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James Vincent MCMORROW

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samedi 13 novembre 2010

Dr John


A voir Dr John déambuler dans les rues de la Nouvelle-Orléans avec cape et haut de forme aujourd’hui, et marcher en grand gourou au-dessus des gens avec un petit sourire satisfait, on a l’impression d’assister à la résurrection de l’âme vieille et fière de cette ville, un dandy un poil pompeux à la Captain Beefheart. Pourtant Dr John n’est jamais mort, et c’est édifiant de se dire qu’il a passé tout ce temps à se remuer là bas, devenu peu à peu le garant de l’âme de la capitale du blues.

Mac Rebennack est originaire de ce qui est peut-être le seul état américain ayant sa propre culture, la Louisiane, et d’une ville aux résonnances mythiques. Passionné très tôt de musique, il commence, dès quatorze ans, par écrire, produire et enregistrer aux côtés de légendes comme Jerry Lee Lewis, Bo Diddley et Fats Domino. Il fait aussi l’école buissonnière pour voir les légendaires Huey « Piano » Smith et Professor Longhairl’ange gardien des racines de la musique de la Nouvelle Orléans»), qui deviendront ses principales influences. Il voue à l’époque un petit culte à Louis Armstrong, qui habite alors dans le même quartier que lui. Une phrase, en particulier, lui restera en mémoire : « Il n’y a que deux genres de musique : bonne ou mauvaise ». Soutenu par ses parents, son ambition devient d’officier le plus longtemps possible dans la première catégorie. Ses dons précoces l’y ont prédisposé.

Il rejoint ou monte plusieurs groupes, dont Mac Rebennack and the Skyliners avec Charlie Miller à la trompette, et acquiert rapidement une renommée. Il a même un petit succès avec Storm Warning, un instrumental inspiré par Bo Diddley.

Ses expériences avec la drogue, et sa fréquentation de nightclubs miteux et plus violents les uns que les autres va après quelques années l’amener à chercher sa propre voie, comme une sorte d’instinct de survie. Après avoir perdu un doigt en s’interposant au cours d’une rixe, en 1961, il devient incapable de continuer la guitare, et va faire du piano son instrument de prédilection.

Il se fabriquera un personnage psychédélique et vaudou, quelque part descendant de Screaming Jay Hawkins période I Put a Spell On You (1956), et il se donnera bientôt le nom de Dr John, d’après un sorcier vaudou célèbre du début du 19 ème siècle. L’idée d’un surnom lui est apparue tout à fait naturelle : «C’est comme ça que c’était à la Nouvelle-Orléans – tout le monde avait un surnom différent […] Ca montre que nous avons de l’humour et de la considération les uns pour les autres. »

C’est le moment ou apparaît son personnage du Night Tripper, fruit d’errances entre tradition et folklore de son propre imaginaire. Rendu aussitôt crédible par un premier disque qui restera le plus estimé de toute sa carrière : Gris Gris (1968), qui combine chants et rythmes rituels vaudou avec la tradition musicale de la Nouvelle-Orléans et la musique soul créole. « Je ne me suis pas beaucoup inspiré en fait de la véritable musique d'église vaudou. Ce que j'ai essayé d'obtenir, c'est l'esprit qui s'en dégage ». Une musique largement profane, en réalité, qui mêle rythm and blues, jazz et psychédélisme. L’originalité dont il fait preuve et, paradoxalement la lourde histoire dont le disque semble se revendiquer, séduisent -ainsi que sa modernité du fait d’être comparable à des formations comme les Stones. Trois disques sortent en suivant qui prolongent le plaisir d’écoute de Gris Gris ; c’est Babylon (1969), Remedies (1970) et The Sun, Moon and Herbs (1971). Au moment de ce dernier, il est déjà sollicité par Eric Clapton ou Mick Jagger ; sa sphère d’influences s’est considérablement agrandie au point qu’il va finir par se faire inviter à tout bout de champ pour jouer avec les uns et les autres.

Son prochain pas significatif va être de sortir Dr. John's Gumbo, un album qui reprend plusieurs standards du rythm and blues de la Nouvelle-Orléans, fête virtuellement le Mardi-Gras - le carnaval, un moment d’exubérance cérémonielle dans lequel Dr John est très à l’aise. « En 1972, j’ai enregistré Gumbo, un disque qui était à la fois un hommage et mon interprétation de la musique avec laquelle j’avais grandi à la Nouvelle-Orléans dans les années 40 et 50. J’ai essayé de conserver les nombreuses particularités qui caractérisaient la musique de la Nouvelle-Orléans, tout en travaillant sur mon propre langage au piano et à la guitare. » Ce disque est aussi l’occasion pour lui d’étendre sa carrière au delà du personnage génial mais encombrant qu’il s’est façonné, même si l’aspect psychédélique et théâtral fait partie intégrante de sa personnalité et donc de sa musique.

Sa collaboration avec l’arrangeur Allen Toussaint va donner In The Right Place (1973). De la même façon que Gris Gris avait introduit les influences voodoo de sa musique, de la meme façon que Dr. John's Gumbo grandit son aura de revitaliseur des standards de la Nouvelle Orléans, In the Right Place établit le Dr John comme ambassadeur du funk. Il s’en détache Right Place Wrong Time, sa chanson qui restera la plus immédiatement reconnaissable, à l’écriture de laquelle ont participé Bob Dylan, Bette Midler et Dough sahm. Les paroles listent ironiquement diverses occurrences de malchances et d’échecs. N’ayant désormais plus rien à prouver, Dr John abandonne son titre de Night Tripper.

Après quelques disques sans invention et de qualités diverses (Television en 1994 notamment), sa carrière semble avoir rebondi récemment avec la sortie de The City that Care Forgot (2008), un disque plus que jamais ancré dans la réalité, et fustigeant l’inaction du gouvernement à la suite de l’ouragan Katrina. Il ne prétend pas guérir les esprits laminés, mais son engagement montre bien qu’il fait passer la musique et les mots avant tout le rituel qu’il a fabriqué autour. Lorsque la mort rôde sur scène – qui peut prendre la forme d’un crâne factice posé en évidence sur le piano – elle suggère avec la bonne distance, ceux qui continueront de hanter longtemps les villes et les bayous de la maudite Louisiane. La fabulation a rejoint la réalité en quelque sorte. Son nouveau disque, Tribal (2010), montre sa grande versatilité de styles. En seize morceaux il jongle entre tout ce qu’il sait aire avec une dextérité hors du commun, et bien aidé en cela par son backing band excellent. Le disque est vécu par Dr John comme un retour aux sources. « Ce disque m’a fait retrouver la Nouvelle-Orléans à 100%. J’ai senti que si je ne faisais pas ce disque, je ne pouvais plus m’accepter moi-même ».

Sa participation comme musicien de session va s’avérer bien plus lucrative que ses disques studio. Les plus grandes personnalités de la musique rock le sollicitent pour leurs disques, comme c’est le cas lorsqu’il apparaît sur Exile on Main Street (1972), jouant de son précieux instrument sur Let it Loose. Il a aussi croisé la route de James Taylor, Neil Diamond, Van Morrison ou Doc Pomus. Il produisit pour celui-ci There Must Be a Better World Somewhere, qui remporta un award de meilleur disque traditionnel en 1982. Les cinéastes font également appel à lui pour leurs films – The Last Waltz, de Martin Scorsese, ou Blues Brothers 2000, film dans lequel il interprète How Blue can You Get et New Orléans. Il a également composé des bandes originales, comme celle de l’adaptation de Cannery Row de John Steinbeck.

A 69 ans, quand on lui demande s’il va cesser de jouer un de ces jours, il répond par la négative. « Ils n’ont pas prévu de plan de retraite pour les musiciens de toute façon… »

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