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dimanche 14 août 2011

Destroyer - Interview


Destroyer, l’extension spirituelle et musicale de son leader intello Dan Bejar, a-t-il vendu son âme avec Kaputt, un album aux sonorités moelleuses et veloutées ? Le groupe a été, pourtant, un avatar du rock indépendant, ce genre issu d’une mouvance née dans les années 90 justement pour se débarrasser des frasques anesthésiantes de la décennie précédente.

Bejar commença en 1995 avec un album de folk électrique à la Bowie et fit paraître coup sur coup quelques-uns des meilleurs disques folk-rock des années 2000 : This Night (2002), Your Blues (2004) ou Trouble in Dreams (2008). Se rapprocher d’un style couru par Bryan Ferry – le reste de ses influences pourra être apprécié dans l’interview à suivre - a pour certains mis l’un de leurs auteurs de chansons favori dans l’embarras. Sa voix s’est ainsi effacée, détachée, et les compositions démembrées, devenues immaculées, matinées de saxophones.

Les forces avec lesquelles joue Bejar n’ont jamais été aussi palpables, émergeant d’un mélange sensuel et plus organique qu’il n’y paraît, tournant le mirage nostalgique à son avantage. C’est surtout à un poète que l’on a droit, avec des mots inoubliables, des phrases enivrantes et la certitude acquise qu’il passe beaucoup de temps à lire – les livres et les femmes, pêle-mêle... « I’ve thumbed through the books on your shelves ». Il semble là plus confortablement installé que jamais.

Interview : Prefixmag et autres sources.

Il y a un vers dans Kaputt qui dit : « J’écris de la poésie pour moi-même ». Les gens vont toujours tenter de comprendre le « réel » sens de vos paroles, une chose qui, vous l’avez dit et répété, ne sert à rien. Ce vers est t-il un commentaire là-dessus ?

Je suis toujours en désaccord avec les définitions des critiques de « réel » et de « sens ». Je dis des critiques car je pense que dans un usage de la langue au jour le jour les gens seraient d’accord avec moi, mais quand on se met à analyser (ne me méprenez pas, j’aime l’analyse !), les choses deviennent bizarres. L’idée que les mots signifient quelque chose, par opposition à agir d’une certaine manière. Par opposition à l’effet qu’ils produisent. Je recherche cette dernière option dans toutes les formes d’art, et si ce n’est pas là je laisse tomber, c’est pourquoi j’ai tant de mal à prévoir ce qui va se produire dans l’avenir. Je pense toujours aux mots en termes de fonction. En réalité la façon dont j’y pense, c’est probablement seulement en termes émotionnels, ou intellectuels, l’effet physique qu’à l’art sur nous. Comme le sentiment d’être interpellé par une ligne dans un livre, ou une chanson, ou un film, quand vous cessez de faire ce que vous êtes en train de faire et restez en arrêt un moment.

« I write poesy for myself » est peut-être de l’ordre de l’instinct de survie pour quelqu’un qui pense que la poésie s’est éteinte dans le monde. Je ne sais pas ce que cela peut avoir à voir avec les paroles de Kaputt, qui sont les plus confusément littéraires que j’aie jamais écrites. Comme si elles m’étaient venues dans une série de rêves très clairs. Ou de mémoires de mourant.

Vous avez dit que le premier genre de musique que vous ayez jamais abordé, étant enfant, était la New Wave britannique, et il y a une vibration typiquement New Order dans certaines chansons de Kaputt comme Savage Night at The Opera et la chanson-titre. Pourquoi cette influence se révèle t-elle dans votre musique maintenant ?

Ce qui m’a d’abord motivé à jouer de la musique c’était l’indie-rock américain, comme Guided by Voices et Pavement. Ce qui est arrivé ensuite, c’est que beaucoup de ces groupes ont été mis de côté pour 10 ou 15 ans. Surtout de l’indie rock, ou du rock anglais classique, avec beaucoup de Dylan et de Lou Reed en travers pour faire bonne mesure. Ces deux dernières années, tandis que cette musique semblait arriver en bout de course selon moi, je me suis davantage intéressé à la musique instrumentale, que ce soit de l’ambient comme Eno et Harold Budd ou des standards de jazz (je dis standards parce que pour beaucoup Miles Davis et John Coltrane, c’est comme lire, mais lire du Shakespeare), et je me suis davantage replongé dans la musique de ma jeunesse.

Je n’ai jamais eu vraiment l’occasion de m’enthousiasmer pour la bonne musique quand elle se produisait, mais je me rappelle avoir aimé beaucoup de ce que j‘ai pu écouter. J’adorais la musique de Manchester, puis ce qui a été appelé le shoegaze, ce qui concerne, je suppose, tout groupe qui ramène à The Jesus and Mary Chain. Screamadelica a été un autre album important pour moi. New Order a toujours été une grosse influence. Vous pouvez en entendre dans des endroits isolés sur tous les albums de Destroyer depuis This Night. Pour moi ils sont comme les Rolling Stones, la façon dont ils construisent des chansons avec les parties les plus branlantes. Et Bernard [Sumner] a toujours été l’un de mes chanteurs favoris.

[Pour Kaputt] J’ai aussi découvert Brian Ferry dans ce qu’il a fait après Siren, et j’ai étrangement été fasciné par certains aspects de son monde, surtout Avalon, Boys and Girls, et peut-être Bête Noire. Je me suis aussi arrêté sur This is Not America et la bande originale de The Falcon and the Snowman, et aussi Pat Metheny, pour la première fois, mais ça n’a plus grand-chose à voir. J’ai aussi un intérêt pour Style Council depuis quelques années, ce que je n’ai sans doute plus cherché à déguiser. Et l’influence de David Sylvian a aussi été formidable, je pense que l’on peut ressentir ça sur Your Blues, ou peut être pas…

Il y a quelques chansons sur Kaputt qui peuvent être interprétées comme politiques (Suicide Demo for Kara Walker, en particulier). Qu’est-ce qu’il y a, disons, dans une ligne comme « as proud american » (comme de fiers américains ») ? Vous êtes Canadien, près tout.

Les paroles de Suicide Demo for Kara Walker ont été co-écrites avec Kara Walker, et je ne pense pas que ce soit à côté de la plaque que de dire qu’il y a un fort élément politique dans son travail. Et dans Destroyer, même la chanson d’amour la plus tendre existe dans le contexte d’une nation en flammes, ou en décombres. Ce qui ne manque pas de romantisme. Je me demande si la nostalgie n’existe toujours qu’en relation main dans la main avec une tristesse, un épuisement quant à l’état actuel du monde. Vous atteignez un point où le présent vous semble aussi distant que le passé. La musique de Destroyer n’est jamais satisfaite avec l’état des choses, même si Dan Bejar est à l’aise dans le monde.

Vous avez dit que Trouble in Dreams était l’un de vos albums les plus difficiles à enregistrer. Kaputt était t-il plus facile ? En quoi le processus a-t-il différé ?

Difficile aussi, mais pour d’autres raisons. J’ai vraiment eu des difficultés à chanter certaines chansons de Trouble in Dreams, même si j’étais vraiment intéressé par le processus. Je devais vraiment y travailler, sur les morceaux qui sonnaient le plus comme le produit du groupe (The State, Plaza Trinidad, Leopard of Honor) et qui sans coïncidence sont devenus les meilleurs de l’album. Sur Kaputt j’ai chanté d’une façon bien différente, presque sans la conscience même d’être en train de chanter, plus comme parler dans le vide, et j’ai été très content du résultat sans vraiment devoir étudier la question. Mais parce que la musique a été construite petit bout par petit bout, c’était difficile de faire sens avec le plus gros de ce qui se produisait. Parfois c’était un vrai challenge de coller avec tant d’idées disparates. Kaputt a pris environ 10 fois plus de temps à enregistrer que n’importe quel autre album de Destroyer, surtout à cause de notre planning tranquille. Mais c’est aussi que l’égarement est l’attitude la plus au cœur de ce disque.

Kaputt explore des styles et des sons qui sont bien loin du rock relativement direct de Rubies et Trouble in Dreams. Qu’est-ce qui vous oblige, en tant qu’artiste, à changer constamment, et qu’est-ce qui donne l’impulsion de ce changement ?

C’est probablement parce que je ne suis pas un vrai musicien (la guitare ou le piano ne sont qu’un outil pour composer, en ce qui me concerne – je ne peux d’aucune manière m’exprimer à travers le jeu de ces instruments. Un tour cruel que Dieu m’a joué !). Je n’ai pas d’attachement à des attaques instrumentales particulières. Et ainsi quand j’écoute un disque de Miles Davis, ou de Jon Hassel, ou certaines chansons sur Behaviour par les Pet Shop Boys, ou l’approche de la percussion sur Avalon, ou certaines bandes originales de Michael Mann, ils me stimulent et j’en veux une part. Comme le saxophone : j’ai toujours adoré, et j’ai toujours eu envie d’en inclure, secrètement ou en pleine lumière, sur les disques de Destroyer. C’est partout sur les disques de Lou Reed ou des Stones. Et des groupes comme Bark Psychosis ou Primal Scream n’ont jamais eu froid aux yeux à l’idée de flamber des solos de trompette ou de saxo. Après ça, tous les éléments auxquels vous faites référence, autre que les chœurs par Sibel (Trasher), sont déjà pressentis sur les autres disques de Destroyer. Ils sont juste particulièrement musclés sur Kaputt. Surtout car les paroles et le chant existent d’une façon plus ambiante, et que ça laisse plus de place au reste pour devenir sauvage.

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