“…you can hear whatever you want to hear in it, in a way that’s personal to you.”

James Vincent MCMORROW

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jeudi 12 janvier 2012

Björk - Universal Applicant (2)


Saltimbanque contemporaine ?

Sons

BJÖRK DÉTESTE LA TIÉDEUR ET LE ROCK À GUITARE. Il lui faut du bouillant, du fusionnel. D’où les beats électroniques, les plus à même de provoquer la rugosité, de susciter accidents, contacts, chocs électriques.

« En 1996, j’étais dans un endroit très spécial avec ma musique – je n’écoutais que des beats. En partie parce que j’étais à Londres. Quand j’entrais dans un Rough Trade, 80 % de la musique était basée sur des beats : drum and bass, dubstep, two-step, techno, hardcore trance. »

Elle ne sera jamais plus inspirée, cependant, qu’en décidant de s’adjoindre les services du duo californien Matmos (le point d’orgue d’une longue série de collaborations instrumentales et vocales), pour la première fois sur Vespertine et jusqu’à aujourd’hui. Constitué de MC Schmidt et Drew Daniel, c’est la panacée de l’imagination musicale, avec l’utilisation, sous formes d’échantillons électroniques, d’une multitude de sons, dont certains pour le moins organiques. Instruments chirurgicaux, squelette, gants en latex, cheveux, pages de livres, sel, etc. Visionner le concert At the Opera House (2002), suffit à se convaincre que c’est le mariage artistique parfait. Qui suscite en temps réels des sons pénétrants, étouffés, des rythmes syncopés, qui mélange un paquet de cartes sous le micro ou piétine une neige de synthèse pour en tirer les craquements de l’hiver pour Aurora (Vespertine). Superbe performance entre musique de synthèse et musique concrète qui traduit le dédain de Björk pour les méthodes de composition traditionnelles. « Je n’ai jamais écrit au piano ou à la guitare. J’ai toujours senti que quand vous les utilisiez, vous finissiez par écrire les mêmes chansons que tout le monde.»

Technologie

« CROIS-LE OU NON, JE SUIS ASSEZ MALADROITE avec la technologie », déclare notamment Björk en 2011, afin d’expliquer son attirance pour les Ipads ‘intuitifs’. Elle se mettra pourtant à utiliser un ordinateur pour composer dès l’année 2000, tout comme Thom Yorke, un ami, qui avec son groupe Radiohead va laisser les ordinateurs portables prendre le pas sur les instruments pour enregistrer Kid A (2000) et Amnesiac (2001).

« Vespertine, c’était lorsque je pouvais passer trois mois à faire ces arrangements comme des points à l’aiguille. C’est tellement de détails, et l’ordinateur m’a donné plus d’indépendance. » « A cette période, tout le monde se lamentait en disant que les ordinateurs allaient geler mon talent. J’ai essayé de susciter cette respiration, ce monde d’hibernation et d’hiver ou tout est de toute façon saisi par le froid. J’ai essayé d’utiliser ces sons comme chose poétique ; j’ai essayé de travailler autour de l’outil.»

Depuis que l’ordinateur est devenu la nouvelle norme dans l’univers musical, Björk s’est mise à créer des instruments, à partir de tiges de bambou, de cordes et de tuyaux d’orgues achetés sur Ebay. Même si les voix sont le plus intéressant sur Biophilia, le travail sur ces nouveaux instruments parfois semi-autonomes (un peu comme la boîte à musique sur Pagan Poetry, Vespertine) souligne la volonté de l’artiste de susciter, stimuler, provoquer, et sa fascination pour les mécanismes, qu’ils soient naturels ou artificiels.

Emotion

« LA PLUPART DES GENS TRAITENT LA TECHNO comme s’il s’agissait d’une chose inconnue, venant d’une autre planète. Comme s’il s’agissait de quelque chose de froid, qui ne faisait pas partie de notre corps. Pour moi, la pop actuelle marche dans la rue, entend les alarmes des voitures, les bruits des fax, le vent, le soleil, les voix… Elle prend uniquement une série de risques, et réalise ensuite une magie bien à elle. Voici ce qu’est pour moi la pop music… » L’émotion est pour Björk une chose concrète. Comme l’intimité naît des détails de la vie quotidienne, de la sphère domestique ou de la poésie naturelle de l’âme, la musique pop doit savoir capter l’émotion alentour et la restituer. Ce n’est pas la répétition de schémas musicaux établis mais la recherche en temps réel d’une vibration, d’un son de la vie courante. C’est difficile de dire ce qui, de l’émotion ou des sons, naîtra en premier dans la musique de Björk, et lequel des deux est structuré autour de l’autre. Pour accueillir plus ouvertement un big-bang de matière émotionnelle, Björk a toujours semblé théoriser ce qui provoque une émotion. « Et ils disent qu’à l’origine notre univers/N’était pas jusqu’à un bruit soudain/Et furent la lumière, le son, la matière/Et devinrent le monde que nous connaissons” (Cosmogony sur Biophilia). La matière provoque l’émotion. Elle travaille cette matière pour mieux la réemployer, de manière instinctive.

Peut-on parler de chaleur humaine dans Biophilia ? Si la musique est chaleureuse, c’est la chaleur d’un corps vu de l’intérieur, dont on observe l’acheminement des globules et le développement des cellules.

L’émotion, c’est aussi une voix. Pour Björk, celle d’Ella Fitzgerald, par exemple. C’est un élément simple, naturel, humain qui se révèle le plus efficace. Le corps, par lequel passe tout le cosmos, et qui provoque ses propres créations, demeure humblement un instrument à cordes. « J’ai commencé à chanter avec mon corps entier, se souvient Björk. A la fin, les ingénieurs du son utilisaient les micros dont ils se servent pour enregistrer les contrebasses. Ils utilisaient mon corps comme une contrebasse»… Et ainsi, tout peut être transformé, utilisé du point de vue naturel.

A travers les vibrations sonores, les frémisssements émotionnels, Björk donne au naturel la voix qu’elle croit la plus sincère.


"Quand tu te couches, si ta journée s’est bien passée, c’est que tu as bien jonglé."

 

Interaction

« J’AIME LA MUSIQUE, TOUTES LES MUSIQUES, et cela me passionne d’établir des correspondances entre celles-ci. Par exemple, si j’écoute Jimi Hendrix, je peux trouver des correspondances avec le jazz. De même, si j’écoutes Miles Davis, j’établirais des liens avec Igor Stravinski par exemple, et ainsi de suite. Dénicher toutes ces liaisons m’intéresse. »

On pourrait dire la même chose de la musique de Björk en ce qui concerne les liens entre les femmes et les hommes, et ce depuis son éclatant début en solo avec Human Behaviour. Elle y décrivait l’attirance spontanée des êtres les uns pour les autres : « Il n’y a pas de logique/au comportement humain/pourtant si irrésistible».

Le contact émerveillé de l’artiste au monde extérieur devient ce qu’elle garde serré contre elle et ce qu’elle va choisir d’offrir. Ces deux types de possessions finnissent par se mélanger. « Devrais-je me préserver pour plus tard ou donner généreusement ? » s’interroge t-elle sur Innocence (Volta). « C’est la vie de toute façon. Ta grand-mère t’appelle pour dire qu’elle est malade, et juste après tu mets du rouge à lèvres pour aller voir ton petit copain. Il faut jongler avec tous ces éléments pour qu’ils s’imbriquent. Quand tu te couches, si ta journée s’est bien passée, c’est que tu as bien jonglé. Tout cela est contradictoire, mais il faut ça pour que la musique devienne plus réelle, moins isolée de la vie. Il doit y avoir un brin de lâcheté, aussi : pour la première fois de ma vie avec cet album, je me suis efforcée de créer un cocon. J’ai toujours été cette punk qui voulait que tout soit très vrai, très brut. Cette fois, cet album doit être un paradis dans lequel on peut s’échapper. ». Elle s’exprimera ainsi à la parution de Vespertine, au moment de se retirer pour laisser chacun s’identifier et agir avec sa propre expérience sur ce qu’elle a créé.

La musique de Björk est aussi, parfois, la plus vivante et vorace, à tel point qu’il est difficile d’imaginer qu’elle puisse confier son amour à une seule personne. Les chansons d’amour sont nombreuses dans son répertoire, mais leurs cibles ne sont pas toujours une personne en particulier, et vont au-delà des personnes.

Les amants sont capables de se rapprocher, dans un désir mutuel, avec la force de plaques tectoniques (Mutual Core, Biophilia).

Elle pacifiela relation à la musique, le rapport entre le musicien et l’auditeur. « Si tu pleures/Défais-toi/Si tu transpires/Défais toi/Si tu saignes/Défais-toi, défais-toi. » Elle appelle aussi à se « déplier de manière généreuse».

Pédagogie

« QUAND J’ÉTAIS À L’ÉCOLE DE MUSIQUE ENFANT, j’étais frustrée parce qu’elle donnait tellement d’importance aux choses académiques. ‘Prends ton instrument, répètes pendant quinze ans et tu vas peut être être chanceuse et rejoindre un orchestre.’ Mais quand les enfants entre cinq et sept font ces dessins qu’on veut tous les encadrer. Imaginez que ces enfants écrivent des chansons? Elles seraient incroyables. » A la sortie de Biophilia, Björk a comme projet de monter une école de musique en Islande. Un endroit dont chaque pièce serait une chanson – de l’eau coulant dans l’une, un éclair électrique jouant une ligne de basse dans l’autre, chaque élément jouant une note de la gamme. Un projet fou mais qui laisse imaginer l’étendue des possibilités, une fois que les personnes, et les enfants en particulier, ont appris à interragir avec la musique. C’est chacun qui peut laisser libre cours à son imagination. En inventant des instruments qui n’existaient pas, c’est ce que Björk a fait pour elle-même, montrant l’exemple.

Björk fait une musique descriptive, accessible, didactique. L’artiste s’articule avec la donneuse passionnée, deux fois mère. Trouver de nouvelles façons d’enseigner des matières non musicales au sens strict est un défi pour les artistes dans le futur proche. Le DIY (« Do it yourself ») en 2011, ce n’est plus confronter les personnes à des vérités qu’ils ne veulent entendre, mais leur proposer un apprentissage. « Ecoute, apprends et crée… Nous sommes sur la brèche d’une révolution », conclut Sir David Attenborough, rédacteur scientifique, chercheur naturaliste et ami de longue date de Björk.



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