“…you can hear whatever you want to hear in it, in a way that’s personal to you.”

James Vincent MCMORROW

Qualités de la musique

soigné (81) intense (77) groovy (71) Doux-amer (61) ludique (60) poignant (60) envoûtant (59) entraînant (55) original (53) élégant (50) communicatif (49) audacieux (48) lyrique (48) onirique (48) sombre (48) pénétrant (47) sensible (47) apaisé (46) lucide (44) attachant (43) hypnotique (43) vintage (43) engagé (38) Romantique (31) intemporel (31) Expérimental (30) frais (30) intimiste (30) efficace (29) orchestral (29) rugueux (29) spontané (29) contemplatif (26) fait main (26) varié (25) nocturne (24) extravagant (23) funky (23) puissant (22) sensuel (18) inquiétant (17) lourd (16) heureux (11) Ambigu (10) épique (10) culte (8) naturel (5)

Genres de musique

Trip Tips - Fanzine musical !

vendredi 30 janvier 2015

GREYLAG - S./T. (2014)



O
romantique
Folk rock

En anglais, on dit souvent qu'un label est une 'maison'. Et c'est vrai. Peu importe la distance qui sépare les groupes de leur label, il finissent par s'y retrouver. Franchir une telle distance est le processus naturel pour un groupe souhaitant conjurer d'autres atmosphères que le rock. S'échapper des formats donne la liberté de ne pas se faire témoin d'expériences vécues à l'excès, comme le rock n' roll. Greylag s'imprègne, englobe et atteint au-delà de l'intimité dans laquelle il crée. Ce trio parle des hasards de la vie sans doute, comme celui qui a réuni trois jolis poulains élevés dans des endroits très différents, Andrew Stonestreet (Chant, guitare acoustique), Daniel Dixon (divers instruments à corde, claviers) et Brady Swan (batterie). On imagine les blagues croisées sur le Texas et la Californie. Greylag combine les évocations de Led Zeppelin période III (et ces groupes capables de mêler le feu rock n'roll avec la méditation de hautes sphères 12 cordes), et celles d'influences plus déroutantes comme les islandais Sigur Ros. Greylag est le nom anglais de l'oie sauvage, ce qui ne fait pas passer toute la majesté rock que vise le groupe, même si une métaphore pour 'voir le monde d'en haut' a ses avantages. Difficile, pour un label, de retenir au sol un tel groupe ? Tant mieux, les chansons développent une atmosphère plus vibrante, voire romantique (Yours to Shake), que sur le premier EP The Only Way to Kill You. Et le producteur des Fleet Foxes, de Band of Horses ou des Shins donne une ampleur 'naturaliste' et un sérieux auquel le groupe échappe dans les moments les plus mordants. Dead Oceans a permis à Greylag d'atteindre d'autres horizons, les a inspirés et poussés à embrasser complètement leurs rêves. Ces labels de taille moyenne ne jouent pas nécessairement le rôle de découvreurs de talents, mais donnent à de petits groupes la capacité de se développer et d'honorer leur nouvelle maison. « Le son exploratoire, plein d'émerveillement de Greylag est la pointure parfaite pour Dead Oceans. »

CALIFONE - Stitches (2013)


OO
apaisé, sensible
americana 

Cet album a été enregistré à Los Angeles, Austin et Phoenix. C'est à dire ? En Californie, au Texas et … en Arizona. Mais le label Dead Oceans fait aussi bien : ils sont quelque part au milieu des Etats Unis, à Bloomington. C'est pas Memphis, encore moins Nashville, et New York peuh !! 

On imagine pas vraiment de blagues sur le Texas cette fois, mais un voyage quasi nécessaire, pour un musicien vétéran de la scène de Chicago, dont j'ai écouté Heron King Blues (2004) pour la première fois à l'été 2009, au moment où je publiais les premiers articles sur le blog qui s’appelait l'Essentiel est Ailleurs. Je ne serai pas déçu avec Stitches : les disques à belle pochette de Califone sont plus attirants que les autres, et déjà attachants avant d'avoir rejoint la... platine ! Oui c'est là que cet album a sa raison d'être, pas sur un disque dur. Il a un grain, quelque chose de physique avec une ombre qui plane, se déploie dans une pièce, vous donne des ailes dans votre voiture. On plane avec Califone, qui trouve ici la route d'ambiances plus horizontales, une odyssée quasi mythologique à portée d'oreilles, tellement visuelle que je m'en souvenais comme de musique instrumentale. Et pourtant, quelle voix ! Celle de Tim Rutili, qui opère en trio (trois guitares parfois), est fatiguée, un peu voilée (on pense à Ben Chasny de Six Organs of Admittance) parfois suspendue à une corde. 

« C'est le premier disque pour lequel rien n'a été fait à Chicago, dit Rutili, depuis la route. Le sud-ouest américain l'a charmé. « Les paysages secs, les plages et les centres commerciaux, tout ça est venu dans la musique. » Désincarnée et contemplative. « Chaque chanson vient dune planète différente ; faire venir différentes personnes et enregistrer dans différents endroits a aidé à produire une tension à l'ensemble. Je voulais que ce soit un disque plus schizophrène, rattacher des textures et des sentiments en conflit. » 'Stitches', cela signifie les points de suture, l'image est forte. La discrétion des textures les plus étrangères, percussions, claviers et électronique, résolvent cette schizophrénie dans une harmonie Pour l'occaison, Rutili a retrouvé son vieux copain Tim Hurley, avec lequel il a enregistré pour la première fois depuis 1998. de la à y voir un certain retour aux sources, mais en plein nulle part... De l'aveu de Tim Rutili, une renaissance car il a utilisé, cette fois, ses nerfs, son cœur, confie t-il à Dead Oceans. La steel guitar est là. C'est comme Ry Cooder se frayant une voie spirituelle et se mettant dans la peau du vieux Harry Dean Stanton pour la suite du film Paris, Texas. 

jeudi 29 janvier 2015

A PLACE TO BURY STRANGERS - Transfixation (2015)








O
intense
noise rock, shoegaze, post-punk

Dead Oceans, comme les maisons sœurs Jagjaguwar et Secretly Canadian, sont installés à Bloomington, dans l'indiana, état dans un milieu tellement neutre que le tracé en est rectangulaire. Et au moins deux de leurs groupes viennent de Brooklyn, le quartier de New York qui sert de vivier à un nombre incalculable de groupes. A Place to Bury Strangers a cette image d'être 'le groupe qui joue le plus fort de New york. » N'est-ce pas les inciter à pousser encore plus loin ses expérimentations cyniques ? C'est un groupe sophistiqué qui se joue du colossal, du chaotique, de l'imprévisible, amené par Oliver Ackermann. Les pédales d'effets qu'il crée pour d'autres artistes, parmi lesquels Lou Reed, My Bloody Valentine, The Flaming Lips et Nine Inch Nails, donne l'image d'un homme sophistiqué à la tête d'un groupe qui l'est tout autant. C'est une musique porteuses d'espoirs techniques, génératrice de questions, à la recherche d'une transformation, d'un autre monde. C'est surtout du « fucking hard » rock. 


Achermann pense l'homme comme être augmenté, éprouvant des sensations capables de repousser les limites communément mises en place autour d'un groupe. Les murs du studio sont remplacés dans l'optimisme technique et futuriste par un 'espace de création DIY' qui s'appelle Death By Audio, 'tué par le son'. A Place to Bury Strangers est sa propre machine, auto-suffisante et capable de se relancer toute seule lorsqu'une panne se fait sentir. C'est ce qui est arrivé au moment d'enregistrer Transfixation. Selon le label Dead Oceans, Achermann 's'est heurté à un mur' au bout d'un mois pourtant fructueux de sessions auto produites. « C'est devenu trop, comme si j'entrais en fusion en quelque sorte. J'ai senti qu'il fallait que j'arrête, et je n'étais même pas sûr que l'album puisse être fini, ni si nous allions redevenir amis. » Il était peut-être temps pour lui d'endosser sa casquette 'très technique' et d'aider d'autres musiciens à réaliser leurs nirvanas sonores grâce à ses pédales d'effet. Une carrière passionnante l'attend dans cette voie. Mais finalement, la section rythmique constituée de Dion Lunadon (basse) et Robi Gonzalez (batterie) s'est mise en route, et le réminiscences habituelles se sont intégrées les unes aux autres dans un album qui est, comme les trois précédents, à écouter d'un trait. La pop est en retrait, le groupe est jeté dans l'arène, plus abrasif et live qu'avant (I'm so Clean). La froideur electro-punk du groupe séminal Suicide (sur Lower Zone par exemple), reprend du galon, les guitares sont comme des scies et le shoegaze se fait plus aliénant et caverneux (What We Don't See), grâce à la participation d'un autre spécialiste du genre, Emil Nikolaisen, de Serena Manesh, rejoint en Norvège pour l'occasion. A Place to Bury Strangers produisent un chaos physique qui en devient presque spirituel, sans doute un peu innovants, si ce n'est autant que les pédales d'effet.

Rétrospective du label DEAD OCEANS



Un label au nom prémonitoire est t-il humaniste ?  
Est-ce que l'excellence des groupes se cumule pour former un label ?
Un label est t-il seulement un maison temporaire pour l'artiste ?

Une aventure à Bloomington, Indiana.

Une rétrospective des parutions du label, à venir. 


DAN BEJAR & DESTROYER - 1ère partie











Ecouter Kaputt, le dernier disque du groupe pop rock Destroyer, est dans mon souvenir comme de manger une glace artisanale à la cannelle sur un plage de l'atlantique. Non que les souvenirs soient liés, mais il conjurent un peu les même images de sensualité, de plaisir, et surtout, après coup, le souvenir de la futilité de ce plaisir et de cette sensualité. Il est d'autant plus difficile de remonter à la source d'une fascination pour Destroyer quand on ne connaît que cet album, que tout le reste, les sirènes d'une carrière bâtie sur un certain détachement, est dans les embruns. 

Pourtant, Kaputt concentre beaucoup ce qu'a mené Dan Bejar depuis des années ; selon ses propres mots, il est plus sauvage, certes : mais c'est parce que son chant détaché laisse plus de place pour la musique et les doutes stylistiques du type : est-ce que c'est bien si je multiplie les solos de saxo ? Même s'ils en existe chez Primal Scream ou Bark Psychosis, et allons, y, même chez Lou Reed et les Rolling Stones ? Aux dires de Dan Bejar, le 'magicien' (le titre d'une chanson méconnue de Lou Reed) derrière le projet Destroyer depuis le milieu des années 1990, Kaputt a pris 10 fois plus de temps à enregistrer que les huit autres albums qu'il a essaimés au fil du temps. « La musique a été construite petit bout par petit bout. Parfois, c'était difficile de coller avec autant d'idées disparates. » Si on prend sa carrière, Bejar amène aussi des commentaires et des remarques disparates qu'il est bien difficile de rassembler de façon cohérente. Surgissent pêle-mêle son admiration pour David Bowie, sa façon dilettante de dérouter, son amour de la poésie et l'affirmation tardive qu'il pouvait devenir crédible sans se cacher derrière ses musiciens, comme chanteur acoustique ; les paradoxes pseudo-littéraires, ses racines espagnoles, sa relation je t'aime-moi-non-plus avec ses 'fans'... Certains album, comme Streehawk : a Seduction, l'ont révélé. D'autres ont été réhabilités avec le temps, c'est le cas de Your Blues, que sa maison de disques réédite en vinyle fin 2014, pour en célébrer les 10 ans. Quand à Kaputt, il a permis à de nouvelles personnes de découvrir Destroyer ou de jeter un regard neuf sur son ancien travail. C'est à peu près à ce moment que les termes de 'sage' ou de 'magicien' ont été appliqués à Bejar, sans vouloir sciemment oublier tous les nombreux musiciens qui rendent un tel album possible, et qui font de Destroyer un projet à taille variable. 

Kaputt a demandé ce travail car il est une réincarnation pour Destroyer. Réincarnation car il est organique. C'est là que Bejar a le mieux fait preuve de sérieux, après des années à avoir fait preuve d'une attitude appliquée, à défaut d'être complètement dévouée, des années de concerts presque sans échanger un mot avec son public, et les deux sont liés plus qu'on ne l'imagine. Enfin, en s'abandonnant à la pop riche et iconoclaste on a l'impression que Destroyer symbolise énormément pour Bejar, sans pour autant faire l'effort que demanderait sa poésie absconse si elle était publiée dans un livre. On y revient car malgré sa démarche plus John Lennon (« J'écris de la poésie pour moi-même », chante t-il à un point sur Kaputt) que Paul McCartney, il avait sorti alors un album agréable, limite sociable, dans lequel se perdre, nous susurrant des phrases tout en nous donnant l'impression d'un drame à l'oeuvre. Désosser cet album, donnait plus que jamais l'aperçu de comment fonctionnait l'esprit de Bejar, quelles fascinations étaient les siennes, et ainsi il se rapprochait un peu plus des fans qui l'adulent patiemment. Son disque, plein de son éhontés, restait un acte de défiance. Mais autrefois, il agissait comme s'il savait que sa musique remporterait toujours un certain succès, parce qu'elle était oblique ; tandis que maintenant il voulait redresser ses torts, plongeant sa sincérité, ses moments dédiés à la mort et à l'amour. C'était un triomphe d'avoir cette œuvre si entièrement sereine qu'elle projetait des images et agissait comme un film d'auteur en bord de mer. 

Dfficile d’imaginer le son de Destroyer sans les solos de saxophone, les flûtes, la basse fretless, ou la présence abondante de chœurs féminins sensés souligner la sensualité à l’œuvre. Pourtant, tout cela n’existait pas avant Kaputt, qui redonna sa fraîcheur à Destroyer en utilisant la batterie émotionnelle, non plus de David Bowie comme auparavant, mais de Brian ferry. Destroyer, on se demande si c’est l’album qui devait pousser les 'fans' abasourdis dans leurs derniers retranchements, ou l’œuvre sérieuse d’un homme qui agit en pleine connaissance de cause, éprouvant même le besoin sincère de ‘laisser une bouteille à la mer’ pour conseiller aux critiques de ne pas être trop honteux envers eu mêmes lorsqu’ils se déchaîneront sur l’album. Au final 'on' l'a adoré. Mais quand même, amusant ce revirement sensuel, incongru à un stade de sa carrière où Bejar a tout du bon père de famille berçant son gamin pour l'endormir. 

La relation de Bejar a son public, patient et encore plein d'ironie parfois, est intéressante, pour quelqu'un qui l'a découvert trop récemment. Si on veut saisir l'essence de cette musique, il faut trouver sa propre manière de l'adresser. il faut s'imaginer écouter Kaputt en marge d'un festival du cinéma de San Sebastian. Ou dans un port de plaisance quelconque. La clef de cette musique est peut être le lieu ensoleillé : légèrement impersonnel. L'écouter au casque, chez soi ? Un source me dit que c'est seulement pour Kaputt que ça devient utile, car l'album fourmille effectivement de détails. Pourtant, Bejar vante 'l’élégance de la pièce vide'. Mais aussi sur la plage, où Dan Bejar affectionne de faire des concerts. Sa musique est comme le sable qui va et vient avec les marées, et Kaputt, avec ses thématiques littéraires, à la limite du saisissable, l’a mieux que jamais montré. Quelque part, en sortant le premier classique des années de la décennie 2011-2020, Bejar s’est offert de luxe d’éteindre le mépris de ceux qui ciblaient indifféremment Destroyer ou les journalistes s’excitant de la 'prétention' de Bejar. Prétention, soi-disant, de vouloir mettre de la littérature dans la pop, sans qu’aucune référence littéraire crédible ne vienne appuyer cela. Avec Kaputt, a été évoqué Oscar Wilde. Bejar s’y connaît en indifférence. Toute son œuvre peut être vécue comme une réflexion sur le détachement. Un autre raison de l'écouter sur une plage espagnole ? Les accointances de Destroyer avec ce pays se sont révélées sur Five Spanish Songs (2013). Un problème demeure : le malin Bejar vit à Vancouver, dans le froid canadien.

mercredi 28 janvier 2015

# morceau : GREYLAG - Another



Un autre groupe du label baptisé de façon prémonitoire Dead Oceans.

http://deadoceans.com/watch.php?id=198

# morceau : BILL FAY - Be at Peace With Yourself


Un nouvel album est prévu pour 2015. 

RILEY WALKER - Primrose Green (2015)



OO
intense, hypnotique
folk-rock, psych-folk

On découvre Riley Walker à l'occasion de son deuxième album, dont la pochette bucolique donne une image timide du guitariste 'prodige'. Pourtant, Riley Walker apparaît très sûr de lui et de ses choix, voire même un peu menaçant sur des morceaux qui mélangent le folk en picking de Bert Jansch, signe d'une dextérité hors du commun et les formats du post-rock voire du psychédélisme quand il invoque des mantras furieux. Sa voix forte devient intimidante lorsqu'il répète 'We got the same Heart... the same mind' dans Same Mind. Cette conviction sauvage et libre, cette dévotion toute entière rappelle Tim Bukley. Sweet Satisfaction se joue comme une version un peu maniaque de One of These Things First, la chanson de Nick Drake. Ces chansons ne s'apprécient pas nécessairement pour leur mélodie, mais pour l'entremêlement fou des guitares rythmiques, le déluge des notes de piano, les solos incessants, jusqu'à la cacophonie, et l'intensité vocale de Riley Walker qui finit par dominer, au fil des écoutes, toute la tension provoquée par ces enregistrements live (ou quasi). Un album original, dense, qui se découvre lentement, comme celui d'une autre valeur montante, Steve Gunn et dans lequel se perdre.  

CHUCK PROPHET - 2ème partie (Temple Beautiful)






OOO

apaisé, groovy
Rock

Temple Beautiful paraît sous des auspices calmes et sereins en 2012. Un nouvel album de rock and roll lumineux à la ceinture de Prophet, un album fièrement présenté comme « enregistré à San Francisco par des gens de San Francisco, à propos de San Francisco.’ Même sans message particulier, à chaque album Prophet nous fait de toute façon retrouver une verve qui laisse penser que la Musique (américaine) est une chose métaphysique qui englobe les réussites, les actes manqués, les artistes encore présents et ceux trop tôt disparus, les hommages et les inquiétudes, la vie quotidienne et la mémoire, qui fleurit ses propres haies d’honneur. L’art suprême, rien de moins. C’est si tentant d’écouter nonchalamment, des jours durant, sans rigueur. On peut faire un parallèle entre écouter sans effort et rester chez soi plutôt que de se confronter aux autres. « Je suis rentré insatisfait, je suis rentré pour sauver ma fierté » chante t-il sur une vieille chanson, Ooh Wee (1997). Vaut t-il mieux se cacher du regard des autres que de se ridiculiser ? Ou alors, autant nous faire croire que les petites gens peuvent susciter le respect de la société (New Year’s Day, 1997). Le rock est là pour fuir la solitude, la banalité, rompre avec l’hypocrisie, pour réduire les relations à leur plus simple expression : l’amitié. C’est si tentant d’écouter sans peine. Après tout, qu’est-ce que Chuck Prophet a-t-il de plus que Springsteen, dont l’album Darkness at the Edge of Town (1978) l’a enchanté ? « Il m’a vraiment rendu fou. Il garde toujours un œil sur le monde en général. Qu’est ce que font ses personnages ? Vers quoi courent t-ils ? » Il a au moins compris, comme eux, que la libération était dans les rencontres, la vie sociale, sur laquelle la musique rock porte habituellement ses réflexions à travers l’évocation de palliatifs et de frustrations. Qu’a-t-il de plus ? De se contenter de ça, de ne pas devenir un porte-parole, plus proche de Tom Petty que de Sringsteen. 

Mais cette fois, quelque chose se débloque : soudain, Prophet semble entrer dans la danse médiatique pour de bon, son inexistence sur Pitchfork n’y changera rien. Deux choses au moins expliquent ce succès : le fait d’être revenu à une formation à quatre, en dehors de quelques arrangements, et à un rock sec mâtiné de blues, parcouru de riffs originaux et de super soli de Telecaster. Ça donne un album recentré sur l'âme de la rue, que Prophet, avec sa voix parlée-chantée, canalise très bien. Plus du tout de hip-hop comme c’était le cas depuis les années 90, et malgré les résultats positifs sur The Hurting Business (2000) et No Other Love (2002). La deuxième raison, c'est sa nouvelle amitié créative avec l’obscur Kurt Lipschutz, qui relève le niveau de détails sur cet album. L’égo de Chuck Prophet a déjà pris une nouvelle dimension, peu de temps auparavant, quand il a collaboré avec Alejandro Escovedo, l’un de ses aînés songwriters les plus proches, musicalement, de lui. De douze ans plus âgé, Escovedo est un de ceux-là dont les disques vous imbibent de leurs accents émouvants dissimulés sous une couche d’arrangements soignés. Les cordes sur la chanson Sister Lost Soul, par exemple, ne font pas oublier la verdeur de celui qui se réincarne dans les émotions, avec une voix poignante comme le David Bowie le plus senior. Le fruit de leur collaboration, Real Animal, paraît en 2006.

Il y a l'atmosphère d’un pulp dans cette évocation nonchalante d’une ville à travers des anecdotes grinçantes. « La parie la plus fun, c’est de faire le casting des morceaux et construire l’album [...]. Le sens, l’attitude, ce n’est pas seulement contenu dans les paroles. » Le rock and roll véhicule d’abord des humeurs capables de nous imprégner. Ainsi, de la majorité des chansons de l’album émane des évocations assez sombres, et des personnages aux destins funestes, avec un côté film noir qui rappelle la passion de Prophet et de Green on Red pour les polars de Jim Thompson (il avaient nommé un de leurs albums d’après un de ses livres, The Killer inside Me). La chanson titre cible un de ces lieux emblématiques, une salle de concert dans les années 70, juste à côté du temple du pasteur Jim Jones, le fondateur d’une secte connu pour le suicide collectif de sa communauté du Temple du Peuple, en 1978, faisant 908 morts. « The future is here/but it feels like the past. », chante Prophet, dans une chanson très entraînante, évoquant les Rolling Stones , dont il adore Beggars Banquet (1968, l'album rageur et provocateur dans lequel les influences ont toutes trouvé leur place, en poussant les murs). Les Modern Lovers ou The Clash sont à ajouter au pot des inspirations, ces derniers un des groupes fétiches de Prophet, qui ont montré qu’en restant punk on pouvait tout jouer. Personnellement, j’ajouterais Iggy Pop. Leur voix se ressemble, sur Who Shot John par exemple. « Theys say i shot my babe/Say i shot her down. » Comme Iggy pop peut-être, et en particulier avec l’ambitieux Homemade Blood (1997), Prophet s’inscrivait dans la tradition des musiciens rock/country qui jouent des codes des personnages de cinéma, jouant un jeu de va et vient entre auto-humiliation et classe crâneuse, enrichissant ainsi son image de performer. Pour un chanteur a priori sentimental, il fallait déjouer le piège de se laisser définir par la futilité relative des relations d'amour. C’est l’ampleur de sa discographie et la façon dont il joue avec les codes qui amènent le génial John Murry à incendier positivement Prophet. 

Pour quelqu’un qui s’inscrit si bien dans la lignée de tous les grands de rock, Temple Beautiful garde son feu à l’intérieur. Il contrebalance la parade chaloupée de White Night, Big City par l’une des plus belles ballades de Prophet, Museum of Broken Hearts, qui évoque à demi-mots le Sida. On pense évidemment à tous les chanteuses et chanteurs côté rue, Lou Reed, les Ramones, et le doo-wop punk de Blondie. Temple Beautiful est aussi l’album d’un homme qui admire les tendances à la science-fiction (voir son hommage à Willie Mays) et la mise en scène d’un autre héros, David Bowie, mais semble préférer se mettre en retrait, même lorsqu’il est gouailleur, derrière sa passion de la collaboration. C’est pour lui un exercice sacré, et le facteur humain qui lui permet de maintenir le même niveau d’excellence depuis ses débuts. John Murry commentera : « Si vous trouvez les bonnes personnes, cela vous rend meilleur. Chuck m'a appris que ce qui comptait, c’était l’effort de collaboration et comme il est rendu par le disque, puis à l’autre bout, l’expérience des gens qui l’écoutent. » Temple Beautiful a ainsi été joué pour un documentaire, avec huit musiciens d’instruments à cordes. Comme un chef d’orchestre au service des sentiments et des évocations de la musique. 

Ces partenaires vont de pair avec une longue histoire d’excès, qui semblent désormais faire partie du passé. L’énorme quantité de travail – enregistrement d’un album tous les deux ans, tournées – ont t-elles eu raison de l'endurance d’un autre Chuck Prophet, qui continue d’exister dans sa musique souvent humoristique ? John Murry : « Sa femme et partenaire musicienne Stephanie Finch a si longtemps souffert de sa personnalité, elle peut assurer quiconque que les histoires d’excès concernant Chuck sont sans fin. » Une analogie vient en tête : s’il est Gram Parsons, musicien folk rock des seventies connu pour ses frasques et son laisser-vivre, elle est son Emmilou Harris, la muse a en apparence sévère et inaliénable. Une anecdote a particulièrement marqué Murry. « Il a sauté depuis le toit d’un immeuble de San Francisco dans celui d’un autre, et a chuté de trois étages à travers un dôme, sur le sol en ciment d’un garage auto ; c’était une tentative d’impressionner une fille et d’entrer dans son appartement, car il s’était enfermé dehors. Il était shooté. » Sur Temple Beautiful, la mélancolie de Museum of Broken Hearts est elle-même balancée sur Little Girl, Little Boy, qui profite de la participation de Stephanie Finch, toujours investie depuis ses débuts en solo avec Brother Aldo (1990). Enfin, l'hommage à la ville est complété par l'apparition vocale de Roy Loney, des Flamin' Groovies.

CHUCK PROPHET - 1ère partie



Éternel adolescent turbulent, resté bravement fidèle à se ville, la moins américaine de la côte ouest : San Francisco, chaude le jour, glacée le soir. Charles 'Chuck' Prophet est un témoin clef des transformations et débâcles du business musical entre les années 80 et aujourd’hui. Un songwriter moins connu que Beck, par exemple, dont il a l’audace et la puissance créatrice. Prolifique, musicologue amateur, sachant s’entourer et déconcerter aussi bien que l'un de ses nombreux héros, Alex Chilton. Chilton (1950-2010), l’artiste maudit en course pour l’enfer, cascadeur des grandes ondes, capable d’enregistrer des chansons pop rayonnantes comme de mettre à sac les scènes punk rock de new-york, et surtout, capable de musique pop assez métissée pour passer sur les radio rythm and blues. Chuck Prophet était, un temps, de ceux qui, comme The Replacements, tendaient à libérer le punk de ses limites, à en garder l’essence pour l’injecter de musique roots (blues, country-rock...) et de pop. 

Découvrir Chuck Prophet aujourd’hui, c’est réaliser comment il parvient à maintenir une fraîcheur hors pair, et à gagner toujours de nouveaux publics – les amateurs de Bruce Springsteen ne seront pas déçus de la vitalité de Chuck Prophet ! pourrait t-on lire sur une pancarte. Ancré dans une ville d'abord artistique, à l'histoire suscitant les fantasmes depuis la moitié du 20ème siècle, quand on l’écoute, il nous amène partout, nous fait bondir sur les toits de toute la musique américaine, sous couvert d’un rock pour la radio. L’histoire de la radio et celle de la musique ambitieuse de ces songwriters est largement documentée, comme l’histoire de labels fragiles coulés par l'intransigeance de gens comme Chuck Prophet, pour finalement attendre le 'triomphe' discret de Temple Beautiful en 2012. Avant de se livrer à l’écoute de cet album, regardons ce que John Murry a écrit de Prophet. Murry, parolier tout aussi extraordinaire (à en croire The Graceless Age en 2012), brûlant d’un feu artistique quasi destructeur et du même instinct que son chaperon pour les chansons aussi léchées que rebelles. 

« Les emails (de Chuck) sont signés de la petite phrase de Mark Twain, « A partir du moment où vous réalisez que tout est dingue, vous avez saisi. » Dans une industrie de pachas carburant à l’héroïne et de businessmen suceurs de sang, Prophet est un arbre tordu. C’est un arbre dans le jardin d’un jeu qu’il a joué et qui s’est joué de lui : refusant au final d’abandonner sur ce qui lui permet de vivre : le rock and roll. Sa carrière a démarré comme celle de beaucoup d'autres. C'était un gamin avec une guitare. La différence : à l'âge de quinze ans, il pouvait en faire plus de choses que la plupart au cours de toute leur vie. Le musicien et producteur légendaire Jim Dickinson (The Rolling Stones, The Replacements, Big Star, Bob Dylan) a d'ailleurs un avis sans appel sur la question. Sa première escapade hors de la petite bourgade endormie de Whittier, Californie, c'était direct l'absurdité de San Francisco. Il a presque immédiatement rejoint le groupe de country rock cosmique séminal Green on Red, puis a passé 8 ans et autant d'albums à enregistrer et jouer live avec eux. Ils n'avait pas 21 ans. Il n'avait même pas 20 ans. Le New York Times les a ainsi désignés une fois, 'de loin l'un des meilleurs groupes aux Etats Unis depuis une décennie. » Il faut savoir que Green On Red a cédé à l'épuisement de trop jouer, c'est une histoire que Prophet lui-même aimerait raconter. Comment un groupe gagnant le succès dans les années 90 fut poussé à la rupture par l'appât du gain. Le business musical n'alla pas plus loin que cette décennie-là. Après, comme avec la drogue, il fallut redescendre.

samedi 24 janvier 2015

SELECTION - janvier 2015


JOY - All the Battles (2014)






OO
attachant, sombre, 
Rock alternatif

Après toutes ces années, difficile de de ne pas avoir la sensation que l'esprit du belge Marc Huyghens, ne trouvera jamais la sérénité, lui dont la voix tranchante entame souvent les morceaux avant tout autre instrument. Les chansons exhalent l'engagement, l'impuissance ou la menace, et on devine la bataille infernale qui est livrée pour jouer de simples chansons pop. Les refrains cathartiques libèrent un trop plein d'émotions et construisent à chaque fois des mélodies affectées. Les plus tapageuses (Sunday and I, The Great Fire, Life..) s'écoutent compulsivement, tandis que les plus lentes (All the Battles, Drift and Dive) nous plongent dans une sereine mélancolie - comme tout bon disque, celui-ci n'épuise pas les meilleurs paradoxes. Une musique minimaliste parfois, qui se ressent partout, dont le schéma est établi depuis le temps de Venus, le précédent groupe de Huyghens, et plus précisément depuis son album préféré enregistré avec ce groupe, le sans appel The Red Room. Les chansons sont aussi courtes et frappantes qu'on peut se le permettre quand on souhaite toutefois embarquer l'auditeur pour un pont et plusieurs refrains. ils se terminent abruptement. La basse de Katel, qui a remplacé Anja Naucler (violoncelle), donne un aspect plus rugueux et musclé, à l'album, qui tente parfois de bondir hors de sa boîte (The White Coat) en avançant la frustration positive. On sent que Françoise Vidick (batterie, chant) comme Katel on un rôle important pour renouveler et prolonger les habitudes mélodiques de Huyghens. D'ailleurs, elles chantent en tandem plusieurs chansons, et les habitent avec un succès qui dépasse même celui d'Huyghens, pour qui la cause est déjà gagnée. La production squelettique, se caractérise par le manque ou au contraire par l’hypertrophie de certains éléments : elle est due à John Parish, et c'est ainsi que le disque prend parfois de faux airs de Pj Harvey. Une très bonne surprise.

CUB & WOLF - S./T. (2015)





O
attachant, spontané, frais
folk-rock

Un album d'un groupe très loup solitaire, quasi invisible sur le net ailleurs qu'au nord de l'Allemagne (A l'exception notoire de l'excellent webzine Nothing but Hope and Passion). Leur pays d'origine : la suède. Il sera évidemment confondu avec les australiens de Wolf & Cub (!!!) Autant dire que ces deux là ont le même nom, et qu'il vaut mieux que les derniers venus en changent. Le producteur Mattias Larsson et Linus Lindvall ont composé la réussie A Place to Mourn pendant un temps récréatif en studio. Les autres chansons, issues de sessions pour d'autres groupes mais qui n'avaient pas trouvé leur place sur les albums des amis, sont toute revenues en une journée et ont été arrangées pour constituer cet album de rock mélancolique. Leur sincérité et leur spontanéité les rend attachants. Etant donné la démarche, la profondeur d'une production pourtant dépouillée d'une chanson comme Standing Tall while Failling Down est confondante.  Des constructions de morceaux propres à l'épanchement, à la communion, comme on pouvait en trouver dans la pop de Ages and Ages l'an dernier. Une instrumentation en banjo et glockenspiel (l'un de mes instruments préférés) apporte de la luminosité à des compositions à la monotonie positive. What we Lost in The Fire termine l'album sur une touche résolument déchirante, en témoigne son violoncelle.

http://cubandwolf.com/
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POND - Man it Feels Like Space Again (2015)




OO
efficace, groovy
Synth pop, Rock alternatif

Au départ attendu comme le successeur rapide de Beard Wires and Denim, qui avait rencontré un grand succès, Man it Feels Like Space Again a été retardé, profitant des tournées du quintet australien et d'une envie de se transformer de nouveau. On y voit le premier grand disque de l'année, comme Merriweather Post Pavillon d'Animal Collective en 2009. Pond prend d'ailleurs le même chemin, tentant d'épurer au maximum leur formule fracturée mais chaleureuse. A ce stade de leur carrière, alors que les esprits se sont ouverts partout dans le monde à leur message, il devaient sortir un chef d'oeuvre. Avec un tel son et un tel titre auto-descriptif (Mec, c'est de nouveau le grand voyage), difficile de ne pas voir en Pond ceux qui exhument Yoshimi Battles the Pink Robots (2002). En visant l'excellence des Flaming Lips ou parfois de Mercury Rev, ils s'inscrivent dans la lignée des archontes pop de ces trente dernières années, ajoutant, tous synthés dehors, quelques balades (Holding Out For You, Sitting Up On Our Crane) aussi pleines de grandeur qu'embrumées au canon gélatino-mélancolique. Les ambiances sont à propos, très spacieuses, musclées plutôt qu'éthérées. Le thème de l'album ('décollage immédiat') donne à Zond l'air d'une fantaisie funk alien, et, partout, illustre cette capacité à rebondir, donnant un bon coup de pied au sol. A chaque nouvelle hauteur atteinte, ils prouvent paradoxalement qu'ils ont les pieds sur terre et que oui, leurs attitudes héroïques sont de l'humour. Chaque morceau sait construire sur les arpèges précédents dans un effet tunnel combinant rythmes et sons, dans la confiance absolue, avec en plus une touche de yatch rock, ce style kitsch cher à Dan Bejar de Destroyer.  

MARY FLOWER - When My Bluebird Sings (2014)



OOO
envoûtant, intemporel
Blues acoustique, folk

Un anniversaire ! 20 ans se sont écoulés depuis Blues Jubilee, le premier album de Mary Flower. When my Bluebird Sings est le 10ème. Une chanteuse folk peu médiatique de Portland, Oregon (et pourtant détentrice d'un award), mais c'est peut-être du au fait qu'elle se concentre davantage sur la pédagogie que sur sa carrière. ce qui est plutôt cool, d'enseigner le blues à l'école. On le sait, folk et blues acoustique sont étroitement liés. La relation d'intimité que Flower entretient avec ses guitares est si forte que je n'ai pas résisté à l'envie d'en savoir plus : ce sont donc une Gibson HG-2 Lap Slide Guitar de 1950 et une Fraulini Angelina. Mais, dit t-on, elle possède aussi une guitare de 1934. Il y a une interaction précise et confiante entre ses instruments vénérables, toujours aussi vigoureux qu'au jour de leur fabrication, et la musique de Mary Flower, qui réanime l'âme. Parfois entourée d'autres musiciens dans des sets dans un esprit plus ragtime, When my Bluebird Sings se démarque pour deux raisons : elle y est seule, et il constitué entièrement de compositions originales, alors que Flower avait l'habitude de reprendre Big Bill Broonzy, Emmet Miller, Tampa Red (Boogie Woogie Dance), Bessie Smith... Il alterne instrumentaux en forme d'impromptus émouvants, comme ceux du folk anglais de Davy Graham, et des chansons en accords ouverts, brillantes de nuances, entre pudeur, tranquillité, mélancolie et légèreté. Delta Dream ou My Bluebird transposent le bucolique enchanté de Nick Drake au Mississippi. Le blues du Mississippi d'avant la naissance du rock n' roll est une influence, dans l'expressivité et la générosité de cette musique réduite pourtant à sa plus simple expression. La guitare est frottée, caressée, les cordes tirées autant que pincées, faisant ce son rond et sans âge qu'affectionnent souvent ceux qui veulent souligner leur espièglerie.

http://maryflower.com/  

1994
1999


2001


2003

2003


2005


2007


 2009
 2011





jeudi 15 janvier 2015

FATHER JOHN MISTY - I Love You, Honeybear (2015)





OO
sensible, extravagant
Folk rock

L'année a du mal à se mettre en place, l'art n'est pas particulièrement au centre du débat. Plaçons nous du côté Josh Tillman, un échalas folk confirmé, franchisé de la musique américaine comme institution basée sur la fragilité humaine. Fallait t-il pour autant, pour se battre contre le kitsch prétentieux qui constitue désormais 'l'art' rapportant gros, paraître aussi ironique que sur cet album faussement enchanté ? Oui, à condition de la faire avec le panache d'un John Lennon. Deux exemples terribles, Bored in the USA (et ses rires de talk show) et Holy Shit. Josh Tillman n'est plus en rien le hippie qu'il était, batteur des Fleet Foxes, groupe perpétuant un monde sentimental pour un certain public. Même s'il garde sa voix de choriste haute et fragile, même si ses mélodies sont toujours plus alambiquées qu'il ne le voudrait, il exprime son dégoût du monde dès la pochette hypocrite, scandaleuse et/ou insignifiante de l'album. Reprenant à son compte, dans un aspect presque vétuste et désuet la prétention d'autres artistes (ceux qui ne sont même pas capables, une fois sur scène, de divertir le public comme Tillman le fait avec une petite danse), il signe l'une des balades les plus attachantes de l'album, The night Josh Tillman came to our appartement. Les sitars sont too-much, pourtant difficile de qualifier cette musique de 'loufoque'. Plutôt pince sans rire. Puis When you're smiling and astride me ressemble à Marvin Gaye, isolé dans sa propre foi. 

Le reflet d'une époque résignée, avec les écos des années 70 qu'il faut, à mi-chemin entre la solitude et le rêve, non loin de ce que fait Jonathan Wilson à son plus audacieux. La démesure de ce (désormais grand?) producteur de Laurel Canyon apporte à l'album son lot de bizarreries empruntées au rock progressif de l'époque. La beauté curieuse  et inattendue de ces morceaux, lui donne, après plusieurs répétitions, l'air d'une sérieuse profession de foi païenne. Mais on n'y est pas : I love you Honeybear, comme l'indique son titre (qu'il ne faut pas être de trop mauvaise foi pour qualifier d'auto sabotage), c'est un album racontant une (drôle d') histoire d'amour.Voir ci-dessus pour se faire une idée du dandy. 

lundi 12 janvier 2015

THE PUNCH BROTHERS - The Phosphorescent Blues (2015)


O
soigné, élégant, frais
bluegrass, pop

Pour les Punch Brothers, la tradition musicale, la musique elle-même, est une évocation de plus en plus cinématographique. Leur nouvel album conçu pour susciter des images, avec une chanson qui ouvre comme une séquence à l'intensité inhabituelle dans le genre. On pense à Owen Pallett. Après avoir déjà travaillé avec le grand T Bone Burnett pour la musique du film Inside Lewyn Davis des frères Cohen, il s'allient à son don pour combiner musique commerciale et retour aux racines avec cet album, très balancé. On connaît l'extraordinaire Chris Thile, réputé comme l'un des meilleurs musiciens de sa génération à la mandoline, surtout au sein du trio Nickel Creek. Il chante, et à sa suite, dans un seul élan le groupe, rassemblé pendant une retraite printanière, un monde en apesanteur, partage avec l'auditeur toutes les expériences, les interactions, ce qui arrive lorsque chanson jaillit de la nature, du bois d'instruments vénérables, puis est reprise par une seconde voix, puis une troisième, jusqu'à former un chant à l'unisson. Au temps des applications numériques, cette révolution des interactions humaines peut être évoquée par la musique. Les Punch Brothers tentent de réunir tout le monde dans un seul mouvement. Il en est question naturellement, de mouvements, chez un groupe qui, après avoir démarré ambitieusement par une suite de quatre mouvements en 2008 avec The Blind Leading the Blind, reprend ici Debussy et Scriabin, confinant un peu son univers mais lui insufflant une légèreté enivrante.  

THE HARDIN DRAW - Burn This Town (2015)




O
entraînant, communicatif
folk, pop

Un album agréable, dans la lignée de The Lone Bellow ou les Punch Brothers, pour les harmonies, et l'ambition de créer une musique généreuse, entraînante, remettant au centre du jeu les instrument traditionnels. En concert, six musiciens et leur amis se déchaînent, envoyant une bonne dose de mélancolie sudiste décomplexée comme si vous y étiez. "There's one thing i learned you can't control the Southern Queen/So i buried my heart and went back to New Orleans." Un arc en ciel de cordes, mandolines, guitares, contrebasse, dans une production de Morgan Jahnig, une personnalité du genre à travers son groupe The Old Crow Medecine Show. Une bonne façon de commencer l'année, dans le sillage doux amer, des chansons simples du charismatique David Talley. Une bonne manière de rassembler ses esprits et de les placer dans un endroit plein de joie en ce début d'année.
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