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samedi 1 septembre 2012

Deerhoof - Breakup Songs (2012)





Parution : septembre 2012
Label : Polyvinyl
Genre : Noise rock
A écouter : There's That Grin, The Trouble With Candyhands, Fête d'Adieu

O
Qualités : Varié, original

Breakup Song est l’album qu’on écoute un lendemain de fête, pour essayer d’expliquer ce qui s’est réellement passé au cours de la soirée de la veille. Qui de mieux que Satomi Matsuzaki pour s’aider à relativiser ses propres sentiments à l’égard de la fille avec qui on a dansé ? Pourquoi Matsuzaki semble tellement inamovible ? 8 albums en 10 ans, et une place de premier plan dans le groupe dès Apple O (2003). Elle est plus que rodée. Mais comment fait pour rester aussi forte et indépendante ? C’est ce que dégage l’angulaire et distordu morceau titre en ouverture, et son refrain slacker : « When you say it’s all over/ Hell yeah anyway”. On hésite entre jeter son téléphone contre un mur et danser frénétiquement. L’hostilité parfois bizarrement provoquée par une chanson de Deerhoof – scientifiquement expliquée par l’entrechoquement d’instruments rares, qui provoquerait sur l’auditeur une réaction de self-défense – est systématiquement balayée à la fin. Matsuzaki n’est pas à proprement parler dépassionnée, même si elle laisse planer le doute jusqu’au dernier moment. Sur Fête d’Adieu, qui clot l’album : « Ready to be iotough as a robot on the dancefloor. » Non, pas avec cette envie d’exubérance qui l’anime, pas si on pense aux concerts. Dans le meilleur des cas, cette attitude de la chanteuse et de sans cesser bousculer nos attentes. On peut même s’interroger sur la sincérité des ‘chansons de rupture’ annoncés. Ils n’y aura pas vraiment de sentiment, seulement une envie communicative de s’amuser.


Deerhoof est un groupe solide et constant. On pourrait même être pris de l’envie de fêter les 10 ans qui nous séparent de Réveille (2002), le premier véritable chef-d’œuvre du groupe. Leur professionnalisme détone si on se réfère à l’indie-rocker moyen, et s’illustre le mieux quand on sait qu’ils vivent tous les quatre dans des lieux différents et s’échangent leurs bouts de chansons sur internet. La brillance de ces mélodies, l’audace des sons qui en est tirée, la façon dont ces bribes de compositions s’interpénètrent, la facilité avec laquelle la voix de Matsuzaki se pose là-dessus font le génie de Deerhoof. Leur spontanéité et leur inventivité ne les empêche même pas d’avoir une vision, car ils parviennent toujours à faire le tour de leurs atouts, on sein d’un même disque, souvent en tout juste une 1/2 heure, et à ajouter quelques nouvelles idées.


L’album a été défendu avant sa sortie par une machine virtuelle appelée le ‘jingletron’ : le procédé le plus adapté qui soit à l’idée qu’on se fait de Deerhoof ; moyennant l’introduction d’une pièce dans une fente, il donnait à entendre de extraits de ces chansons fracassées, saucissonnées, parsemées de lignes de basse grasse, de guitares post-punk insolentes et mélodies plus joueuses les unes que les autres, le tout reposant sur le jeu de batterie sans cesse changeant de Greg Saunier, un ami proche du trio Battles, porte-parole de Deerhoof et spécialiste des techniques de composition spontanées.


Parmi les passages les plus réussis de l’album, les collages latins (qui trahissent une soudaine passion pour Os Mutantes ?) sur There is That Grin et The Trouble with Candyhands, cette dernière reposant particulièrement sur ses improbables sections de cuivres (Et en concert ? Une batterie de claviers ?). Matsuzaki fait des sentiments des sons, des goûts acidulés, et des couleurs. Ce n’est pas une surprise si elle aime les fleurs. C’est ‘when you bring me flowers’ sur une mélodie de métallophone sur The Trouble with Candyhands, et Flowers c’est déjà le nom de deux chansons de Deerhoof. Les surprises sonores qui font de Breakup songs un disque racé ne surviennent jamais plus de quelques secondes ; en témoigne une intro tonitruante – par les standards du groupe – à là Europe vs. Crystal Castles, sur To Fly or Not to Fly – un morceau appelé à rester sous la barre des deux minutes, ce qui est court, même pour Deerhoof qui a tendance à exceller dans les formats entre 2 :40 et 3 :20. Le format de leurs chansons fait d’ailleurs partie d’une identité musicale dont personne ne s’est vraiment inspiré. Cette situation en niche du groupe explique la sensation que chaque fois qu’ils sortent un album, on les accueille avec le même enthousiasme.


Un morceau, il ne manquerait qu’un morceau en étendard, un peu d’idéal, une once de témérité. Sur l’album précédent, un morceau comme The Merry Barracks, marqué par la phrase « Hello, atomic bombs are going to explode » était résolument rock. C’est sans doute ce qu’il manque sur Breakup Song : un morceau plus gros, plus menaçant que les autres. Ou une joliesse à la No One Asked me To Dance (Deerhoof vs. Evil). Ou encore un peu d’espagnol, comme sur C’Moon (toujours Deerhoof vs. Evil). C’est le revers du stoïcisme de Matsozaki : répéter de jolies phrases ne suffit pas toujours. Vu d’ici, tout cela est un peu en deçà du précédent Deerhoof Vs. Evil, mais tout de même excitant.

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