“…you can hear whatever you want to hear in it, in a way that’s personal to you.”

James Vincent MCMORROW

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Genres de musique

Trip Tips - Fanzine musical !

jeudi 26 février 2015

JD MCPHERSON - Let The Good Times Roll (2015)




OOO
groovy, entraînant, vintage
rythm and blues, rock, rockabilly

Voilà un album produit par Mark Neill, à qui l'on doit le Brothers des Black Keys, et que c'est accrocheur ! La voix de JD McPherson est aussi détonante que celle de Zach Williams, de The Lone Bellow. Et le son à la fois rugueux et compressé pour une efficacité maximale ! JD McPherson s'est affirmé comme un musicien brillant en 2010, avec Signs & Signifiers, premier recueil habité de l'envie de faire dans l'universel. Ici, le titre accrocheur fait référence à plein de moments dans l'histoire de la musique. Le rythm and blues et le rock & roll vintage de son prédécesseur fut initié à Chicago avec le producteur et contrebassiste Jimmy Sutton, instantanément passionné par le son de McPherson et, par chance, l'heureux propriétaire d'un studio et d'un label. La succès story débute sans attendre avec la chanson North Side Gal, hit sur internet, et l'album finit par récolter un Award pour 'meilleur album hard rock'. Hard comme dans hardcore : rien que du vrai, du sauvage, mais jamais du brutal. Et à l'arrière de la pochette de Let the Good Times Roll, le chanteur en cuir et ses quatre musiciens, qui sont aussi tous vocalistes - Sutton, Smay (batterie, percussion), Jacildo (piano, orgue) et Corcoban (saxophones, steel guitar, orgue) - donnent une image solide et amicale. Ils nous proposent de passer un bon moment, maintenant qu'est passé le premier tour de force. Etre mis sur le devant de la scène, pour un artiste qui jouait du rockabilly, ce n'était pas rien. rock bondissant, amené par son piano martelé, sa fière contrebasse, sans oublier ce son de guitare gondolant, inimitable. Le saxophone est là aussi pour la touche chicago ultime. Il s'affirme désormais, rejoint par un orgue parfois, même dans des chansons en mid tempo (Precious, It's All Over but the Shouting), qui affectent et séduisent au-delà de donner envie de danser. Bridgebuilder, composée à quatre mains avec dan Auerbach, est de celles-là. C'est simple, mais l'utilisation gonflée qui est faite de la basse et des percussions et claps vaut toutes les leçons. Si les textes se battent entre amertume et frustration ('I did't get what i wanted from the world today'), la musique est propre à mettre de bonne humeur et défie quiconque de rester immobile. Les chansons sont avalées au rythme des solis de Fender, de cris propres à tester la saturation liée aux techniques d'enregistrement particulières, pour transmettre cet esprit 'hard' donc. Tiens, Josh Homme, de Queens of the Stone Age, dont l'ombre plane sur une chanson telle que You Must Have Met little Caroline ?, est remercié dans le livret. Les images conjurées par McPherson, cependant, ne sont pas aussi obliques que celle de ce groupe emblématique, mais immédiates. Des claquettes et un piano bastringue, menés par un rythme qui fait taper du pied et le falsetto de McPherson, ne parviennent à insuffler qu'un petit grain de folie - c'est la mécanique rutilante du disque et son immédiateté mélodique et joyeuse qui gagne. Il n'apporte pas de réponse à la question qu'il pose sur Precious, "What does it means when your heart vibrates ?', mais qui s'en plaindra ? Il est tellement facile d'aimer JD McPherson.

GRETCHEN PETERS - Blackbirds (2015)




OOOO
Poignant, engagé, intemporel
songwriter, country, pop

Née en 1957 à New York, installée dans le Colorado, Gretchen Peters semble vivre dans un monde d'hommes sans les hommes. Arès plus de vingt ans de musique, elle peut désormais vivre la guerre à travers ceux qui l'ont faite, construire seule sa maison, la reconstruire après l'ouragan Katrina (Black Ribbons), et affronter la dissolution de la terre dans l'eau. Elle nous chante à propos des 'belles choses qui deviennent ruine', en contant l'histoire d'une jeune fille que sa beauté a tué. Un monde d'hommes sans les hommes donc, un paradoxe comme la musique à la fois tendre et mélodique que Peters accompagne de textes intenses. C'est un monde fragile et rude où la bible et la bouteille ne sont jamais loin l'une de l'autre. Les catastrophes naturelles sont mise en parallèle de façon sensible, comme l'histoire de Pompéï et celle de la Nouvelle Orléans. Ailleurs, sur une chanson engagée sans détours contre les effets de la guerre, elle chante : "quand la seule chose que vous avez est un marteau, tout ressemble à un clou." La musique paraît toujours un peu générique au premier abord, mais se hissent finalement - en particulier Everything Fails Away ou Jubilee - au-dessus de la mêlée des abandonnés, des blessés et de ceux qui refusent de s'exprimer, devenant, leur voix. Cet album a été comparé à Nebraska, de Bruce Sringsteen, et à Looks Like Rain de Mikey Newbury. Gretchen Peters y multiplie les points de vue et varie les styles, rapprochant sa country pop de l'emphase de la musique classique,car souvent les cordes émergent et participent au développement de chansons poignantes, abouties et cinglantes. Les causes de profonds malaises y sont évoquées à travers leurs conséquences, comme cette maison qui brûle sur Auburn Street. Ce qui lui permet de tenir, de ne pas se dissoudre à son tour, c'est un amour sacré (Jubilee). 

PURA Fé - Sacred Seed (2015)






OO
engagé, communicatif, original
blues, world




Elle dit aimer le rock n' roll. Peut être la prochaine fois nous enregistrera t-elle un disque rock. C'est le guitariste français Mathis Haug qui a convaincu la chanteuse amérindienne élevée à Manhattan en 1959 de se concentrer, cette fois, sur son chant, pour mettre l'accent sur l'oreille musicale étonnante sa culture méconnue. Si les chansons témoignent de son engagement aux côtés des indiens Tuscarora de Caroline du Nord - les puissantes True Freedom ou Idle No More -, et de leur lien privilégié avec la rivière - River Peole - ce n'est pas pour sa force politique ou sociale que cet album est le plus fort, mais bien pour sa capacité à produire naturellement des grooves soyeux et séducteurs, qui mélangent la prédominance du chant, ou plutôt des chants -la voix de Pura Fe se superpose sous l'effet d'enregistrements successifs-, la guitare lancinante de Mathis Haug, l’harmonica et, plus original le violoncelle. En découle une vibration cool, presque zen, ceinte d'un peu de gravité. Elle qui a été élevée entre le swing et le gospel et la musique classique, laisse aussi entendre son admiration pour Duke Ellington en interprétant in a Sentimental Mood. Les indiens furent forcé d'adopter la religion catholique, mais une fois dans l'église ils s'approprièrent les chants gospel pour en faire autre chose, et c'est un peu ce qu'on entend... 

Guidés par le charisme de Fe et au rythme de son tambourin rituel, les chansons sont en forte cohérence, s'interpénètrent et racontent les luttes et les espoirs comme en descendant le fleuve, jusqu'à l'embouchure. Jusqu'au final enchanteur de My People, My Land. Même si elle "croit en l'émergence d'une conscience identitaire", avec cet album de mélanges, Pura Fe fait primer le plaisir de chanter et  de perpétuer le blues, car comme elle dit, de nombreux afro américains on du sang indien dans leurs veines : Jimi Hendrix par exemple. 

http://nuevaonda.fr/
http://purafe.com/

dimanche 1 février 2015

PHOSPHORESCENT - Muchacho (2013)







O
soigné, communicatif
country rock, folk urbain

Un album qui pourrait être la somme de beaucoup d'autres. C'est une musique préparée par le chanteur/songwriter Matthew Houck seul, mais qui regarde dans toutes les directions ; pleine d'innocence mais riche en allégories (« j'ai mis du temps à comprendre que la rivière était trop grande pour moi ») et réinventions, très construite mais fragile, si on s'en tient à la voix un peu cassée de Houck sur Muchacho's Tune, la chanson la plus directe de l'album ; soignée mais respirant la fraîcheur country, dès l'utilisation de l'instrument phare de cette musique, une steel guitar, sur Song For Zula. On pourrait tout mélanger, mesurer l'humanisme et le pouvoir de rédemption de cette musique à l'aune des tous les instruments qu'on y joue, de la performance d'y avoir intégré des trompettes mariachi mexicaines – car l'album raconte quand même une expérience au mexique. Le son est d'une profondeur glorieuse de bout en bout. Y mettre autant de lui-même donne à chacun de ses albums une force qui les fait durer longtemps : le rustique Pride (2007), l'hommage à Willie Nelson, To Willie (2009), le brise-coeur Here is To Taking It Easy (2010). Ce n'est pas étonnant que le producteur soit John Agnello, qui a travaillé avec Kurt Vile : on retrouve certaines sonorités. Cela quand il ne part pas sur la piste d'harmonies à plusieurs voix, ajoutant toujours de nouvelles dimensions plus festives ou grandioses à ses tonalités nocturnes, évoquant une chaleureuse isolation. Ainsi le final épique de The Quotidian Beasts (jusque là, l'album s'est écoulé tout seul) est suivi par une ballade réparatrice qui, sur un dernier solo de trompette, achève, ou presque, la parade si vivante de cet album sensitif. Ensuite, Sun's Arising, c'est une conclusion, un signe de la main, pour un album qui aurait bien pu être comme la longue fin sonore de l'histoire racontée, à l'instant où j'écris ces lignes, du label Dead Oceans jusque là.

JULIANNA BARWICK - Nepenthe (2013)




OOO
pénétrant, naturel
atmosphérique

Ecouter Julianna Barwick, par exemple Pyrrhic, peut être le morceau le plus majestueux sur Nepenthe, c'est se soumettre à un éloignement. Barwick vous amène bien quelque part, au contraire de la musique d'ambiance qui est faite pour que vous restiez à votre place à attendre la suite. Nepenthe, qui fait référence à un elixir de l'antiquité grecque, raconte l'idylle de Barwick, élevée dans l'Oklahoma et le Missouri, avec l'islande. C'est là qu'elle a enregistré, comme dans un rêve devenu réalité, un rêve d'adolescente sous le charme de Sigur Ros depuis un concert en 2002. Elle a capté Nepenthe avec le producteur de ce groupe, Alex Somers. Au vu du résultat, c'est une rencontre qui devait avoir lieu. « J'ai été inspirée, juste de me trouver là, par la générosité de cet endroit. Vos yeux ne peuvent pas croire ce qu'ils voient. (la musique sur Nepenthe retranscrit le frisson de ne pas pouvoir y croire) « Je suis rentrée chez moi une nuit et je me suis complètement perdue à Reykjavik (la capitale de l'Islande). J'ai fini par marcher le long de l'océan – il était d'un bleu luminescent. C'était comme s'il y avait une lampe en dessous.» C'était une expérience totalement différente que d'enregistrer dans ma chambre à Brooklyn » D'une pratique en ermite elle est passée à la rencontre de musiciens passionnés par la même chose qu'elle. Ces voix, ces sons islandais, comme les histoires d'elfes, semblent toujours trop beaux pour être vrais, et d'ailleurs, il ne sont pas vraiment réels, ils flottent au dessus de leur source, échappent un peu à la raison, à l'entendement. C'est l'émerveillement fait abstraction musicale. « Je ne peux pas chanter dans un micro 'dry'. C'est comme si je n'avais pas de vêtements. J'ai toujours aimé le son de ma voix dans un parking souterrain ou une cage d'escalier, où la réverbération se produit. » En plus, la beauté et la force de sa musique est soulignée par l'état émotionnel de Barwick, plus fragile qu'à l'accoutumée : « Je ne pouvais faire que des choses viscérales – le disque contient des choses sérieuses sur le plan émotionnel. » Elle pourrait déplacer les montagnes, si les volcans autochtones ne le faisaient déjà (un peu).

STRAND OF OAKS - Heal (2014)






O
audacieux, efficace
indie rock, dance rock


« J'étais un gamin de l'indiana, qui ne couchait avec personne, mais j'avais tes chansons si belles à écouter », chante Timothy Showalter, né en 1982, sur JM, son hommage, non à John Mellencamp (qui vient lui aussi de l'Indiana) mais à Jason Molina. La chanson embrasse autant la mélancolie en fusion du groupe Magnolia Electric, et l'arrière pensée, moins émotionnelle, de ce qu'il faut reconstruire, une fois prise en compte cette disparition. On retrouve dans cette musique le garçon au futur incertain qu'était Molina en son temps, quinze ou vingt ans avant sa mort prématurée. Elle est rendue plus touchante si l'on a entendu ce que partage plus simplement Dark Shores (2009), le précédent album de Strand of Oaks, avec la musique de Molina. La pochette de celui ci était, soit dit en passant, magnifique, dénotant comme celle de Heal une sensibilité particulière. « Je ne veux pas tout recommencer à zéro » chante Showalter sur Goshen '97', une chanson dépréciative sur sa jeunesse, mais capable aussi de remonter puissamment à la source de son art. La mort de Molina aurait aisément pu interrompre Showalter au cours de sa tournée européenne en 2013 pour le faire rentrer aux Etats-Unis et capturer son sentiment. Mais il y a eu autre chose, une insatisfaction concernant le précédent Dark Shores, que l'on ressent comme un album en demi-teinte, fait de chansons qui évitent à tout prix le sensationnel. La voix claire et haute de Showalter est dans un environnement dépouillé qui n'est pas tout à fait satisfaisant. Il fallait trouver le moyen de parler de blessures tout en s'affirmant beaucoup mieux. « Je n'aimais pas ce à quoi je ressemblais, la manière dont je me comportais », confesse le chanteur à son nouveau label, Dead Oceans, pour mieux souligner le grand pas en avant effectué avec son nouvel album. Il était alors en Suède ; mais il ira bien plus loin encore, à la limite de la mort, quand, juste avant la date prévue pour terminer l'album, il réchappera à un accident de voiture avec un traumatisme assez grave. Le son de l'album sera, suite à l'accident, rendu le plus cathartique possible, faisant de Heal bien plus qu'un simple nouvel album de Strand of Oaks. Un point de non retour. 


La densité émotionnelle de celui-ci est, enfin, propulsée par des mélodies accrocheuses et des sons puissants. Quoi de mieux que de faire venir J. Mascis (Dinosaur Jr), un de ses héros, pour brûler un solo sur la chanson d'ouverture, ouvrant l'album dans une effervescence toute contraire à la discrétion du précédent album ? Et comme souvent dans l'album, un lien magique unit les paroles et la musique, car au moment ou Mascis, joue, Showalter est justement en train de raconter ses souvenirs musicaux et ses héros de jeunesse. Heal est, à tous points de vue, un éclatement, plein de pont musicaux entre trente ans de musique, avec en fer de lance les surprenantes Heal, Same Emotions, ou For Me. Shut In, Plymouth ou Woke Up To The Light ont une présentation classique, en droite ligne des années 70, mais c'est la manière dont elles s'intègrent à l'album qui les rend passionnantes. La musique profite habilement de la batterie de Steve Clements pour ne rien perdre de sa puissance, quels qu'en soient les atours, nappes de synthés comme guitares électriques. C'est l'ordonnancement d'un trop plein qui en impose, peut-être pas à la première écoute, mais, et c'est mieux, ensuite, plus tard, quand on a mesuré l'importance de cet album. Une originalité, c'est de croire qu'on a affaire à un groupe tout entier, alors que c'est une œuvre voulue par un seul homme, et ainsi plus personnelle et audacieuse. Showalter ne recommence pas à zéro ; il prend une nouvelle dimension, c'est dans ces conditions qu'il peut faire partie de ce label décidément prestigieux.
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