill 


    8/10
    Qualités : Anxiogène,  soigné, poignant, audacieux


      mardi 2 juin 2009

      Conor Oberst and the Mystic Valley Band - Outer South (2009)


      Parution : Mars 2009
      Label : Wichita
      Genre : Rock alternatif
      A écouter : Roosevelt Room

      °
      Qualités : attachant, rétro, engagé, Doux-amer

      Le nouveau groupe de Conor Oberst, formé au Mexique, où le bonhomme avait enregistré son premier album solo en treize ans l’an dernier, plutôt moyennement bien accueilli, souffre de n’être que le nouveau projet d’un artiste très actif. Et notamment, Conor Oberst est le compositeur/interprète du groupe Bright Eyes, qui a eu en 2007 un grand succès critique avec Cassadaga, et auparavant avec I’m Wide Awake, this Morning. Outer South mérite pourtant une grande attention, c’est un album très complet et généreux. Au moins trois qualités élèvent le disque au dessus du Capharnaüm Rock et de toute son agitation à grands coups d’égos.

      La première de ces qualités, c’est le son et le choix des instruments ; l’orgue Hammond sonne comme à la grande époque (Deep Purple, s’entend), et les guitares, qui, lorsqu’elles sont seules, sont particulièrement belles. Le disque est globalement dense. La dynamique de l’ensemble est souvent résolument rock, un rock roots un peu semblable à ce qu’a enregistré Dylan sur Together Trough Life. Et le simple fait qu'une telle référence vienne à l'esprit est très agréable. Une efficacité et une simplicité qui sont des qualités touchantes, et qui permettent généralement, ici, de faire du neuf avec du vieux.

      En deuxième lieu, le manque de prétention de l’exercice. Conor Oberst ne prend même pas la peine de faire une jaquette digne ; juste le groupe affalé comme dans une soirée jeune où il ne se passe pas grand-chose, un dans un décor horriblement ringard. Etonnant quand on sait que Conor roule sa bosse depuis quinze ans ; tout ça pour en être arrivé à ce niveau de non grandiloquence et de fonctionnement collégial à deux sous, faisant participer au songwriting des musiciens inconnus et bien meilleurs lorsqu’il s’agit simplement de faire une partie musicale que lorsqu’il leur incombe la tâche de pousser la chansonnette, comme c’est le cas ici et là sur le disque.

      En troisième lieu, la générosité du projet est remarquable ; seize morceaux, du racoleur Air Mattress à l’embrasé Roosevelt Room et autres morceaux de bravoure tentés de mélancolie comme I Got The Reason ou carrément blues comme White Shoes. Finalement, il semble que c’est l’absence de prétention, justement, qui a conduit les musiciens à ne pas faire de coupures, à ne pas chercher l’album parfaitement ciselé, mais plutôt à produire un large choix entre exercice et partie de plaisir pour gens de talent. Varié et contrasté, l’album profite enfin de la voix de Conor, qui est suffisamment expressive pour une bonne balade comme pour un rock rétro et énervé.
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