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Genres de musique

Trip Tips - Fanzine musical !

lundi 28 septembre 2009

Hope Sandoval - Mazzy Star, etc.


Voir aussi la chronique de She Hangs Brightly (1990)
Voir aussi la chronique de So Tonight That i Might See (1993)
Voir aussi la chronique de Bavarian Fruit Bread (2001)
Voir aussi la chronique de Through the Devil Softly (2009)
Voir aussi la chronique de Rainy Day LP (1984)

Mystérieuse Hope Sandoval… Il est plus aisé de glaner des photos de la belle (dont certaines ont sans doute au moins vingt ans) sur internet que de trouver quelque biographie consistante à son sujet. C’est qu’elle n’aime pas trop se montrer, et ne semble pas soucieuse qu’il ne reste bientôt plus d’histoires, mais seulement des disques énigmatiques de sa carrière. Les histoires, amoureuses ou autres, sont bien vouées à disparaître. Qu’une relation se consolide ou se détériore, il n’est jamais bon de la faire évoluer en public, au vu et au su de tous.
Toutes les images d’elle, elle aurait bien raison de s’en moquer ; ce sont comme des icônes d’un autre temps, les images d’une autre créature, pas tout à fait elle. D’elle, on ne peut s’en tenir qu’à l’essentiel ; sa musique, même si, encore là, elle a le don rare de n’en dire jamais assez, tout en continuant à exercer une fascination méritée.


Au cours de la tournée pour son nouveau disque, Through The Devil Softly (paru le 29 septembre 2009 chez Nettwerk Records) après un concert à Los Angeles, plusieurs spectateurs ont demandé à être remboursés parce qu’ils ne l’avaient pas vue sur scène de tout le concert. Comme s’ils suspectaient qu’elle n’avait même pas fait le déplacement et que la performance s’était effectuée en play-back. Elle s’y trouvait, pourtant, mais nimbée d’ombre.
La mise en scène de ces récents concerts est habile à reconstituer de manière esthétique le sentiment de Sandoval quant à sa musique ; voire même son exigence artistique à ne donner à voir qu’une partie à peine suffisante de ce qui l’inspire et la fait avancer. Ce soir-là, il aurait suffit d’apprendre à ne pas la chercher ; de se laisser guider vers ce qu’il fallait vraiment être venu trouver, des sons de guitare aériens qui supportent sa voix un peu détachée. Surprise plutôt que d’être ennuyée, Hope Sandoval s’était défendue en ces termes : « Qu’est-ce que vous voulez regarder ? »


Hope Sandoval a grandi dans une banlieue est de Los Angeles, et elle a cette phrase pour évoquer la période : « Un endroit très rude… drogues, gangs. On vivait dans la rue la plus tristement populaire ». C’est peut-être la raison pour laquelle elle a cherché un échappatoire qui allait aussi devenir une façon pour elle de fonctionner, en quelque sorte ; la musique.
Sa tenue en retrait du public qui devait pourtant l’écouter a toujours été une condition de la survie de son art.
«Pour moi, l’expérience studio est meilleure », dit t-elle. « Live, je deviens très nerveuse. Une fois que vous êtes sur scène, vous devez tenir le public. Je ne fais pas ça. Je me sens toujours embarrassée de me trouver là sans parler au public. C’est difficile pour moi. »
Sandoval est non seulement farouche, timide, mais intransigeante, ne laissant jamais son audience faire mine d’en savoir davantage qu’elle. Au cours des années 1990, elle reste ainsi maître de son image, privilégiant dès le début des atours nébuleux sans renier les influences concrètes qu’elle partage avec son partenaire guitariste.
Ce partenaire, David Roback, a un riche passé musical. Il a notamment fondé Rain parade avec son jeune frère Steven dans les années 80, groupe psychédélique de la scène « underground » de Los Angeles aux côtés de Dream Syndicate, Green on Red, The Bangles et d’autres. Ils percent avec un premier effort très prometteur, après quoi Roback décide que le groupe doit cesser d’exister (en partie parce qu’il sortait avec Kendra Smith et qu’ils formèrent Opal ensemble).


David Roback avait d’abord produit la démo du duo Going Home, constitué de Hope Sandoval et d’une amie de lycée, Sylvia Gomez. Ce disque reste non-commercialisé à ce jour. Hope Sandoval admirait la chanteuse Kendra Smith (de Dream Syndicate) depuis son adolescence, et c’est justement elle qui reçut la première la démo de Going Home de la main de Sylvia Gomez. Smith faisait alors équipe avec Roback au sein du groupe Opal. Sandoval sera par la suite amenée à remplacer la chanteuse qu’elle admirait, au sein de son propre groupe. Il est rebaptisé Mazzy Star (Roback voulait un nom avec « Mazzy » dedans, et Sandoval avec « Star »…)
C’est à partir de là que se révèle la personnalité de Sandoval. Sa réserve, sa pudeur savent la mettre en valeur. Une affaire de tempérament, un aspect de sa personnalité qui est percé à jour par le fait qu’elle n’a pas le choix. « Je pense que n’importe qui, ou la plupart des gens, se sentiraient pareil. C’est étrange d’être sur une scène ou un plateau avec 300 ou 500 personnes qui vous regardent. Je suis nerveuse avant les concerts, la simple idée de jouer est stressante. Je n’ai toujours pas surmonté ça ». Tourmentée à un certain point, la chanteuse fait souvent allusion à « de nombreux problèmes dans [s]a vie ».
Il y a bien d’autres cas, dans l’histoire de la musique folk, de personnalités timides, la plus caractérisée étant peut-être Nick Drake, qui ne fit qu’une poignée de concerts ratés pendant lesquels il gardait la tête baissée sur son instrument et ne regardait presque jamais son audience. Chez Sandoval, cette crainte était soulignée par son refus de jouer le jeu de représentation qui caractérise la musique populaire ; où l’artiste doit non seulement exécuter sa musique, mais faire démonstration de présence et ce que Sandoval appelait « tenir le public ». La formule du duo avec Roback lui permit sans doute de surpasser un peu sa timidité, puisque la pression n’était pas seulement sur ses épaules mais autant sur celles de son partenaire. Mais elle ne laissa pas de côté ses principes.
Roback a souvent été perçu comme le complément idéal de Sandoval, non sans un brin d’humour ; aussi réticent qu’elle en interview (il dira : « si ça ne tenait qu’à nous, on ne ferait qu’une interview par album », ce qui n’est pas un concept inintéressant), évasif. Les journalistes, frustrés, arrivent avec quantité de questions qui n’obtiennent pas de réponses.


Hope Sandoval écrit toutes les chansons, et participe à l’aspect musical du Mazzy Star, on peut supposer, en lui donnant cette dimension étirée, aérienne que l’on retrouvera plus tard avec les Warm Inventions.
She Hangs Brightly (1990) posait les bases de Mazzy Star, et il s’agissait déjà d’un grand disque - Kurt Cobain le citait parmi ses favoris. Halah, le titre d’ouverture, le morceau-titre inspiré par The End des Doors ou Be My Angel (qui emprunte aux Beatles période Revolver) en étaient les moments forts. Largement porté par le talent de songwriter de David Roback, il apparaît comme un amalgame de folk, de blues, de country (sur Ride it On, Taste of Blood et Give you my Lovin) et de psychédélisme. Roback excelle à emprunter des méthodes anciennes à et à les faire fonctionner de nouveau. Blue Flower, par exemple, ressemble beaucoup à ce qu’on pouvait trouver sur le disque The Velvet Underground and Nico (1967). Il n’est pas impossible que Sandoval est par ailleurs été impressionnée par le Marble Index de Nico. Aujourd’hui, She Hangs Brightly est certifié Or aux Etats Unis.
Bien sûr, la voix de Hope Sandoval s’est faite repérer, comme appartenant à un monde bien différent de celui des groupes féministes qui sévissaient alors. Sans elle, il y a fort a parier que le son de Mazzy Star n’aurait pas été qualifié d’ « état brumeux post-coïtal ». Une autre façon de le dire, c’est que ce premier disque était fascinant parce qu’il était ambigu. Et sombre aussi. L’une des lignes sur Hallah dit : « Baby, i wish i was dead ».
Aux côtés des sorties de R.E.M., de Nirvana, de Pearl Jam et d’autres machines de guerre qui font le goût américain d’alors, So Tonight That i Might See (1993), leur second opus, a profité d’une aura de candeur et du fait d’être sans véritable étiquette. Se vendant de manière inespérée, il devient disque de Platine aux Etats Unis. Pourtant, ses créateurs, sans surprise, n’ont pas attiré l’attention sur eux. Sandoval faisait remarquer dans une interview accordée à Alternative Press en novembre 1996 qu’ils étaient « constamment en train d’écrire et d’expérimenter », ce qui laisse peu de temps pour la trivialité d’une tournée et encore moins pour le détour par la case promotion. Quand à leur maison de disques, Roback commentait avec désinvolture : « On ne parle pas beaucoup avec Capitol. On fait notre boulot ».
Cependant, cette désinvolture est à nuancer étant donné que le duo a tout de même pris la peine de faire réaliser un clip pour Fade Into You et continuera de faire paraître des singles. Steven, le frère de David Roack aura ces mots à propos du succès que Mazzy Star rencontre alors : « David est un bon artiste et un bon businessman. Il a trouvé une formule qui marchait pour lui. Il sait comment exploiter les qualités des autres ». Roback est de fait un bon guitariste, et puise son inspirations dans trente ans de musique populaire.


Le temps que leur hit Fade Into You met à passer sur MTV aux Etats Unis, ils le passent à Londres. Une fois rentrés au pays, c’est comme si rien n’était arrivé, ou presque. Le seul effet notoire ? « Ca a été un peu plus facile d’obtenir l’aide des autres », reconnaît Roback. Hope Sandoval tempère ; « Nous gardons les mêmes amis que nous avons depuis des années ». Des amis, qui comme eux, ne sont pas très loquaces, tels le guitariste de Jesus and Mary Chain, William Reid.
Difficile de savoir ce que pense le duo de l’exploitation répétée des morceaux de ce second disque. Into Dust, à elle seule ; dans le film Néo-Zélandais In My Father’s Den, dans le film Foxfire de Angelina Jolie, encore au cinéma dans Rails and Ties, puis reprise par Ashtar Command pour une compilation, remixée par John O’Callaghan, utilisée par Virgin Media dans une publicité en 2009, et enfin dans de nombreux épisodes de télévision ; House, Charmed, Moonlight… Et Fade Into You dans Alias, Gilmore Girls, Without a Trace, Lord of War, Roswell, etc. Le fait que ces deux titres en particulier apparaissent autant crée une situation surprenante ; de nombreuses personnes ont entendu la ballade Into Dust sans savoir à quoi elle se rattache. Et il est peu probable que Mazzy Star organise des séances de rattrapage.
Among my Swan paraît en 1996, avec son cygne blanc, quasiment iconique. Sandoval, qui coproduit cet album, commentera le titre ainsi : « Il a une signification. Je ne crois pas que ce serait grandiose pour vous ou pour n’importe qui d’autre. Je pense que ce que vous ressentez à son sujet est probablement plus important… » ou encore : « Ca fait réfléchir les gens. Je crois qu’il faut laisser les gens se faire leur propre idée. »
Dès la pochette, Among my Swan (« chez mon cygne ? ») est énigmatique. Bien que le duo s’entoure de nouveaux musiciens, il semble plus minimaliste que par le passé, mais aussi plus constant. La recette est pratiquement la même que sur les précédents disques, et le moins qu’on puisse dire c’est que l’évolution de Mazzy Star est tranquille. On les qualifie de duo de style gothique, à cause du romantisme évanescent qui affleure notamment sur les ballades Disappear, Flowers In December et All Your Sisters. Un extrait de cette dernière : "Gonna put something in you/ Make the devil feel surprised/All your sisters wanna fly/Around my golden sky." Plus rien n’est rock sur Among my Swan ; c’est un album spirituel avant tout, à la recherche de son propre équilibre. Quand à l’étiquette mélancolique, indéniable depuis le premier morceau de Mazzy Star, Roback s’en défend sur ces termes : « Je pense que l’une des plus plus fausses conceptions que les gens ont à propos de ce qui est désigné comme mélancolique est que c’est négatif ». « Je ne pense pas que les gens aiment écouter de la musique triste, ils aiment la délivrance qui vient après avoir écouté de la musique triste. ».


C’est dans les accents de la voix de Hope Sandoval, cependant, qu’il faut chercher la réponse au charme de Mazzy Star. Dans cette affection redoutable qui passe pour une pure langueur, et qui est son plus grand pouvoir. En interview, cette voix est monotone ; sur Fade Into You, le titre phare de sa première carrière avec Mazzy Star, elle dénote une confiance totale, mieux, un abandon tel que certains, à l’écouter, pourraient ne jamais en revenir. Séducteur, plein de réverbérations qui symbolisent de manière plus concrète l’attrait fuyant qui constitue l’approche de Sandoval à la musique.
La chanteuse semble complètement vraie dans ce qu’elle donne à voir, mais dans ce qu’elle retient aussi ; tout ce que ses disques en demi-teinte laissent en suspens, et qui peut les faire paraître mélancoliques ; on peut suspecter une dimension charnelle, physique qui n’est pas complètement assumée. Toujours cet aspect de représentation dont Sandoval ne joue pas – à l’inverse de presque tous les performers. Elle préfère suggérer l’étendue de sa sensibilité plutôt que de la trahir complètement. Il y a une part d’elle-même qui n’est jamais partagée, mais que l’on ressent pourtant à l’écoute de ces trois disques.

Mazzy Star est l’incarnation d’un nouveau genre de psychédélisme dans les années 1990. Clairement inspiré par les morceaux les plus étirés des Doors (The End…) il y a aussi sans doute un regard vers la scène shoegaze qu’a fondée My Bloody Valentine et de nombreux groupes en rupture avec le son lisse et plat des années 80. Pourtant, Mazzy Star entretient sa propre forme de platitude, de torpeur. C’est aussi une musique sombre, bien éloignée de tout les strawberry fields des sixties mais sans se priver de quelques moments de pop plus lumineuse et énergique. Le duo est aussi un spécialiste de la ballade langoureuse dont le pouvoir émotionnel est virtuellement sans limites ; Into Dust reste un classique qui se défie des comparaisons pour s’inscrire dans une tradition purement mystique et profondément personnelle. C’est ce genre de moments, sans équivalent à cette période et peu égalés de façon générale, que réside le prix de Mazzy Star. Dans la perspective de se diriger lentement vers un recueil confortable ; et qu’il soit question de la naissance de l’amour ou de mort inéluctable, l’effet est le même.
Les intonations vibrantes de Sandoval vivent indépendamment du contenu de ces textes ; mais la dimension intime de ceux-ci, bien que secondaire, est pourtant parfaitement accordée à ce que véhicule la musique. Oui, secondaire parce que Mazzy Star se passe bien de toutes les images fournies par l’esprit en travail de Sandoval pour ne vraiment se cultiver que sur les intentions et les non-dits essentiels ; ceux qui faisaient l’idée de départ, et donnent forme aux différents titres et aux disques. Les seules intentions de Roback et Sandoval, en décalage avec tout le monde ou presque, hors de toute prétention à prouver quoi que ce soit, suffisent sans que l’on parle de poésie urbaine et encore moins de poésie des sentiments. Les sentiments, Sandoval pourrait bien se passer de les traduire en mots. Le contenu de ses textes a toutefois été décrit comme « un amalgame entre anecdotes personnelles et tangentes imaginaires ».


Le magnétisme de Mazzy star, comme du futur projet de Hope Sandoval, est du en gtrande partie à ce que dégage la chanteuse. Son charme particulier est la première chose que l’on remarque, généralement, lorsqu’on commence à s’intéresser au groupe. La plupart des fans sont amoureux d’elle, sincèrement ou seulement pour avoir l’impression de la connaître mieux que quiconque, pour que l’expérience de l’écoute de ses disques soit une communion totale. Certains préconisent de l’écouter « seul ou en couple vers trois heures du matin », ou quelque chose dans ce genre. D’autres conçoivent que So Tonight i Might See est à écouter en faisant l’amour. Sandoval commentera cela aussi : « Le dernier journaliste qui m’a dit ça, je lui ai raccroché au nez et j’ai appellé mon manager ».
C’est peu dire qu’elle concentre les fantasmes d’une partie de son public. C’est là, dans sa voix, sur son visage plaisamment inexpressif que semble se jouer la viabilité de ses projets. C’est cette passivité, cette torpeur la relient de manière presque inavouée au subconscient de ses auditeurs. Sa voix a été perçue comme « particulièrement sexuelle, mais sans aucun désir ».
Dans un « Guide du rock alternatif » américain, une journaliste décrit Sandoval comme « morne à un point que peu ont égalé » « dégageant la passivité féminine mais pas grand-chose d’autre », « anémique émotionelle », ce à quoi l’intéressée répondra « Je pense qu’elle crée une image d’elle-même plutôt qu’une image de moi. »
L’attitude et le détachement de Sandoval est sa façon d’être, comme l’est sa timidité. C’est ce qui fait aussi la complexité de Mazzy Star.


Quant aux réactions des journalistes en général, Roback les commentera de cette manière : « [les critiques que l’on reçoit], ce n’est qu’un rêve pour nous. Ce n’est pas réel. On ne fait que de la musique. On la ferait à la maison si personne ne s’y intéressait, on la ferait aussi devant des milliers de gens. On ne demande aucune controverse, ni à être jugés, disséqués par des gens vicieux qui veulent vous descendre. »
En 1996, après la sortie de Among my Swan, le groupe Mazzy Star entre en sommeil. Un quatrième disque est supposé voir le jour dans quelque temps, mais Sandoval nous a appris à ne plus l’attendre à moins de cinq ou six ans d’intervalle. Elle fonde sa carrière en dépit de toute ligne de conduite commerciale qui la contraindrait à produire des disques auquels elle ne tiendrait pas. Alors qu’avec les quelques-uns qu’elle a sortis, elle peut prétendre vouloir se dissimuler derrière sans que personne ne puisse la trouver malhonnête.
Après que le groupe ait été mis en stand-by, la chanteuse va collaborer à des morceaux de Air, The Jesus and Mary Chain, des Chemical Brothers ou de Death in Vegas.


Le principe qui s’instaure en règle, pour ces trois disques et les deux suivants, est celui-ci ; tant que celle-ci fait office de présence, à peine plus, c’est déjà largement suffisant.
Le projet Hope Sandoval and the Warm Inventions, avec le batteur Colm Ó Cíosóig (d’origine irlandaise), de My Blooby Valentine, n’atténue pas le mystère. Inauguré en 2000, comme pour mettre derrière le pessimisme des années 1990 et attaquer le nouveau millénaire sous un autre jour.
Sandoval et Ó Cíosóig y jouent toutes les guitares, et privilégient encore davantage les atmosphères (selon Sandoval cela est dû en partie au fait qu’ils sont moins bons guitaristes que Roback), dans un style qui les éloigne un peu de Mazzy Star – sans que les empruntes chères à Sandoval ne s’effacent totalement. Pour Bavarian Fruit Bread (2001), ils invitent le guitariste folk mythique Bert Jansch (qui aurait inspiré Nick Drake notamment) à participer sur deux morceaux. Les sonorités priviligiées par l’ex-Bloody Valentine et les motifs de Jansch hissent Bavarian Fruit Bread à un sommet de beauté rare. Très agréable, il semble s’écouler avec nonchalance, et il a ses comptines sublimes (Around my Smile, Butterfly Mornings) et ses moments d’excitation sourde (On the Low) avant de se terminer dans la confusion avec Lose me on the Way. Cet album demeure suffisamment léger pour être écouté plusieurs fois, pour s’en impreigner. Encore une fois, les évocations puissantes de Sandoval dépassent ses talents.
En s’accompagnant d’identité musicales fortes, la chanteuse parvient à détourner une nouvelle fois l’attention d’elle-même. Elle sait que de cette manière, en tant qu’artiste, elle peut durer toujours. Le travail de ce nouveau projet progresse lentement, puisque le second disque, Through the Devil Softly (2009), est paru il y a à peine six mois.
On croirait que le temps n’a aucune emprise sur Hope Sandoval, maintenant quarante-trois ans. On voudrait qu’elle change un peu ; mais elle ne sait faire que ça. Ses chansons sont parfois interchangeables et souvent intemporelles, sans avoir l’air de rien. Qu’importe alors qu’il faille attendre longtemps, passer à autre chose et y revenir ; on y revient toujours, finalement ; c’est le genre de disque qui s’insinue lentement, et qu’on ne quitte jamais.
En 2010, c’est comme si les Warm Inventions dataient d’hier ; deux disques à part dans la production musicale américaine, deux albums qui sont comme une fin en soi plutôt que des étapes. Le groupe semble en effet vouloir ne produire que les chansons les plus abouties possibles – selon ses propres termes. Des tableaux hypnotiques. Sur ce dernier disque, il y a d’abord Blanchard ; ample, obsédante, elle donne le ton du disque, complaisant mais toujours adorable… et sombre.


A un journaliste qui demandait pourquoi tant de temps s’était écoulé entre le premier et le second disque, Ó Cíosóig répondait : « C’est comme quand vous faites un plat, que vous le goûtez et qu’il y a un ingrédient qui n’est pas là. Quand vous ajoutez finalement cet ingrédient, c’est lui qui fait tout... » La qualité de perfectionniste du musicien est peut-être tout ce dont Sandoval avait besoin pour s’épanouir davantage. En toute discrétion.


Bertrand Redon


Les extraits d’interviews proviennent d’un article paru dans Alternative Press, n° 99, novembre 1996.




Mazzy Star

Among My Swan (1996)

Hope Sandoval and the Warm Inventions

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