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James Vincent MCMORROW

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jeudi 1 décembre 2011

St. Vincent - Strange Mercy (2011)


Parution : septembre 2011
Label : 4AD
Genre : Pop alternative
A écouter : Cruel, Strange Mercy, Dilettante, Year of the Tiger

°°
Qualités : féminin, sensuel, ambigu

L’Amour l’Après-Midi est un film d’Eric Rohmer qui date de 1972. Un homme marié y médite son rapport aux femmes, celles qu’il observe dans sa vie quotidienne. La maîtresse d’un de ses amis de jeunesse, Chloé, reprend un jour contact avec lui. Créature impulsive et en détresse, l’homme, qui s’appelle Frédéric, décide de lui devenir en aide, et tombe bientôt sous le charme, avant d’être tiraillé par la jalousie. L’histoire a plus d’une parenté avec Le Démon de l’américain Hubert Selby (1928-2004), livre génial dans lequel un homme tout aussi marié ne peut s’empêcher de multiplie les aventures, frustré par un travail qui devrait pourtant en théorie tarir ses envies de pouvoir et de domination les plus folles. Une critique acerbe de la morale sociale, qui démarre dans l’intimité paisible d’un foyer pour se terminer en feu d’artifice de violence grandiloquent. Chloe in the Afternoon, c’est le titre de la chanson qui ouvre l’album sous des auspices bien étranges.

C’est la que se pose Annie Clark avec son alias St Vincent ; entre les apparences que l’on se donne et les envies qui nous prennent, en réaction à un environnement qui s’efforce de sembler paisible et banal pour ne pas nous stimuler. Plus une personne est elle-même marquée d’une banalité apparente, plus ses envies, sa voracité, seront puissantes. « Physiquement j’ai l’air très réservée », suggère Clark. « Mais j’ai certainement autant de colère et d’agressivité en moi que n’importe quelle autre personne, et il faut que cela s’exprime d’une façon ou d’une autre. » Ce disque subvertit l’image de Annie Clark sans pourtant jamais la faire ressembler à PJ Harvey sur Rid of Me. Ni vraiment à rien d’autre, d’ailleurs. Actor, son précédent disque, noyait un peu le propos de la chanteuse dans les ornements de ses arrangements ; Strange Mercy est né à la guitare, et le choc de cet instrument et des mots, ‘emboités ensemble d’une façon évocatrice’ est resté bien audible. La propension des claviers à emplir l’espace n’enlève rien à la crudité des mélodies.

Difficile, sans doute, d’aimer immédiatement cette entremêlement de claviers flûtés et d’électricité lubrique que Clark fait jaillir de son instrument de prédilection. "J’aime l’aspect physique de la guitare ; vous pouvez l’étrangler ou la faire chanter. Je ne peux pas dire que je sois très technique pour autant. C’est plus de l’intuition – c’est toujours plus le coup de chasser l’abstraction. » Le refrain, avec la phrase du titre répétée, intrigue. La production du morceau est conçue pour le rendre aussi séduisant qu’effrayant, ses bruitages acides et psychédéliques nous propulsent sans préparation dans un univers de tension psychologique qui confine à l’hystérie. Clark semble y manier le fouet autant qu’elle s’écrase sous les coups de langue enflammée de son instrument. Elle subit et inflige tour à tour, et souvent simultanément. Son désespoir semble appeler revanche. “did you ever really care for me, like I cared for you?” Il y beaucoup de questions rhétoriques, de faits arrêtés, les considérations précieuses sont en réalité des remparts désespérés, la chanteuse faisant mine de s’accrocher tant bien que mal à sa fierté.

Clark a beaucoup à voir avec Nina, l’héroïne du film de Darren Aronoifski, Black Swan, et ce n’est pas seulement pour sa voix de cygne. Parfois, ses images de grandeur se concrétisent, comme sur Cruel et ses remarquables séquences de cordes, au cours d’une entêtante Cheerleader au refrain insistant ou encore sur le magnifique Year of the Tiger. Lorsqu’elle laisse la confiance l’abandonner pour paraître plus vulnérable (Surgeon, Champagne Year…), c’est fascinant aussi. Dilettante est précieux et inclassable, entre funk et instrumentation baroque, avec un final une nouvelle fois surprenant. Clark créée des enjeux imaginaires plutôt que de tenter d’obtenir le rôle de sa vie.

Malgré le faste sonore de certains morceaux, au cœur de Strange Mercy, ce n’est que doutes, atermoiements. « Si jamais je rencontre ce sale policier qui t’a brutalisée/Non, je ne sais pas ». Ceux qui ont déjà à eu l’occasion de découvrir ce disque très attendu le savent ; le pouvoir de séduction de ce disque est laissé par Clark dans l’entrelacs de ses flottements sensuels, au détour de ses structures originales. On pense aux groupes les plus ambigus à s’exprimer dans les périodes où les personnalités étaient comprimées par l’impératif du commerce de masse et de la réussite. Certains y gagnaient à être pressés comme des fruits mûrs, transformant ces stimulations insensées en luxure, la paranoïa en joie féroce, comme les Talking Heads. On retrouve un morceau de leur karma sur Surgeon.








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