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vendredi 1 juillet 2011

Soweto Kinch - The New Emancipation (2011)


Extraits d'interview tirés de Jazz News, que je remercie pour cette découverte.


Parution : juin 2011
Label : Soweto Kinch Records
Genre : Jazz, hip-hop, be-bop, slam, rap,
A écouter : A People with no Past, Paris Heights, Trade

7.50/10
Qualités : élégant, audacieux, ludique

Soweto Kinch est une force touche-à-tout, tour à tour espoir, prodige, petite fierté de la scène musicale d’un pays dont on connaît bien mieux la scène pop rock, l’Angleterre. Saxophoniste de jazz et chanteur de hip-hop avant tout, né à Londres mais aux racines Jamaïcaines, Kinch a depuis une dizaine d’années réussit à séduire tous les publics qu’il a croisés, conquis par son adresse à donner de la personnalité à sa formation musicale de première classe, et par le lien social et culturel qu’il a su créer avec la ville où il a grandi et ses banlieues défavorisées. « Il existe un son spécifique à Birmingham. Une saveur différente, sans doute plus caribéenne. Et il y a aussi un sentiment d’entraide et une longue tradition d’affirmation de nos droits. Une histoire de luttes et d’oppositions aux vexations de la police. Notre manière de rapper n’a donc rien à voir avec le reste du pays. Plus proche des Jamaïcains. » L’île, connue dans le monde entier pour sa scène reggae et ses problèmes de violence, revient souvent dans la conversation. C’est le centre nerveux d’un monde qui dans l’esprit un brin naïf de Kinch – une qualité, ou un défaut, perceptible dans chaque seconde de son troisième disque – ne souffre pas de frontières. Sa soif de musique non plus : « Les jeunes musiciens ont en main toutes ces musiques, et ne peuvent se restreindre à un style, moi le premier, James Brown, Fela Kuti, Bob Marley ont changé notre manière d’entendre le monde ». The New Emancipation montre un jeune musicien pleinement conscient du lien possible entre deux univers, la Jamaïque et sa ville natale britannique, et raconte la façon dont il a appris à articuler les différentes influences qui l’ont instruit.

Introduit par un thème obsédant exécuté au saxophone sur An Ancien Worksong, The New Emancipation devient rapidement le disque à l’ambition et à la générosité rares. C’est l’album que Kinch a toujours voulu faire (et qu’il a entièrement produit lui-même), plus souple et varié que ce qu’il a enregistré jusque-là sur le très jazz et très jam Conversations With the Unseen (2003) et A Life in the Day of B19 (2006), ce dernier déjà à la lisière du jazz et du rap et avec une vraie trame. Kinch a cette habileté à se nourrir de tout ce qu’il y a de plus cool dans la Black music, du hard-bop au hip-hop et de la soul au slam. L’influence de cette culture à la fois particulière et extrêmement large est aussi présente dans ses textes. « A l’heure du supposé monde post-racial, mon album interroge sur ce qui est d’essence « noire ». Je ne parle pas de race, mais de culture. Une culture qui ne cesse d’évoluer mais charrie toute une charge historique. Crois-moi, cette tradition est encore vivante : j’en suis le fruit ». Le fruit d’une éducation artistique familiale de laquelle il tire un principe fondateur : « Dans certaines cultures africaines, il n’existe pas de réelle démarcation entre la danse, le théâtre, la musique, la parole, la peinture… La culture est un tout au service d’une histoire, d’une vision. J’ai toujours envisagé ma musique ainsi, comme une narration, avec des personnages, des situations, des silences et des rebondissements ». Le fruit aussi d’une initiation par des ainés prestigieux : Courtney Pine et Gary Crosby, de Jazz Warriors et Jazz Jamaïca, des formations que Kinch intègre après avoir été détecté comme jeune talent ; et il gagne bientôt le droit de jouer avec ses propres modèles Caribéens ; Steve Williamson, Denys Batiste, Jean Toussaint ou Robert Mitchell. Il multiplie les expériences, de Sao Paulo à New York, du drum’n bass au jazz à l’ancienne, et devient bientôt la force motrice d’un trio de plus en plus soudé.

The New Emancipation, c’est en quelque sorte le slogan de celui qui se réclame de l’affirmation et qui tente le temps d’une album fleuve, d’aborder surtout la question de l’esclavage moderne. « Peut-être que l’aspect le plus pernicieux et récurrent de l’esclavage était de persuader les Africains d’accepter et de perpétuer les termes de leur propre absence de liberté ». The New Emancipation s’intéresse en circonvolutions denses aux mutations de ces déterminismes peu visibles, au pouvoir de l’argent et aux nouvelles formes de dépendance et d’exploitation entraînées par l’économie. Avec Paris Heights, par exemple, s’affirme la passion de Kinch à faire vivre des personnages, ici des collecteurs de dettes et leur victimes, capturés dans un contexte radio-téléphonique avec une habileté satirique bienvenue. Que ce soit des joutes de voix ou des pièces de jazz pleines de mélodies et de mouvement (A People With no Past, Suspended Adolescence), souvent alternés, les plages du disque s’étirent sans cesser de communiquer entre elles, créant un fort contexte : les thèmes sont peu à peu revisités, redéfinis, développés, et les chansons sont différents aspects d’un problème global. Une chanson comme Axis of Evil est assez classique pour du hip-hop, dans son évocation de la théorie du complot, de la loi du business, et son beat bien lourd. Mais c’est la façon dont elle interagit avec son environnement apparemment très libre – elle est tout de même précédée par Trade, un jazz en spirales de plus de huit minutes - qui en fait toute la saveur. Love of Money, Paris Heights ou Raise Your Spirit ont la texture de collages, où différentes voix se débattent pour exprimer mises en garde et leçons et répandre l’émancipation à travers la ville. La new soul de Escape précède le résultat convaincant d’une autre jam session, Never Ending, bien dans la tradition de ce qu’on pouvait trouver sur Conversations With the Unseen. Help, qui n’est pas chantée par Kinch mais par Jason McDougall, évoque Robert Wyatt avec qui le saxophoniste entretient des liens manifestes.

Kinch est personnalité énergique et surtout positive autour de laquelle une nouvelle scène peut se développer, et dont des musiciens peuvent s’inspirer. De Birmingham, il pense en ces termes : « Je voulais mettre en place certaines vérités : les journaux ne s’intéressent à nous que pour les histoires de gangs, les luttes interraciales… Mais ces tours sont remplies d’histoires normales. Des travailleurs, des enfants qui veulent réussir… » L’intérêt de ses méditations reste surtout qu’il s’agit d’un prétexte à l’hybridation musicale ; mais il serait intéressant de voir comment l’intérêt de Kinch pour l’élément humain peut l’amener à lancer des actions de façon locale depuis ses lieux d’attache et avec les personnes qu’il a su impressionner.


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