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mercredi 3 novembre 2010

John Lennon - Double Fantasy (1980)



OO
varié/attachant
rock/pop
L’enfant gâté, l’enfant roi. John Lennon en fut un, mais de ceux dont la nonchalance et l’ennui sont magnifiques. Double Fantasy, à défaut d’être un véritable chef-d’œuvre, est un document exceptionnel sur ce qu’il a été, et condense les sentiments les plus optimistes qui l’ont traversé, ainsi que de touchantes inquiétudes. Un retour à la vie, sous-estimé et même comparé par Rock and Folk à du Laurent Voulzy (s'il est effectivement d'un naïveté aussi irrésistible que Lennon, cela vaut d’être réécouté).
Plastic Ono Band (1970), dix ans après sa parution, s’est transformé un leurre. Mais Lennon ne s’est pas désintégré ; il n’a cessé de se complexifier depuis sa séparation avec les Beatles. Sa longue relation avec Yoko Ono, sa femme et partenaire de création quasiment depuis son émancipation, lui a beaucoup apporté. Certains rapprochaient à celle-ci d’avoir précipité la fin des Beatles, mais elle a permis à Lennon d’avoir une vie artistique et sentimentale après eux, qui était dans le prolongement de ce qu’il avait toujours été ; un type talentueux mais bougrement obtus par moments. Ses engagements pour la paix, sa situation de porte-à-faux à New York au moment de la guerre au Viet-Nam, lui apportent une nouvelle dimension. Sa manière de dépenser l’argent avec Yoko devient sujette à controverse. L’essentiel, il l’a compris, c’est d’avancer, de marcher hors du mythe, quel que soit le succès public de ses actes.
En 1980, le couple possède trois appartements de 1000 mètres carrés chacun. L’un sert d’entrepôt, le second de quartier d’affaires pour Ono, et le troisième de lieu de vie. Dans cet endroit luxueux, jusque là, Lennon ne fait pas grand-chose à art fumer et se morfondre en essayant de se débarrasser de ses souvenirs des Beatles. « Je ne peux plus être un punk de Hambourg ou de Liverpool », dira t-il. C’est en vacances aux Bermudes, en écoutant sur son ghetto blaster des cassettes de reggae, et avec la chanson Hallelujah Time que l’inspiration pour un nouvel album, son premier en cinq ans, va venir d’un seul coup. Du point de vue d’un esprit baigné de rock’n roll, le reggae remettait les choses à plat. Et l’on peut continuer d’écouter aujourd’hui Bob Marley et Jacob Miller, de temps à autre, pour être immédiatement et naturellement en phase avec un autre soi-même.
« Toutes les chansons de Double Fantasy sont nées sur une période de trois semaines aux Bermudes après cinq années de néant ». Les démos sont enregistrées avec un matériel simpliste, alors que Lennon pouvait se procurer le meilleur à tous points de vue. Double Fantasy, provoqué par cette impulsion subite, va devenir des entrelacs de formes caricaturales, qui auraient pu être vaines, voire obscènes mais sont au contraire pleines de sensibilité. En studio, comme un être immature, Lennon ne cesse de changer d’humeur avec ses très bons musiciens (dont le guitariste de David Bowie, Earl Slick) – mais de manière générale, participe au respect mutuel. Il fait ressurgir son admiration pour le rock’n roll des origines, Elvis Presley (Cleanup Time) - il a d’ailleurs enregistré un disque de reprises de morceaux des années cinquante, passé presque inaperçu et réputé pour sa médiocrité, peu de temps auparavant. Et  l’affection embarrassante qui s’empare de lui, envers sa femme, envers son fils dont il ne s’est pas occupé (Woman, Beautiful Boy) ressemble aux derniers retranchements d’une honnêteté mise à mal par la célébrité, l’argent et la paranoïa suscitée par les drogues. Sa démarche rédemptrice culmine avec (Just Like) Starting Over, plaidoyer naïf pour un nouveau départ, et Watching the Wheels, qui ressemblait d’abord à une ballade revancharde à la Dylan mais s’est transformée, par l’entremise d’une production à la fois rayonnante et très caractéristique du début des années 80, en une formidable bouffée de modernité. « I just had to let it go », crie Lennon sans s’excuser. Le refrain anime un véritable carrousel nostalgique, capable de transformer dans l’imaginaire collectif le salon luxueux et dénué de vie dans lequel Lennon interpréta Imagine en salle de jeux, à nouveau. Redevenir un rêveur, berner les ambitions politiques qui auraient pu faire de lui un autre homme.
Les contributions de Yoko Ono – en premier lieu le technoïde et sexy Give me Something – pervertissent suffisamment l’ensemble pour lui donner une cambrure de fierté. Sa façon de chanter un peu hystérique passe pour de l’avant-garde, et séduit en tout cas les B 52 et les artistes new wave. Alors que Lennon ne supporte pas sa propre voix, qu’il trouble trop nasale et faible – ce qui le conduira à la doubler -, Yoko Ono apparaît comme une créature provocante et épanouie, mais peut-être trop brièvement sur Double Fantasy pour briller vraiment. Les chansons de Lennon, telles I’m losing you, ont plus de souffle. Il tentera de rétablir une égalité en mixant Walking in the Thin Ice, dernière tentative de six minutes du camp Ono pour faire de Double Fantasy à la fois un artefact inespéré visant à remonter le temps et un letsmotiv suffisamment bancal pour construire mieux derrière…  Walking... (qui apparaît comme morceau bonus) est la touche finale apportée à une oeuvre à quatre mains unique. Double Fantasy, à l’origine prévu pour être un double album, sera finalement suffisamment succinct (et c’est tant mieux) mais gardera son principe de départ ; alterner une chanson de John avec une chanson de Yoko, et ainsi de suite.
Ono ne se départira jamais de son image de musicienne avant-gardiste. La vague ironie qui commente la façon dont la grande vie scinde par moments le couple – « The Queen is in the counting room/counting all the money » - ne fait que pimenter un peu le disque. Si John et Yoko ont été trop ombrageux pour véritablement se repentir, Double Fantasy est ce qui ressemble le plus à une mise à plat.
On peut essayer d’imaginer ce qu’il y aurait eu après Double Fantasy. Il n’a cessé, à travers ses erreurs surtout, de se révéler plus humain jusqu’au jour de sa mort. Ses proches racontent qu’une tournée était en préparation, assez spectaculaire – à la mode du début des années 80, post-The Wall en quelque sorte. Et après cela, c’est évident qu’il aurait continué sa trajectoire ascendante, qu’il serait parvenu à transformer ses ambiguïtés en force de rassemblement.




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