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samedi 9 janvier 2010

{archive} Nick Drake - Five Leaves Left

On a énormément écrit sur ce disque, Five Leaves Left, depuis sa sortie en 1969. Et on a quasiment réinventé Nick Drake, au fil du temps comme le gardien d’arcanes insondables, le troubadour ambigu et mutique. Pourtant, au temps de ce disque, il est encore chaleureux, et sa musique, qu’il joue volontiers à quelques camarades, est agréable à écouter. Elle n’a pas l’empreinte du désespoir de ses travaux plus tardifs. Elle n’a pas cette intimité maladive – Nick Drake fut captivé avant Pink Moon (1972) par l’invention du casque audio, qui instaurait un nouveau rapport entre l’artiste et l’auditeur, plus intime justement.

Son titre fait référence aux feuilles de cigarette au fond de leur sachet, une denrée très prisée du jeune Drake, grand fumeur. On le décrivait parfois la veste maculée de cendres et les doigts tâchés de nicotine. Les feuilles de l’automne viennent aussi à l’esprit, bien sur. Dans les yeux du garçon, sur la pochette du « disque vert » de Drake, se reflète tout un univers pastoral, un éden qui lui seul peut décrypter, et on se dit qu’on aurait bien passé davantage de temps en sa compagnie. Cinq ans plus tard, Drake fait une overdose aux antidépresseurs. Né en 1948, Il a alors vingt-six ans et laisse en héritage à ceux qui veulent bien lui laisser le temps de déployer ses ailes dans leur esprit, l’héritage d’une réalité embellie, sublimement métamorphosée. Encore aujourd’hui, il incarne à lui seul un archétype de troubadour à l’art inachevé, volatile un poète incomplet mais dont tout le talent – lyrique et talent de conteur – est là, prématurément.

Les morceaux de ce disque ont été composés, comme beaucoup d’autres qu’il n’a pas produits – mais ont néanmoins disponibles sur des compilations – alors que le jeune Drake allait encore à l’école, ou lorsqu’il passait ses vacances en France, à Aix en Provence… Ses amis avaient alors bien conscience de son talent. Ils se demandaient quand est-ce qu’il allait enregistrer un disque. On imagine que Drake est resté évasif jusqu'à ce qu’il trouve les bonnes personnes – Joe Boyd… Le résultat du disque, lorsqu’il est parut, a finalement déçu ceux qui avaient l’habitude de se trouver dans la même pièce que lui, et de l’écouter… Ils le trouvaient trop produit. On comprend ce qu'il voulaient dire, et pourtant, impossible d'y voir la moindre imperfection.

Cet album est extraordinaire dans cette manière qu’il a ralentir le temps, de renverser les pôles, provoquant immédiatement l’émotion à chaque fois. Ce ne sont pas des clichés, mais bien des histoires que raconte DrakeThree Hours, c’est la durée du trajet de son village en marge de Birmingham à Londres. Londres qui l’a évidemment attiré à un moment ou Drake envisageait probablement de faire de la musique sa carrière professionnelle. Je n’ai pas le souvenir d’autre chose qui l’ait intéressé, quelque autre métier qu’il ait pu faire, lui qui pourtant était si timide sur scène qu’il offrait une vision étrange - assis, il ne cessait de regarder ses chaussures en jouant, et disait juste merci, d’une voix chevrotante, en sortant. A la fois charismatique et discret, Drake devient très vite imprévisible. Ses amis même le perdent de vue. Ses parents n’ont plus de ses nouvelles.

Three Hours, et aussi Fruit Tree, sont des moments délicieux, introduits par quelques arpèges de guitare qui paraissaient apporter une nouvelle dimension au songwriting, ou au moins à la conforter. Day is Done et Way to Blue sont d’autres sommets d’intensité et d’émotion, plus ramassés. Et pourtant la brise d’un monde clair comme une simple contemplation et confus comme peut l’être un seul sentiment dans l’idée de Drake, continue de souffler et d’agiter les branches d’un arbre particulièrement valeureux.

L’album n’a eu presque aucun succès. Les Stones et les Beatles, rouleaux compresseurs de la beauté des poètes – on imagine que Paul Verlaine et Charles Baudelaire ou William Blake avaient eux aussi leurs propres Stones et leurs Beatles – mais ils s’en moquaient. Nick Drake ne s’en moquait pas, et après trois albums, et notamment Pink Moon, enregistré sans overdub et sans concessions en deux sessions de deux heures, il va laisser tomber. Aujourd’hui, tout musicien de folk aillant quelque prétention à partager connaît la belle déclaration de Drake, qui alliait déjà la sagesse des plus grands invocateurs à un pouvoir mélancolique jamais atteint par la suite.

  • Parution : 1969
  • Label : Island Records
  • Producteur : Robert Kirby
  • A écouter : River Man, Way to Blue, Cello Song
  
  • Appréciation : Monumental
  • Note : 8.75/10
  • Qualités : poignant, lyrique, attachant

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