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James Vincent MCMORROW

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dimanche 11 décembre 2011

R. Stevie Moore (1) "Phonography"


Comme il aime le rappeler lui-même, Robert Stevie Moore est le fils du bassiste de session légendaire Bob Moore (né 1932). Bien qu’il ait également joué avec Elvis Presley à un certain point de sa carrière, Bob Moore ne doit pas être confondu avec Scotty Moore (né 1931), le pionnier de la guitare présent sur les Sun Recordings (1953-1955) du même Elvis. Il y a une mauvaise chose à porter un nom aussi répandu : on notera aussi que ces deux Moore-là avaient presque exactement le même âge. La confusion que l’on faisait déjà à l’époque entre ces deux musiciens amenèrent peut-être le jeune R. Stevie Moore à s’intéresser autant aux albums country de son père qu’au rockabilly de l’autre Moore, celui qui façonna That’s All Right Mama, Good Rockin’ Tonight, Baby Let’s Play House et Mystery Train. Scotty Moore combina des éléments de country et de rythm & blues, a ajoutant de riches harmonies grâce à une amplification plus lourde. Son phrasé concis et affuté complétait parfaitement la voix de Presley, et il continua à jouer auprès de lui jusqu’à la fin des années 60, son travail culminant avec les premiers albums pour RCA et les chansons Hound Dog, Jailhouse Rock ou Too Much, entre autres.

L’effet qu’eut la musique de Scotty Moore sur R. Stevie, né en 1952, n’est que suppositions. En revanche, le travail de son père, l’inspira sans aucun doute directement. Bob Moore, qui fut opérationnel dès l’âge de dix ans, est tout simplement l’un des musiciens les plus enregistrés de l’histoire de la musique. Installé à Nashville, il fut très souvent présent pour l’émission de radio live locale, Grand Ole OPry, émission qui se targue aujourd’hui d’être la plus ancienne au monde encore en activité. Moore a ainsi posé les bases de milliers de chansons de country. Investi dans de nombreux enregistrements historiques, il participa aussi à des projets plus originaux en compagnie de musiciens tout aussi talentueux ; il tourna par exemple au bluegrass progressif, si cela devait exister, en compagnie du violoniste virtuose Scotty Stoneman au milieu des années 1970, alors que son fils enregistrait The Winner et autres joyeusetés. Il fut aux côtés de Jerry Lee Lewis, Willie Nelson ou plus tard Bob Dylan, et d’artistes plus obscurs tels que le songwriter cynique Henson Cargill. La chose la plus remarquable que Bob Moore composa sous son propre nom, Mexico, fut un hit pour le label Monument en 1961.

Il y a pire qu’un endroit comme Nashville pour grandir, entouré de musiciens comme l’était le fils de Bob Moore. Cela signifie qu'il était d’autant plus difficile de se démarquer du lot. Par opposition à la carrière très traditionnelle de son père, celle de R. Stevie Moore allait être marquée par un comportement nouveau qui deviendrait rétrospectivement la base de la façon d’être du musicien ; nourrissez-vous de tout et réinterprétez-le sans délai et sans intermédiaire. R. Stevie Moore a ainsi pour mérite d’avoir enregistré directement ses premières inspirations sur un 4-pistes, et d’être resté à ce processus un peu trop longtemps pour que ça ne soit qu’une question de moyens. Il incarne pour cela, aujourd’hui, une certaine forme de liberté et est cité comme influence directe par de nombreux musiciens.

R. Stevie Moore eut son premier morceau commercial à l’âge de sept ans, lorsque Bob Moore le fit chanter But You Love me Daddy en compagnie du chanteur country Jim Reeves. Dix ans plus tard, le morceau devint un hit single en Angleterre. A travers le travail de son père, et, symboliquement, cette chanson précoce, il lui semblait sans doute avoir vécu le succès par procuration, et c’est pourquoi Moore eut très rapidement cette démarche progressive, exploratoire, cette écriture en mouvement, comme s’il cherchait déjà à renouer avec ses propres aspirations, dès le départ de sa carrière. Il travailla pour son père comme musicien en studio, et comme assistant au sein de sa maison de disques, Mimosa Music. En réaction à sa médiocrité dans ces emplois, il commença à développer un intérêt pour des styles moins traditionnels que la country et le jazz be-bop de la côte ouest, écoutant les hits du top 40. Sa frustration, peut-être, le conduisit à devenir mélomane avant tout. « Bartok. XTC ? Fabian. Mingus ? Sparks. Ray Stevens ? Public Image LTD. Asylum Choir ? George Jones. Oasis ? Allen Sherman. John Lee Hooker ? (Combien en voulez-vous ?) The Move. Presley ? The Troggs. James Brown ? Cobain. Sinatra ? Shaggs. Pet Sounds ? Pet Shop Boys. Roxy Music ? Patsy Cline. Zappa ? Crappa. J’ai été esclave de toute musique depuis 1955. » Ce compte-rendu, dans un interview révélatrice menée par Alfred Boland du webzine Perfect Sound Forever en juin 2000. On comprend à quel point il est insensé de vouloir affirmer que Moore s’est inspiré de tel ou tel groupe en particulier.
Fondant un groupe, The Marlborough, qui n’allait pas durer, il commença dès 1966 à poursuivre son idéal de one-man-band pop et excentrique. Il pratiquait déjà la guitare, la basse, les claviers, la batterie et son écriture de chansons dans une forme d’artisanat dont les règles n’allaient plus changer jusqu’à aujourd’hui. Son oncle Harry Palmer l’encouragea et lui apporta son aide jusqu’à son émancipation complète.

Les premiers résultats tangibles arrivèrent avec Phonography en 1976. produit par Harry Palmer sur son propre label HP Recordings, ce disque validait la décision de Moore de quitter l’Université cinq ans auparavant.
Déjà à l’époque, les scènes punk et new-wave de New York s’approprièrent cet album artisanal et éclectique. L’incrédule Ira Robbins, de Trouser Press, déclarait en 1977 : « Quelque part à Nashville, est assis (dans une baignoire) un jeune garçon du nom de R. Stevie Moore. Dans son salon, deux postes enregistreurs sont mis en place. Des micros et des câbles sont répandus partout. En l’espace de quelques années (1974-1976), notre héros s’assied avec ses enregistreurs et (tout seul) met sur cassette une série de morceaux contenant beaucoup de ses talents musicaux. Ce disque est une distillation de quelques-uns d’entre eux, mixés avec quelques discussions et narrations avec le vénérable Mr. Moore. Le résultat est une collection outrageuse de bribes de génie qui sonnent, par moments, comme Thunderclap Newman, Todd Rundgren, et le Bonzo Dog Band. La qualité du son n’est pas comme qui dirait spectaculaire, mais ça vous donne une idée, et l’écouter est très divertissant, comme tout les staff de Trouser Press peut en attester. » Avant de conclure : « Ne vous dépêchez pas d’aller chercher Phonography. Il va vous trouver ».

Phonography est le véritable départ d’une carrière d’un genre nouveau. L’excitation perceptible de la journaliste est en outre révélatrice de tout ce que l’artisanat de R. Stevie a de différent, et qui nous semble si naturel d’entendre chez d’autres artistes aujourd’hui ; cette façon d’alterner ‘véritables’ chansons, bribes diverses de conversations et autres échantillons de jingles empruntés à la radio ou à la télévision, comme le plus brut des reflets de la culture populaire de son temps. Cette aisance à jongler entre expérimentation rudimentaire et compositions sophistiquées. Comme ce sera démontré par la suite, les ouvrages de Moore sont des instantanés qui peuvent être remodelés selon ce que les temps lui réservent. Journalistes et fans se passent le mot encore aujourd’hui sur le potentiel de Moore et de ce disque. En 1996, le magazine américain Rolling Stone place Phonography dans une liste des 50 albums indie-rock les plus influents. En 2001, Stewart Mason écrivait pour Allmusic : "Comme une version one-man-band du White Album qui serait croisée avec le Zappa de la fin des années 60. » Avant de remarquer « Juste quand l’album semble désespérément auto-indulgent et bizarre, Moore vire soudainement vers quelques unes des pop songs les plus douces et entêtantes des seventies pré-punk. Cette dichotomie est ce qui fait de Phonography un disque spécial ». Mason décrit ainsi les dynamiques qui sous-tendent tout bon album de R. Stevie Moore depuis ce jour.



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