“…you can hear whatever you want to hear in it, in a way that’s personal to you.”

James Vincent MCMORROW

Qualités de la musique

soigné (81) intense (77) groovy (71) Doux-amer (61) ludique (60) poignant (60) envoûtant (59) entraînant (55) original (53) élégant (50) communicatif (49) audacieux (48) lyrique (48) onirique (48) sombre (48) pénétrant (47) sensible (47) apaisé (46) lucide (44) attachant (43) hypnotique (43) vintage (43) engagé (38) Romantique (31) intemporel (31) Expérimental (30) frais (30) intimiste (30) efficace (29) orchestral (29) rugueux (29) spontané (29) contemplatif (26) fait main (26) varié (25) nocturne (24) extravagant (23) funky (23) puissant (22) sensuel (18) inquiétant (17) lourd (16) heureux (11) Ambigu (10) épique (10) culte (8) naturel (5)

Genres de musique

Trip Tips - Fanzine musical !

mardi 30 octobre 2012

Having Fun With the Songs of Allen Toussaint - un article New Orleans sur Jon Cleary, son nouvel album et Allen Toussaint





Parution : juillet 2012
Label : FHQ Records
Genre : Rythm and Blues, Funk, Soul
A écouter : Let's Get Low Down, Viva la Money
OO
Qualités : Communicatif, entraînant, poignant

« Pour être honnête, la véritable essence de la Nouvelle-Orléans est une chose intangible ; elle n'apparaît ni à travers des images, ni dans beaucoup d'enregistrements. Rien ne vaut le fait de se trouver  là-bas pour de vrai», remarque Jon Cleary, à propos de Treme, la série TV de la chaîne américaine HBO qui documente la vitalité et la singularité de celle qu'on surnomme The Big Easy ou NOLA. Son avis sur la question est l'un des plus intéressants que vous puissiez recueillir. En quelques années, Jon Cleary s'est imposé en Europe et ailleurs comme un ambassadeur de la Nouvelle-Orléans, capable d'une grande considération et affection. Britannique d'origine et adopté par la ville, il étude les us et coutumes locaux depuis 20 ans, et aime les raconter avec pédagogie, ce que sa musique virtuose prolonge à la perfection.
Ses albums et ses concerts récents ont cimenté sa réputation d'être l'un des plus brillants musiciens, et tout particulièrement pianistes, en provenance d'une ville à qui l'ont doit quasiment l'invention du piano jazz. Il n'est pas né de la dernière pluie : sa carrière discographique a démarré en 1994 avec le très imagé Alligator Lips & Dirty Rice, et il a la cinquantaine grisonnante. J'ai pu assister à l'un des concerts qu'il donnait en trio au Duc des Lombards à Paris. Son plus grand souci a été de transporter ce club plutôt chic du premier arrondissement dans le quartier français de la Nouvelle-Orléans, jouant tôt dans le set une version de Mardi Gras in New Orleans délicieusement proche de celle de Professor Longhair qui figure sur l'extraordinaire Rock n' Roll Gumbo (1974), et qui est prise à parti par la famille Bernette dans la série Treme. Ce ne sont pas les seuls, mais les Bernette considèrent cette chanson comme l'hymne officiel de la Nouvelle-Orléans, et la passent traditionnellement en préparant leur déguisement le jour du carnaval annuel.
« Having Fun With the Songs of Allen Toussaint », c'est ainsi que Jon Cleary a défini le contenu de son nouvel album, Occapella (2012), dont toutes les chansons sont d'Allen Toussaint – ou bien, pour une vieille histoire de copyright, attribuées à la mère de celui-ci, Naomi Neville. Plutôt qu''hommage à Allen Toussaint', une formulation qu'il trouve ringardisée. Les chansons choisies pour figurer sur Occapella assez connues des amateurs de rythm and blues et révérées des amoureux de la musique locale. Ces chansons ont été systématiquement popularisées non par Toussaint mais par une impressionnante galerie de stars de la soul, de funk, de rythm and blues ou même du disco, une armada de vedettes américaines provenant de toutes les époques qui ont succédé à leur création originale par Toussaint. A cette liste vient s’ajouter, en toute humilité, Jon Cleary avec Occapella.
Pourquoi Allen Toussaint ? Qui est t-il ? Un noir américain, l’un des plus grands producteurs, arrangeurs, compositeurs de bonnes vibrations que puisse abriter la ville depuis 1965 au moins. « Mon manager a suggéré que je considère différentes idées pour un nouveau disque, et l’une d’entre elles était de trouver un thème commun qui relie les chansons entre elles, d’avoir un concept pour l’album ; il a suggéré que je rejoue les chansons d’un interprète que j’aimais, et l’idée d’une collection de chansons d’Allen Toussaint est la première chose qui m’est passée par la tête. J’ai décidé de commencer avec un arrangement a cappella d’une chanson justement appelée Occapella, et celle-ci a entraîné les autres. Chaque chanson a une approche et style différent pour démontrer la diversité des ses chansons. »
Allen Toussaint est auteur de chansons, mais c’est aussi un arrangeur hors pair, et Cleary le sait. Les chansons sur Occapella font fleurir de nouveau toute la palette que couvre habituellement la musique de Toussaint, sans chercher à tout prix à sonner contemporain. « J’ai aussi décidé que je jouerais la plupart des instruments, ce qui allait donner à l’album son propre style distinct ». Allen Toussaint le dit lui-même : « On met beaucoup de choses autour de l’artiste, mais le disque doit venir, avant tout, de l’artiste. »
Exceptionellement, Jon Cleary n'est donc pas accompagné de son excellent groupe, The Absolute Monster Gentlemen. Même s’il joue sur l’album guitare, basse ou batterie, le piano reste l’instrument de prédilection de Jon Cleary. « Techniquement, c’est un instrument de percussion, qui permet de rythmer le morceau, ce qui est très important pour jouer du funk, surtout quand je joue en solo. Avec le piano vous pouvez vous permettre le luxe d’émuler un groupe entier. Vous pouvez situer le rythme, composer vos accords avec la main gauche comme avec une guitare tandis qu’avec la droite vous embellissez comme avec des cuivres.» Le piano est à la Nouvelle-Orléans, sous toutes ses formes - à queue, droit, bastringue, d'épinette, clavier funk, etc. - l'instrument noble par excellence, en concurrence avec la trompette qui évoque aussitôt Louis Armstrong. Basses et guitares sont souvent le fait d'artisans de l'ombre extrêmement talentueux, comme c'est le cas de Derwin "Big D" Perkins et de Cornell C. Williams au sein des Absolute Monster Gentlemen.  

Soul, funk, rythm and blues, grooves de second lines, jazz et même reggae se mêlent, l’inventivité des arrangements répondant au génie original de Toussaint, que ce soit pour les textes, pour les mélodies, pour les harmonies. Ce que Jon Cleary voulait retrouver en rejouant Toussaint en concert dans plusieurs pays du monde, c’était  le plaisir, l'entrain communicatif propre à cette musique multiple, au travers de chansons aux émotions riches et profondes. Retrouver la pédagogie d'un professeur face aux élèves que nous sommes, dans la classe la plus excitante qui se puisse imaginer. La meilleure façon d'enseigner, c'est connu, est de jouer.
La pédagogie, c’est un élément que Toussaint lui-même met au cœur de son travail lorsqu’il accompagne de jeunes groupes et produit des albums sur son propre label, NYNO. « Ne vous arrêtez jamais d’écrire. Mettez-vous en situation de puiser votre inspiration dans n’importe quelle circonstance. Vous traverserez des périodes dures où vous serez oublié, ne perdez pas la foi. » Il sait de quoi il parle, certaines de ses compositions les plus bouleversantes se trouvent sur des albums qui n’ont jamais été réédités – sans parler de l’épreuve qu’a constitué, encore récemment, Katrina, dévastant son studio néo-orléanais. Cleary renchérit : « On pourrait presque dire que plus vous avez de talent, et moins vous aurez de chance de réussir. »
Une affirmation à prendre davantage comme sur une réflexion sur l’attitude d’Allen Toussaint, qui préférera toujours rester en retrait de la scène et mettre son talent éblouissant au service des autres. La réussite se mesure alors autrement que sur la quantité d’albums vendus, car il est vrai que Toussaint n’a pas vendu énormément ses propres productions. C’est pourtant une situation confortable qui l’a finalement protégé de bien des désagréments. "Etre un musicien professionnel, avertit Cleary, c’est s’occuper de problèmes divers, et il peut être difficile de séparer le business de la pratique musicale." Toussaint y est sans doute parvenu et son talent est demeuré intact depuis plus de cinquante ans.

Le pouvoir endurant de ces chansons vient de ce qu'elles allient une multitude de saveurs musicales, tout en gardant le blues de Mississipppi tapi dans leurs veines, dans les récits qui les parcourent, comme une matière spirituelle.

Quant à Cleary, entre deux de ces monuments d’émotion et de joie tout en retenue et en bonne humeur, il prendra plaisir à nous expliquer ce qu’est une second line dans les défilés de la Nouvelle-Orléans. Ce sont les gens parfois costumés qui soutiennent les parades de rue et y participent à leur manière, en jouant des percussions par exemple, dont certains rythmes spécifiques à la caisse claire. Ces spectacles populaires trouveraient leurs origines dans les danses ouest-africaines... Cleary le raconte avec la conviction de quelqu’un qui sait que cette musique des rues a toutes les qualités – spiritualité, insouciance, indépendance - pour inspirer de nouvelles générations et leur donner la force de continuer dans leur passion malgré les difficultés que ces artistes peuvent rencontrer au début de leur carrière. Où qu’il joue, quel que soit son public, Cleary est un passeur.
Il y a des chansons qui semblent se dresser dans l’air, donner  la mesure d'un autre temps, alléger votre cœur et même flatter vos sens si vous avez la chance de vous retrouver là où elles sont jouées. De telles chansons vous donnent envie de les traquer jusqu’à leur origine. C’était le cas lorsque l’incroyable Jon Cleary a joué What do You Want The Girl To Do au Duc des Lombards. Cette ballade interprétée au piano est remarquable par sa générosité harmonique et sa langueur qui tire sur la soul des années 70, un registre vocal dans lequel Cleary est particulièrement à l'aise. C'est une chanson particulièrement touchante.

Tu penses que cette fille est folle
Elle gobe tous tes mensonges comme si c’était bon
Elle ne pleure même pas
Elle n’est pas folle
Elle essaie juste d’obéir à son cœur
De t’aimer

Elle a été rejouée des centaines de fois, par les plus grands interprètes. Comme Who’s Gonna Help my Brother Get Further ? Comme Everything i do Gonh Be Funky, Get Out of my Life Woman, Going Down Slowly, Yes We Can Can, Southern Nights, Let’s Get Low Down et bien d’autres. Trio rythm and blues des années 1970, les Pointed Sisters sont l’un des plus beaux succès parmi les innombrables artistes qui ont réinterprété les pièces d'un répertoire entamant sa sixième décennie. Il y a eu aussi notamment Lowell George, Robert Palmer ou Lee Dorsey. Glen Campbell a par exemple transformé la version originale, rêveuse, de Southern Nights en chanson country de saloon, entraînante.
Peut-être le pouvoir endurant de ces chansons vient t-il de ce qu'elles allient une multitude de saveurs musicales, tout en gardant le blues de Mississipppi tapi dans leurs veines, dans les récits qui les parcourent, comme une matière spirituelle. Le Mississippi descend chargé de cette matière à travers la Louisiane jusqu'à la Nouvelle-Orléans, après tout ; et se déverse dans un grand océan qui n'a de limites que le monde.

La grâce d’Allen Toussaint et de ses chansons se trouve au delà d’un question de style, de genre musical : c’est avant tout l’affaire de l’élégance de l’interprète et de la force du lien affectif qui le relie à son public. Comme le dit Cleary : « Toussaint incarne tout ce que l’on ressent dans cette ville». Ces chansons racontent bien entendu des histoires, mais elles s’adressent à vos cœurs et vous font prendre de passion pour le processus qui les a menées à bien, vous donnent goût à explorer la magie de leur conception. On retrouve bien évidemment ce plaisir d’écoute au cœur des meilleurs albums d’Allen Toussaint – Life, Love and Faith (1972) et Southern Nights (1975) comme les plus récents The River in Reverse (2006, avec Elvies Costello) et The Bright Mississippi (2009).
C’est ce que reproduit, aussi, Jon Cleary avec Occapella : une envie d’aller dans le giron des chansons, de remonter à leur origine.

lundi 29 octobre 2012

Wintersleep - Hello Hum (2012)




Parution : juillet 2012
Label : Roll Call
Genre : Indie rock
A écouter : In Came the Flood, Rapture

O
Qualités : soigné, attachant

Wintersleep est un groupe chez lequel il y a beaucoup à aimer : leur façon de construire des albums dont les chansons gagnent en se combinant entre elles une dimension fascinante, leur talent pur mélanger une musique rythmée et kaléidoscopique avec  des textes inquiétants  et la voix traînante de Paul Murphy. Pour donner une idée du son, Dave Fridmann est à la production, qui a travaillé avec MGMT ou les Flaming Lips, ainsi que Tony Doogan, que l’on a vu aux côtés de Belle and Sebastian ou Mogwai. La grande intelligence et la nervosité dans lesquelles sont façonnés les trois premiers morceaux de Hello Hum, et notamment cette chanson titre immédiate autant qu’étonnante, comme hors-champ, auraient pu tourner court si Wintersleep n’avait pas enfoncé le clou avec Rescucitate. Rescucitate nous dépose juste là où les percussions étonnantes  et les sonorités matinées de sons électroniques nous ont propulsé ; entre séduction des chorus et atmosphères glacées. Le ton dans lequel Wintersleep se plaît le mieux  s’installe définitivement : intime autant que détaché, inquiétant. «You steal my heart/You shot me dead/My murderer/Under my parents bed.”
Permanent Sigh et Saving Song brisent un peu le flot d’énergie qui traversait le premier carré de l’album, mais ‘un est une mini suite au final grandiose tandis que l’autre est emprunte d’une beauté à travers laquelle l’espoir a bien du mal à percer. « Oh my darling, you never told me, If i come home bloody, Will you still want me? Do you still want me?” Les énergies vont et viennent dans l’album, qui gagne en mystère ce qu’il perd en séduction immédiate vers la fin.

dimanche 28 octobre 2012

Concert - Diane Cluck @ La Loge - 26/10/2012


Diane Cluck (à droite) avec isabel Castellvi (violoncelle)

 
Je souhaite avant tout remercier Laurence Buisson, fan n°1 de Sharon Van Etten en France J et conquise par la cause du Ladyfest comme je le suis, sans laquelle je n’aurais jamais assisté à cet adorable concert. Merci Laurence ! <3 strong="strong">
Le festival Ladyfest est auto financé, et donc indépendant. Animé par huit jeunes militantes, il s’est révélé une alternative très intéressante à la morosité du mois d’octobre, en s’adaptant parfaitement aux circonstances. Un concert en témoigne : celui de Diane Cluck, chanteuse américaine à l’image du festival : passionnée, humble, indépendante, brillante. Sharon Van Etten avait ouvert le Ladyfest et en demeure la tête d’affiche incontestée, apparaissant encore dans les conversations quatre semaines après être repartie pour New York. L’émotion fulgurante qui a parcouru l’échine des garçons et surtout des filles rassemblé, nombreux, au Café de la Danse ne saurait être reproduite plus avant au cours du festival, et l’utilisation de cette vaste salle n’a pas été réitérée dans la suite des festivités ; les concerts se sont faits plus intimes, l’équipe du Ladyfest demeurant le noyau amical autour duquel gravitent quelques personnes déjà inconditionnelles de l’esprit du festival, à défaut d’en avoir toujours acheté le sac (8 petits euros) qui leur apporte leur financement. Nous sommes à la Loge, avec quelques soixante personnes venues voir Diane Cluck.
Si Sharon est revenue encore dans une discussion, c’est parce qu’elle s’était montrée très enthousiaste, lors de son dernier passage, en s’apercevant que Diane Cluck était également l’invitée du festival. Cette dernière nous a raconté qu’encore toute jeune, Sharon lui envoyait ses démos et lui demandait son avis sur ce qu’elle enregistrait, éprouvant une grand admiration pour elle. Diane Cluck apprécie maintenant avec fierté le parcours plein de promesses de sa jeune comparse.
Wear The Trousers Magasine a placé Oh Vanilla (2003) au 14ème rang de meilleur album de la décennie 2000-2010. Enregistré avec l’aide du musicien de jazz Todd Horton, cet album reste le véritable acte fondateur qui permit à Diane Cluck d’exporter, petit à petit, à  son échelle, sa musique, et lui a valu une admiration en progression constante de la part de gens du monde entier. Avant ça, elle les capturait souvent sur des casettes, les manufacturait et les distribuait elle-même. Les enregistrements de cette époque sont en conséquence parsemés de bruits parasites.
Les oreilles aguerries de la presse  attentive n’ont pu que multiplier les commentaires élogieux après avoir entendu ce que ‘folk intuitif’, dans la bouche de Diane Cluck, voulait dire. A la voir sur une certaine photo, c’est un peu comme faire de la confiture. Je n’en connaissais rien : une voix extraordinairement riche, utilisée comme un instrument magique, et une volonté presque farouche d’explorer plus avant, d’un couplet à l’autre, les contours lumineux de ses poèmes obscurs et foisonnants m’ont sidéré, et ont renouvelé en moi la foi en ce genre folk parfois banalisé, ont inspiré de nouvelles idées sur ce que doit, ce qu’il peut être ; une musique profonde, une expérience totale et sans aucun cliché. L’influent Mojo Magasine plaçait en 2005 Countless Times en deuxième position de sa liste des meilleurs albums Underground de l’année. Undergound ? Malheureusement. Dans certains concerts qu’elle a joués en Europe avant de passer par Paris elle jouait pour moins de dix personnes. « Ce n’est pas grave, je reviendrai’, confie-t-elle.  
Mais c’est qu’elle n’a pas sorti d’album depuis longtemps, utilisant son site internet un système de suscription baptisé ‘song of the week’ pour vendre ses chansons. Une pratique discutable, puisque le coût de la conception des chansons – enregistrement, mixage, mastering, déplacement auprès des collaborateurs – est difficile à résorber de toute façon, et que l’absence d’album lui empêche globalement d’attirer l’attention de la presse spécialisée.
Un EP de six titres a cependant été enregistré avant le début de la tournée européenne, de façon spontanée, et en compagnie de la violoncelliste Isabel Castellvi que l’on retrouvera le soir du concert. L’un des moments forts a été de les voir côte à côte, en train de chanter a cappella Petite Roses, un extrait de Oh Vanilla. Elles vous jettent un charme. Les deux vont naturellement interpréter les six chansons enregistrées ensemble, toujours aussi mystérieuses et abandonnées que ce que Diane Cluck a pu faire par le passé. Leur musique se complémente, s’entremêle. Castellvi sert d’oreille absolue à la chanteuse lorsqu’elle s’accorde, donnant son approbation à l’issue de la première note, avant de s’engager avec un visage rayonnant, dans une joute aussi enjouée qu’elle est intense, habitée d’une tristesse sublimée. Le niveau de liberté à l’œuvre est imbattable, c’est un sentiment impossible à étouffer, qui flotte autour de ces riches mélodies inspirées de musique classique, qui leur donne une beauté globale. Un sentiment de transcendance qui vous gagne au fur et à mesure du concert, ainsi qu’un confort total. La magie à l’œuvre est ce qui sépare concert et albums. Ceux-ci sont considérés par Diane Cluck comme de simples ‘collections de chansons’ qui ne peuvent égaler la façon dont ces chansons prennent vie chaque soir, façonnées avec toute l’intuition et l’audace nécessaires. Surtout que certaines d'entre elles ont plus de dix ans, et ont beaucoup évolué. Easy To Be Around et ses diamants (« I was in a coal mine picking up diamonds/that the miners had left behind ») ou Phoenix and Doves constituent des sommets de la soirée. C’est de là que vient, jurerait t-on, un peu de la désespérance défiante des premiers Sharon Van Etten. On reste avec l’impression que Diane Cluck est à la tête d'un répertoire au raffinement rarement égalé parmi ses pairs actuels.
De son côté, Laura J. Martin a introduit la soirée en faisant surtout montre d’un grand talent à la flûte traversière et d’une énergie traversée d’éclats de mysticisme. Auteure d’un premièr album charmant et versatile, elle laisse imaginer ce soir ce qu’aurait été les troubadours en marge de Woodstock s’ils avaient disposé de pédales de loop. Elle offre, souvent à mi-chanson, des moments de plénitude, d’intensité, à force de superposer en d’entrecroiser les parties instrumentales ou les brillantes utilisations de sa voix, qui n’est pas sans évoquer celle de Joanna Newsom.

Merci le Ladyfest, et à l’année prochaine !
Site officiel Diane Cluck
Bandcamp Diane Cluck
Facebook Laura J Martin :
Ladyfest
 

vendredi 26 octobre 2012

{archive} Lou Johnson - With Music in Mind (1971)



Parution : 1971
Label : Volt
Genre : Soul, Rythm and Blues

OOOO

Découvert hier. Classique instantané, produit par Allen Toussaint et Marshall Sehorn ! Introuvable dans le commerce.
A télécharger ici :
http://www.funkmysoul.gr/?p=1126

mardi 23 octobre 2012

Matt Elliott - The Broken Man (2012)

 
 
 
Parution : février 2012
Label : Ici d'ailleurs
Genre : Folk
A écouter : Dust, Flesh and Bones
 
OO
Qualités : sombre, envoûtant
 
Matt Elliott s’est maintenu dans une semi-pénombre tout au long de sa carrière juqu’à aujourd’hui, poussant tranquillement les frontière de son écriture dans vers un idéal de beauté et de désolation qui a des airs de logique inéluctable. Il est de ceux que l’on croise par hasard, parce qu’ils ne sont pas très loin, parce qu’ils ont la gentillesse de se produire à Toulouse pour 3 malheureux euros et de laisser le secret d’un moment hypnotique parmi le public clairsemé. Découvrir Matt Elliott est comme de se pointer dans l’arrière salle d’une brasserie de onzième arrondissement et de tomber sur Josh T. Pearson en train de jouer Honeymoon Great : Wish you Were Her, une litanie de plus de 13 minutes à la beauté terrassante, la clairvoyance en plus. Vous aimez Bill Callahan ? Matt Elliott a une voix grave, dans l’esprit de celle du parangon de Smog, même si il l’utilise ici avec une parcimonie qui tient plus de l’illustration que de la chanson, comme un autre instrument dans la fresque que constitue The Broken Man.
 
Les chansons sur cet album extrême, en un sens, sont austères mais denses d’une lucidité musicale, d’une inspiration qui leur donne un aspect grandiose. Démarrant souvent sous le joug d’une guitare hispanisante au jeu complexe, elles s’affirment avec un dessein extrêmement méticuleux et une sagesse à toute épreuve. Les suites qui constituent la première face du vinyle démontrent le pouvoir et la détermination de Matt Elliott à l’œuvre pour exprimer avec largesse les sentiments de regret et de solitude dans leurs infinies variations.
 
Ce premier jet culmine avec les dix minutes de Dust, Flesh and Bones, qui démarre comme une lamentation nue évoquant Leonard Cohen et s’oriente en volutes autour d’une phrase répétée, conjurant toute la conviction de d’Elliott envers sa propre sagesse affective. La chanson décolle lentement de terre, prend un tour presque effrayant avec ses chœurs murés, le son d’une cloche lointaine contribuant aussi à la sensation d’un vide immense qui s’ouvre de plus en plus sous nos pieds – un aspect atmosphérique qui fait de The Broken Man l’album le plus accompli de Matt Elliott à ce jour -, tandis que la voix circonspecte d’Elliott demeure, malgré tout, un élément auquel se raccrocher. Avec la confiance qu’il met à répéter « This is what it feels to be alone », on est convaincu que la solitude le hante depuis des années, et la chanson documente cette relation vaguement amusée avec elle. Le résultat est d’une beauté, d’une évidence extraordinaires. 
 
The Broken Man s’enfance plus avant, construisant son plus long morceau sur deux improvisations au piano semblant surgies des noirceurs d’une ancienne Vienne, retranscrite et interprétées par Katia Labèque. Matt Elliott multiplie encore la fascination produite par son œuvre, allant à rebours de la cohérence habituelle pour nous obliger à trouver de nouvelles pistes de lecture, entre acceptation d’un certain psychédélisme et reconstruction de quelque monument sonore gothique oublié. Derrière une prestation stoïque et confiante se révèle la force de chansons qui contiennent non seulement leur raison profonde, mais s’articulent en un tableau d’une force étonnante.



dimanche 21 octobre 2012

Legendary Tigerman & Rita Redshoes - B.S.O. Estrada de Palaha/Hay Road + Interview

 





Parution : juillet 2012
Label : Metropolitana
Genre : Instrumental, Acoustique
A écouter : Estrada de Palha (theme), A Emboscada (deuxième extrait ci-dessus)
OO
Qualités : Envoûtant, apaisé



La chanteuse et guitariste portugaise Rita Redshoes (de son vrai nom Pereira), est l'auteure-interprète de deux albums de pop attachants, que de bonnes mélodies et des arrangements envoûtants élèvent dans une classe à part. Deux albums contrastés, tour à tour affectueux et inquiétants, constitués de chansons aux riches harmonies. « Golden Era » (2008) d'abord : « Cela m'a pris 8 ans pour terminer les chansons et trouver le courage de permettre aux chansons de quitter mon appartement. » Puis « Lights and Darks » (2010) ensuite. « Après la tournée de Golden Era, je suis partie me reposer dans un île de l'Océan Indien. Je me suis trouvée à entendre des voix qui, je ne l'avais pas réalisé, couvaient en moi. C'est là qu'est né l'album. »
De l'autre côté, « Femina » (2009) : mélange de rock n'roll sale et de musique électronique au service de duo lubriques, puissants et désespérés avec des chanteuses aussi diverses qu'Asia Argento ou Lisa Kekaula (les Bellrays). Unique en son genre. Paulo Furtado s'est fait un nom en Europe sous son pseudonyme The Legendary Tigerman plutôt qu'au sein de son groupe irrévérencieux, Wraygunn, même si celui ci profite d'une vrai renommée au Portugal et revient sur le devant de la scène avec son nouvel album l'"Art Brut" (2012).
Dans l'interview qui suit, les deux artistes présentent leurs différents projets et expliquent comment ils se sont mutuallement séduits par leurs univers réciproques. Ils se sont avec le western philosophique « Hay Road » retrouvés autour de leur amour commun pour le cinéma.
« Hay Road » raconte le périple d'un berger, prénommé Alberto, appelé à venger son frère assassiné et à récupérer son bien. Même s'il doit pour cela s'opposer à l'autorité corrompue et à la tyrannie monarchique, dans un Portugal rural du début du XXème siècle. Alberto est aussi un homme de lettres qui a entrepris la traduction du roman fondateur de la désobéissance civile, écrit par l'américain Henri David Thoreau et publié pour la première fois en 1849. Très inspiré par Jim Jarmush, le réalisateur Rodriguo Areias lui emprunte notamment l'idée d'un prisonnier étranger dont les mots demeurent incompris par Alberto comme par le spectateur.
Servi par les images magnifiques de la nature portugaise et un rythme lancinant, le film est gagné par une étrange poésie. Au delà de son message politique, cette œuvre et son personnage isolé, un peu seul contre tous, évoque la bataille d'artistes Portugais comme le réalisateur Alberto Areias ou ses coéquipiers Paulo Furtado et Rita Pereira : les porte-paroles d'une scène artistique riche mais difficile à exporter. Essentiellement en cause, le manque de moyens investis pour la promouvoir.
Pour Paulo Furtado, la collaboration avec Rodriguo Areias n'est pas si impromptue, puisque The Legendary Tigerman a déjà travaillé avec le réalisateur sur l'une des vidéos pour une des meilleurs chansons de son album Femina : My Stomach is The Most Violent of All of Italy.
La bande originale qui résulte de leur collaboration est un moment de grâce, de fragilité, l'ébauche du drame intense qui court en sous-main dans l'oeuvre. Le duo portugais s'est appliqué à jouer la musique en live par dessus le film, lors d'un passage à Paris, dans l'établissement culturel le Centquatre dans le 19 ème arrondissement. C'est peu avant leur performance que cette rencontre a eu lieu.
Note : des questions de l'interview ont été coupées et des réponses compilées. Une versiion un peu différente paraîtra dans Trip Tips 20.

Quand avez-vous commencé à travailler sur la musique du film ?

Paulo Furtado : En février de l'année 2011. Puis nous avons fait quelques spectacles comme celui-ci, jouer la musique en live par dessus le film, au Portugal et au Brésil. C'est une expérience à part. Mais ce n'est pas la première fois : nous avons fait d'autres bandes originales ensemble et « Hay Road » est l'une d'entre elles. Elles sont très différentes les unes des autres.
Rita Redshoes : Notre première expérience de musique de film, c'était pour un film muet. C'est un film portugais appelé « A Dança do Paroxismo » [film de Jorge Brum de Canto, 1929]
Paulo : C'est un film d'avant garde.
Rita : Un réalisateur portugais... Donc c'était la première fois, la seconde c’était Hay Road. Et nous en avons fait un autre pour le théâtre, pour « Le Joueur » de Dostoïevski.
Paulo : C'était une pièce très longue, quatre heures (rires). Nous avons dû écrire beaucoup de musique. On a dû faire plus de trente chansons et thèmes.

Rita, parle-nous un peu de la musique que tu as enregistrée pour tes disques en solo.

Rita : Mon album date de 2010, et j'ai commencé à écrire des chansons pour le prochain. Je ne sais pas trop comment en parler, c'est très personnel, j'y suis liée intimement. La chose la plus importante à trouver pour moi, c'est une bonne mélodie. J'aime le musique folk, la musique country, et ça transparaît un eu dans ma musique. J'aime beaucoup la musique classique, que j'ai étudiée, c'est donc un mélange... C'est tout simple, c'est de la musique et des chansons écrites à propos de la vie, de ma vie, celle de gens que je connais, d'autres gens que j'ai inventés, des histoires. Il n'y a pas de message global adressé au monde entier (rires).

J'ai vu la vidéo dans laquelle vous jouez Hey Sister Ray, et je voulais savoir comment vous vous êtes rencontrés ? Selon vous, qu'est-ce qui fait que vous fonctionnez aussi bien ensemble ?

Paulo : Notre première collaboration était sur mon disque, Femina. J'ai entendu la première chanson de Rita avant qu'elle sorte son album, c'était sur MySpace sans doute. Et c'était Dream on Girl. C'était emprunt d'un univers que je n'avais pas retrouvé depuis longtemps, et je n'ai jamais rien entendu de tel. Ca m'a fait penser à la space age pop des années 50 ou 60, et les arrangements me renvoyaient aux bandes originales d'Henri Mancini. Ce genre de combinaison entre musique orchestrée, guitares et synthétiseurs.
Quand je commençais Femina, que j'ai écrit les chansons, je me suis retrouvé dans un concert de Rita et j'ai vu qu'elle jouait Lonesome Town. Je lui ai proposé que nous enregistrions Hey Sister Ray ensemble, puis nous avons finalement fait aussi Lonesome Town. C'est après ces premières chansons que nous avons pensé que nos univers musicaux allaient bien ensemble, et nous avons commencé à faire des bandes originales. Cela semblait naturel. Nous avons des langages musicaux très différents, c'est aussi pour cela que ça fonctionne.
J'ai créé Hey Sister Ray en pensant à l'univers de Rita. Tout s'est un peu produit ainsi sur Femina. Je lui ai proposé une autre chanson qu'elle n'a pas sentie (rire). La chanson est calme car il fallait laisser de l'espace pour le piano et pour les voix.

Il semble que le film soit fortement symbolique. Mais il a aussi l’aspect d’un western, qui peut sans doute attirer un plus large public. Que pensez-vous du film ?

Paulo : Nous aimons beaucoup le film. On y trouve différentes dimensions.
Rita : Le message le plus important dans le film provient d'un livre par Henri David Thoreau...
Paulo : Sur la désobéissance civile.... Le personnage principal traduit ce livre en portugais, et il y a plusieurs citations du livre insérées dans le film. Le livre a été écrit dans un période de la vie de Thoreau où il est allé en prison parce qu'il refusait de payer des taxes, il les trouvait injustes. Il réfléchissait à une alternative au Gouvernement, comme le rendre plus juste pour le peuple.
Rita : En ce moment, au Portugal et en Europe, on peut établir une relation avec ces citations... Le Portugal vit un période très difficile pour tout le monde... Ce film est encore plus fort en ce moment, où on a besoin de pointer ce qui ne va pas, quand rien, ou presque rien ne fonctionne plus. L'injustice est un sentiment qu'on peut ressentir dans l'air.
Paulo : Le film se passe cent ans en arrière, et le livre a été écrit il y a 150 ans [publié la première fois en 1849], et pourtant tout semble si actuel. Pour nous c'est un film triste, car il parle d'un ancien Portugal qui aurait dû changer, mais nous sentons qu'il y a beaucoup de points communs entre le pays d'alors et celui d'aujourd'hui. La situation d'injustice que décrit le film peut être ressentie par des gens de toute l'Europe.

Vous avez accompli un travail très particulier sur la musique de Hay Road. Pouvez-vous décrire les techniques que vous avez utilisées ? Et quels sentiments essayiez-vous d'obtenir ?

Rita : Pour ce film, nous avons tenté de créer un environnement sonore spécifique, en prenant un peu de la musique de Paulo, un peu de la mienne, mais surtout en produisant quelque chose d'original. Nous avons acheté plusieurs anciens instruments que nous n'avons pas réparés.
Paulo : Des instruments du début des années 1900, comme le Marxophone, le Célestaphone, le violon-ukulélé ou le violon-harpe.
Rita : Des instruments étranges... Et nous avons commencé à les jouer. A notre façon (rires).
Paulo : Le film était co-produit avec la Finlande, ils avaient un orchestre là-bas que nous aurions peut-être eu la possibilité d'utiliser... C'était l'idée du réalisateur Rodriguo Areias quand il nous a sollicités au début. Nous avons commencé alors à voir les premières images du film, son tempo, comment il se développait, et les silences dont il avait besoin... Nous aurions adoré aller en Finlande, y rester deux semaines, enregistrer avec l'orchestre, mais nous n'avons pas senti que c'était ce dont le film avait besoin. Nous en avons discuté avec le réalisateur, et nous lui avons soumis une alternative, ces sons que nous avions trouvés... Parfois ce n'est même pas vraiment des morceaux, ce sont des ambiances. A notre avis le film avait besoin de beaucoup de silence. Il n'a de musique que lorsqu’un tel besoin se fait sentir. Nous préférons par moments laisser le film à lui-même. Pour nous il s’agissait de se mettre dans les pas d'Alberto et de prendre en compte le rythme du film.

Avez-vous commencé à travailler sur votre prochain album ?

Rita : Mes deux albums sont très différents ; le premier album est plus influencé par la musique classique, le deuxième est peut-être plus américain. Je pense que je vais retourner davantage à mes amours pour la musique classique.
Paulo : Je suis encore en train d'expérimenter beaucoup de choses différentes... j'ai aussi un autre groupe, Wraygunn : un nouvel album va sortir en France le 22 octobre. Je suis en train d'écrire un nouvel album de Legendary Tigerman... J'expérimente beaucoup avec des sons électroniques à l'aide de ma guitare, je recherche des ambiances plus profondes, plus lourdes. Plus sombres sans doute. Mais je suis toujours en train d'écrire. Il y aura peut-être seulement une ou deux personnes invitées cette fois, qui auront contribué aux chansons. Ce sera plus recentré sur moi, j'ai envie de revenir un peu à ma propre personne (rires). Pas de nouvelles reprises, ou peut-être une seule.
Rita : Il ne veut plus d'autres filles !
Paulo : Pas sur l'album. (rires)

 


mercredi 17 octobre 2012

Stuck in The Sound - Pursuit (2012)




Parution : janvier 2012
Label : Discograph
Genre : Rock alternatif
A écouter : Tender, Brothers, Pursuit, Purple

O
Qualités : Doux-amer, entraînant

« Who gives a fuck about our stupid ideas 'cause we're stuck in the sound »
 
Stuck' signifie 'bloqué'. Bloqué entre deux statuts, celui de groupe prometteur et de nom qui compte, voire qui puisse s'exporter à l'étranger. C'est une situation habituelle pour un groupe français. Il s'agit en loccurrence d'un de ceux qui attirent le mieux l'attention, plutôt avantagés par leur capacité à enchaîner concerts bourrés d'énergie, portés par un public qui se prend volontiers au jeu de la kermesse pop-grunge bon enfant. Shoegazing Kids, leur précédent (bon) disque, a provoqué une nouvelle exigence pour ce qui allait suivre. Pursuitsamorce brillamment cette situation. C'est toujours un défi : un album studio qui sera jugé sans pitié, la tête froide, par opposition aux concerts où l'euphorie l'emporte, ou la bonne humeur de l'instant ne fait pas sembarrasser d'un jugement musical. Qui plus est quand il s'agit du troisième.
 
En réalité, le jugement ne peut porter seulement sur ce que Stuck in the Sound révolutionne ou non avec leur musique. Il faut les apprécier d'abord pour leur attitude, busy doing music. « On va vous jouer encore une chanson, car c'est notre métier », remarque José Reis Fontao au moment de deuxième rappel et avant d'entamer le 21ème chanson d'un concert à l'Olympia. On les aime pour leur capacité à provoquer le chaud et froid, à envoyer une grande claque jusque quand on pensait que ça serait, finalement, la chanson qui les ferait rentrer à la maison, et qu'on quitterait avec l'impression d'une simple bonne volonté. Leur travail paye : même s'il n'ont pas quelqu'un de la trempe de Franck Black pour écrire les chansons, elles sont étonnantes. Au final, on pourrait n'assister qu'à tous les concerts, ne jurer que par ceux-ci et ignorer les albums, ne plus acheter de disque et s'intéresser seulement à un morceau téléchargé et remixé plusieurs fois, Brother en loccurrence. L'histoire de cette pratique devient banale, et pourtant Pursuit mérite mieux : qu'on s'y attache, en entier, pour son séquencement sans faille d'assauts de tendresse et d'élans de romance nuancés par des arrière-pensées. 
 
« We all need to be loved when we record the tracks. » 
 
C'est l'album d'un groupe qui se surprend à écrire et jouer des chansons à propos d'amour, et qui se laisse aller au commentaire émotionnel, après avoir fait le commentaire de sa propre expérience sur Bandrupcy. Ce morceau pourrait être Stuck in The Sound se lançant à corps perdu au début de sa carrière, mais il se trouve qu'il est suffisamment tardif pour figurer sur leur troisième album, et c'est avec celui-là qu'ils choisissent de suggérer une crise créative bien naturelle pour eux. « We've been gone for some years and now we're back again ! For the worst, for the best, for tries and mistakes ». La chanson Bandrupcy avait été envoyée en éclaireur en amont de l'album, laissant leur fans dans l'appréhension. Les 'essais et les erreurs' allaient t-il payer, les failles allaient t-elle rendre le groupe plus fort 
Dès le morceau d'ouverture, Brother, la réponse est oui : un tube électro-rock où la voix si distinctive et tendue de Fontao se fait crâneuse autant que désespérée : «I cannot top myself from loving her. » Dans le nouveau studio du groupe construit par le groupe à Montreuil, les chansons sont venues suffisamment wild and free pour donner un patchwork plus que divertissant. Les morceaux de bravoure taillés pour la scène, tels que Pursuit et Purple, entremêlent les parties de guitare et se jouent toujours plus vite, tandis que des ballades hybrides comme Tender, Who's the Guy ou Silent & Sweet se taillent la part du lion, donnant, à travers les paroles chantées par Fontao, l'image d'un groupe qui met la meilleure volonté à être aimé, et réussit. Tender ou September, en particulier, sont des chansons plus risquées, car c'est plus naturel pour eux de caracoler en profitant de l'exultation d'instruments rodés par le jeu de scène (spéciale dédicace à la basse de l'excellent Arno Bordas) que de chanter crescendo les mots 'In love' sans s'écraser. La plus longue chanson, Criminal, est astucieusement placée au centre l'album, le faisant culminer sur sa note la plus dramatique : « If falling in love is criminal, let's get it together, we fuck it all. »
 

 
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