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lundi 28 février 2011

Radiohead - The King of Limbs (2011)



 Voir aussi la chronique de The Eraser (2006)

Parution : février 2011
Label : auto produit
Genre : Psychédélique
A écouter : Little by Little, Lotus Flower, Separator

Note : 7/10
Qualités : habité, onirique, hypnotique



« Open your mouth wide, the universe will sight ». Le huitième album de Radiohead, ou peut-être seulement une partie de cet album, est finalement paru. L’autre jour, Karma Police passait à la radio et j’ai imaginé que si Radiohead avait reproduit un disque comme Ok Computer (1997), on aurait pu planétairement dire qu’ils étaient finis. Cela n’a rien à voir avec  la qualité de la musique, Karma Police étant bien sur une excellente chanson. C’est seulement que le disque dont la chanson était issue, nous l’avons assimilé, nous en avons intégré les règles émotionnelles, il ne nous surprend plus que de manière fugitive. Les mécanismes précieux par lesquels Radiohead s’exprimait alors en musique n’ont plus de secret pour nous ; ils jouaient un rock auquel il était impossible de s’identifier, mais dans lequel il était si agréable d’imaginer toutes sortes de choses, parce qu’ils savent tellement bien conjurer une atmosphère. Les guitares fiévreuses ont été peu à peu rejointes par des signaux électroniques, accompagnant avec le groupe l’entrée du psychédélisme anglais dans le XXI ème siècle. Thom Yorke, l’auteur de tant de chansons bouleversantes, confiait en 2006 n’écouter que des beats et des grooves comme ceux de Modeselektor ou plus récemment Flying Lotus (deux projets auxquels Yorke a participé).   
Hail To the Thief (2003) et In Rainbows (2007) prolongeaient de façon vaguement démonstrative la formidable éclosion d’un orfèvre du son, Jonny Greenwood. Presque quinze ans après avoir eu l’idée de génie de violenter sa guitare juste a l’entrée du refrain de Creep, il sertissait Nude d’un nuage élégiaque – mais nous savions déjà qu’une émancipation avait eu lieu avec Kid A (2000), et la découverte par Greenwood des ondes Martenot, le « premier synthétiseur du monde ». Pas d’ondes Martenot sur The King of Limbs ; et les arrangements ont un air mutin de pâtisserie orientale, n’agissent plus autant dans un but noble que dans celui d’imiter l’effet d’une piqure anesthésiante presque parodique. In Rainbows rendait aussi compte de la progression d’un batteur de plus en plus obsédé par les rythmes métronomiques hérités de Can, et soudain mélés à des beats de synthèse sur 15 Step. Le grand public apprenait que les boîtes à rythmes, plutôt que de seulement cohabiter avec les vraies percussions de Philip Selway, guidaient le batteur vers davantage d’inspiration et de précision. The King of Limbs continue sur cette voie, proposant sur certains titres une interaction maligne. Et, pour faire bonne mesure, le bassiste Colin Greenwood est ici particulièrement mis en valeur ; pas d’une manière aussi systématique et dantesque qu’au temps de The National Anthem, titre dont il était la base, mais de façon quelque peu illustrative.
Grandiloquent, apocalyptique ; ces termes autrefois volontiers appliqués à Radiohead, ceux-ci les ont habilement laissés comme un boulet à quelques-uns de leurs suiveurs – Radiohead a l’habitude aujourd’hui de susciter quelques mimes dont la particularité est d’avoir toujours cinq ou six ans de retard en termes d’inspiration. Le groupe s’étant débarrassé d’une aura qui n’était qu’inertie et encombrement, il leur restait à se débarrasser d’être Radiohead. Ils étaient impossibles à approcher, objets d’admiration, de subjugation, de charme évanescent, tous genres d’effets qui en 2011 semblent bien superflus. Ils sont avec The King of Limbs là, avec nous, dans nos oreilles, développant insidieusement les liens atrophiés qui réunissent les belles harmonies et les rythmes pour le corps. Ils nous réapprennent à danser dans notre tête. « Quand j’entends The King of Limbs, je me sens comme Thom sur cette vidéo », témoignait un internaute. La vidéo en question, c’est celle de Lotus Flower, une séquence de danse urbaine et psychotique qui fait naturellement le lien  avec les images pour Street Spirit (Fade Out). Dans les paroles, le chanteur nous conseille de faire ce qu’on veut de son petit corps fébrile.
Dans le vibrant retour à la réalité que constitue The King of Limbs, la voix de Yorke n’implore plus ; elle émet de l’ésotérisme primal et impénétrable. S’adresse directement à l’auditeur, le remue. « you’ve got some nerve coming here » glapit t-il sur Good Morning M.Magpie. Avant de se lancer dans un lent et doucereux « Good morning Mr. Magpie, How are we today ? ». Avec cette proximité, la moindre sentence prend un air politique, manipulateur, malin, immédiat. Couplé au background en forme de mantra (sur Bloom, Good Morning M. Magpie, Little by Little), cela crée une ambiance inquiétante et avant-gardiste. Il y a là quelques gènes, forcément, de la musique du futur. A ce rythme, et c’est le cas de le dire, le prochain de leurs disques se téléchargera directement dans notre cerveau pour un endolorissement délicieux et encore plus immédiat.
Ce n’est pas un hasard que ce soit Radiohead qui les premiers aient porté à échelle mondiale le système de laisser choisir à l’auditeur le prix de son disque. C’était l’impliquer dans l’expérience ; le rapprocher de sa source de plaisir ; lui donner la sensation de contrôler sa destinée,  et accroître la côte de sympathie du groupe. Pourtant, Radiohead est une équipe d’implacables professionnels, qui ont déjà effrayé au moins une fois leurs véritables admirateurs. C’est un maelstrom total pourtant léger, une solution  aqueuse et envahissante, une forme de vie dont le schéma de développement est semblable à ces monstres qui illustrent la pochette de The King Of Limbs (due comme les autres pochettes depuis Ok Computer au très inspiré et mystérieux Stanley Downwood), à chacune des 625 pièces d’artwork qui devraient constituer la version définitive du disque en mai ou encore à ce vieux chêne anglais qui a donné son nom au disque, le « roi des limbes ». Mais c’est pour votre bien, pour vous faire avancer. Leur habileté fait que vous continuerez à les aimer ; car malgré l’apparente aridité de the King Of Limbs, ils n’ont rien perdu de leur mystère et de leur ambigüité, au contraire.
Et il se pourrait, que les huit titres soient bien plus riches et texturés qu’il n’y paraît de prime abord. Le postulat étant qu’il s’agit bien de cinq musiciens, et non de Thom Yorke en solo avec l’ingénieur du son Nigel Godrich (comme ça été le cas en 2006 avec The Eraser). C’est toujours fascinant d’essayer de déceler qui fait quoi, la récompense du jeu étant d’apprécier la musique à un tout autre degré ; Greenwood est évidemment bien plus à ses pédales d’effets qu’à la guitare, et il peut arriver que Ed O’Brien ne semble faire que frapper dans ses mains tout au long d’un morceau. Les voir tous les deux triturer les sons en direct au moment des concerts est un spectacle en soi. Les guitares, quand elles s’illustrent finalement – on est bien loin, en outre, d’un My Iron Lung – sont d’une beauté stupéfiante. Tout est mesuré, et bien évidemment séquencé avec soin ; la seconde partie est plus charnelle, nous offrant une balade bouleversante qui fait une sorte de lien avec Amnesiac (Codex), une incantation sublime qui enjoint à ne pas heurter, ne pas hanter (Give up the Ghost), et Separator, bijou d’onirisme et de malice (c’est le moment pour les guitares stupéfiantes d’œuvrer) qui se termine par « If you think this is over, then you’re wrong », « si tu penses que c’est fini, tu te trompes ». Une façon pour le moins interactive de nous dire que The Present Tense et tous les autres morceaux qui ne figurent pas ici mais que le groupe a travaillés paraîtront très bientôt. 
 

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