“…you can hear whatever you want to hear in it, in a way that’s personal to you.”

James Vincent MCMORROW

Qualités de la musique

soigné (81) intense (77) groovy (71) Doux-amer (61) ludique (60) poignant (60) envoûtant (59) entraînant (55) original (53) élégant (50) communicatif (49) audacieux (48) lyrique (48) onirique (48) sombre (48) pénétrant (47) sensible (47) apaisé (46) lucide (44) attachant (43) hypnotique (43) vintage (43) engagé (38) Romantique (31) intemporel (31) Expérimental (30) frais (30) intimiste (30) efficace (29) orchestral (29) rugueux (29) spontané (29) contemplatif (26) fait main (26) varié (25) nocturne (24) extravagant (23) funky (23) puissant (22) sensuel (18) inquiétant (17) lourd (16) heureux (11) Ambigu (10) épique (10) culte (8) naturel (5)

Genres de musique

Trip Tips - Fanzine musical !

lundi 25 avril 2016

KING BUFFALO - Interview (2016)






Dan Reynolds (basse et lumières), Scott Donaldson (Batterie et voix) et Sean McVay (Guitar et voix) forment King Buffalo. C'est de ces tout jeunes groupes auxquels on rattachera des adjectifs les alourdissant inutilement, tandis que, sous leur heavy rock, ils dégagent plutôt une grâce éthérée et vous habitent au lieu de simplement vous confronter. Découverts avec une « démo » enregistrée en deux jours, où ils montraient déjà un effort d'exécution au-delà de ce que font certains groupes professionnels, ils se sont depuis pleinement donnés les moyens de répondre à l'appel de leurs influences, Pink Floyd ou Black Sabbath. A la fois inventif et efficace, leur premier album Orion est fait pour marquer les esprits et mérite de longues heures à descendre ses rivières de guitare fuzz.

Mondo Drag, Windhand, All Them Witches sont parmi leurs compagnons de route. Ce trio basse/batterie/guitare issu de l'underground nord américain, amateur de dissimulation, transporte dans ses veines le mysticisme réflexif propre aux anglais de Hawkwind. Comme eux, leurs sons circulaires et sinusoïdaux transcendent largement une voix qui se pose avant tout pour souligner une mélodie, mais aussi pour raconter une histoire décrire un sentiment d'aliénation et de lâcher-prise. Des riffs stoner éléphantesques viennent électriser leurs tentations léthargiques et propulser les morceaux dans une direction toujours exaltante. Ailleurs, il retiennent ce qui fait le bon classic rock à la Led Zep' ou Jimi Hendrix.


Quelle est votre inspiration pour le son des guitares ?

Nous avons grandi en écoutant beaucoup de Jimi Hendrix, Pink Floyd, Black Sabbath, et Led Zeppelin, et nous suis vraiment retrouvés plongés dans ce rock des sixties/début seventies, auquel nous avons mêlé nos idées psychédéliques originales.

Il y a une influence anglaise dans votre musique, Hawkwind, et aussi les power trios comme Motorhead, et Pink Floyd aussi. Et la musique blues, aussi ?

Nous aimons beaucoup tous ces groupes, et le blues les a grandement influencés.


Ce qui m'a frappé, c'est que pour un premier album, Orion est extrêmement bien produit. C'est le fruit d'une expérience particulière ?

Nous avons écrit à peu près tout l'album pendant l'été 2015 et nous l'avons enregistré entièrement nous-mêmes, dans notre salle de répétition. Cet endroit se situe dans un vaste immeuble, un peu comme une caverne, et nous avons décidé de le mettre à profit en plaçant des micros un peu partout dans les corridors pour obtenir ce très gros son.

Vous avez tourné avec de nombreux groupes.. Quel est votre meilleur souvenir ?

Nous étions en tournée avec All Them Witches en 2014 et nous avons joué dans cette salle géniale à Winston-Salem, en Caroline du Nord, appelée The Garage. Ben et Parks [Ben McLeod et Michael Parks bassiste et guitariste de All Them Witches] nous ont rejoint pendant le set. C'était une expérience très cool.

Les mélodies et les harmonies sont puissantes, produisant un sentiment à la fois ancien et sidéral. Quel équilibre avez-vous voulu obtenir ?

Nous essayons de faire en sorte que les voix ne soient pas la force directrice des chansons. L’instrumentation, le groove, et les dynamiques sont la clef pour nous. Les voix a tendance à flotter sur le mix et n'est utilisée plutôt pour compléter les mélodies.

Quelle influence la scène Nord-Américaine exerce t-elle sur Orion ? Êtes vous sensible à la scène psychédélique californienne également ?

Il y a une très bonne scène psychédélique dans le nord des États-Unis. Beaucoup de grands groupes y font des choses très intéressantes. Bien évidemment, la scène Californienne nous a aidés à former nos ambiances. Chaque partie du pays contribue à introduire ses propres façons de faire. Nous essayons de trouver un équilibre et tracer notre propre interprétation des sons psychédéliques, dans notre musique. Nous nous tenons à ce qui rend la chanson plus fluide ou nous fait nous sentir le mieux avec elle.
Que raconte la chanson Sleeps on a Vine ?

C'est une chanson d'amour tragique entre deux personnes qui, tandis qu'elles tombent amoureuses l'une de l'autre, perdent leur propre identité dans l'intervalle, les amenant à une existence misérable où ils ne savent plus qui ils sont.

Et à propos des thèmes de l'album, est-il plus attaché au réalisme, des choses dont vous avez fait l'expérience dans vos vies, ou des allégories ou du mysticisme ?

Eh bien, il y, c'est sûr, une pensée cohérente et une histoire qui traverse tout l'album. Mais nous aimons l'idée que l'auditeur puisse trouver sa propre interprétation et donner à la musique un sens à ses yeux. C'est intéressant de penser que notre musique peut pousser différentes personnes dans diverses voies. Concernant les thèmes, c'est un mélange de réalisme et de mysticisme. Beaucoup des allégories et de l'imagerie sont utilisées pour raconter l'histoire ; certaines d’entre elles viennent de notre expérience personnelle.

dimanche 24 avril 2016

HAYES CARLL - Lovers and Leavers (2016)





OO
Doux-amer, attachant, élégant
Americana, Country folk



Un album de Hayes, on en attendait un deux ou trois ans après le dernier, KMAG YOYO (2011). Il lui a fallu plus de cinq ans pour reparaître avec une collection de chanson qui trahit son dégoût des tournées, des passages radio et du music business. Pourtant, un album de Hayes Carll, c'est toujours une émotion immédiatement assimilable, et qu'il est bon de faire découvrir et de partager. Comme son ami Scott Nolan, traversant une forme de crise de la quarantaine, il a recherché un équilibre dans sa vie, le conduisant à l'enregistrement de cet album. Ces chansons, dont il serait facile d'exagérer le rôle et l'impact en les qualifiant de catharsis, se coulent néanmoins dans une volonté réparatrice. «Je n'avais pas une seule chanson pour faire danser les gens », résume celui qui la a tant divertis avec Stomp and Holler, Bad Liver / Broken Heart, Another Like You ou Hard Out There.

Lovers and Leavers, enregistré en cinq jours, profite d'overdubs brillants, piano, orgue électrique, ou percussions atypiques. Un son voluptueux, sur My Friend par exemple, avec la guitare pedal steel qui semble venir de partout à la fois. Cela compense l'absence de chansons propulsives ou plus communicatives. Cette différence persistante de ton et de tempo entre les deux disques marque l'écart et les cinq ans écoulés dans une certaine lassitude entre les deux albums. Lovers and Leavers est à la fois l'album qui trahit un certain égarement de son auteur, et celui par lequel il doit se focaliser de nouveau sur son entourage et son message. Pour y parvenir, il y a le levier de l'amitié, pour se soigner de l'amour, l'amour capable de 'remplir tout l'espace vide', dans la chanson déchirante Love Don't Let me Down (Hayes Carll s'est trouvé une nouvelle compagne en la personne d'Alison Moorer, grande compositrice qu'on aime beaucoup chez Trip Tips).

Ce n'est pas seulement la façon très laid back dont il sonne, mais Lovers and Leavers présente une façon différente d'interpréter des chansons, cela transparaît dans une version filmée de la chanson The Magic Kid, l'une des plus belles de l'album (et sans doute adressée à son fils, qu'il a peu vu pendant ces années de tournée). Le groupe fait preuve d'une décontraction au bord de l'absence, en toute félicité, comme pour contrecarrer l'implication usante habituelle que nécessite cette musique propre à être partagée et dont les paroles furent reprises avec bonheur par le public.

Hayes Carll se montre pourtant toujours aussi intelligent dans sa façon d'écrire les chansons d'amour, pleines d'un humour capable de contrebalancer l'amertume qu'un divorce a implantée en lui. Il ne sur-estime pas le rédempteur, ou quoi que ce soit, de son expérience dans sa musique. Hayes Carll est réputé élégant, mesuré, et aillant la tête sur les épaules, et même s'il semble parfois perdu ou à deux doigts du coma éthylique, c'est toutes proportions gardées. C'est son charme naturel qui lui permet de sortir triomphant, jusqu'aux plus dégagées Love is so Easy et Jealous Moon, une chanson évoquant See The Sky About to Rain (Neil Young), avec son piano Rhodes. For the Sake of the Song reprend la façon blessée de chanter de Neil Young sur Ambulance Blues, également sur l'un de ses albums cruciaux, On The Beach (1974). Après des écoutes répétées, l'album nous affecte, tandis qu'on saisit comment Hayes Carll se positionne pour y rester longtemps, au carrefour de la musique de grands songwriters américains – Jim Lauderdale, avec qui il a écrit Drive, Townes van Zandt, Guy Clark, Rodney Crowell, Kris Kristofferson et Ray Wylie Hubbard.

ULRIKA SPACEK - The Album Paranoïa (2016)







OO
pénétrant, hypnotique, frais
indie rock, noise rock

Comment crée t-on un album addictif ? Ulrika Spacek semble avoir la réponse. Sublimant leurs influences de Sonic Youth, Me Bloody Valentine et Deerhunter, ils créent un son très ouvert, et qui nous laisse, malgré l'intensité, en soif. Le groupe s'est formé en une nuit à Berlin, entre Rhys Edwards et Rhys Williams. C'est la même nuit qu'il ont définit le concept et le nom de leur album, The Album Paranoïa.

Ce disque finalement capté à Londres, en compagnie de trois autres musiciens, s'écoute comme une expérience sonore incroyablement homogène. The Album Paranoïa puise avec un contrôle hors du commun dans l'attitude vaporeuse et les nappes chères à Deerhunter et Atlas Sound, tandis que même le chant ressemble parfois à s'y méprendre à celui de Bradford Cox. La répétition et les guitares traitées en fluctuation tonale donnent à une chanson comme Porcelain l'air d'un classique indie-rock, dans la veine de ce qu'on a entendu chez les américains sur Halcyon Digest (2011). La maîtrise de l'aspect répétitif joue un rôle révélateur dès la première écoute, surtout dans le cœur de l'album, Beta Male et NK. Ainsi, les chansons mettent à l'épreuve notre soif de variété plutôt que notre patience. Mais l'homogénéité bat du même coup des records.


Le son fuzz semble parfois aplanir toutes les aspérités, et contribue à produire ce son fluide dans lequel les paroles des chansons semblent si bien intercalées. C'est vrai en particulier sur la profession de foi, I Don't Know, en ouverture. Tout, drones sonores, harmonies et paroles doucement balancées, semble en parfaite osmose. Les émotions se battent un peu pour échapper à ces gangue hypnagogique. Ultra Vivid puis le single She's a Cult débrident l'album de son self-control, le signe d'une emprise rare pour un groupe aussi juvénile. Les deux dernières chansons évoquent quand à elle différentes époques de Radiohead comme résultant de l'enregistrement à Londres. 


https://ulrikaspacek.bandcamp.com/album/the-album-paranoia

SCOTT NOLAN - Interview (2016)







copyright : MCE. An premier plan, Anthony Crawford.

Copyright : Jessi Chandler. De g.à Dr. : Scott Nolan, Will Kimbrough, Grayson Capps, Susana Lee Crawford, Anthony Crawford. 





Pour Scott Nolan, la musique est une façon d'apporter des éléments de son histoire personnelle pour impliquer humblement les gens alentour à un monde meilleur. Inspiré par l'engagement et la loyauté de son entourage, il s'investit par l'écriture et la musique, dans un partage social, courtois, dont cette interview sous le signe de l'amitié et du respect a été révélatrice.

Rejoignant en une journée et demie l'Alabama depuis le Canada, pour répondre à l'invitation d'Anthony Crawford (collaborateur de Neil Young, Dwight Yoakam...) il va enregistrer sous son égide cette magnifique collection de chansons, Silverhill, marquée par une aisance qui permet à la voix de Scott Nolan de vraiment briller.

Entouré de musiciens talentueux – Grayson Capps, Savana Lee Crawford, Will Kimbrough, Corky Hugues, le canadien de Winnipeg va capter en deux jours des chansons engageantes et émouvantes à propos de l’Amérique, cherchant à faire écho à l'expérience de ceux qui l'entourent. Il continue cependant de porter le regard enthousiaste et malicieux d'un étranger sur cette terre sud-américaine.

On imagine les musiciens buvant ce fameux cocktail d'Alabama à base de whisky de maïs, déjà décrit par Grayson Capps dans la chanson Coconut Moonshine (sur The Lost Cause Minstrels, son propre album de 2011). Une boisson suffisamment douce et exaltante pour apprécier à leur juste valeur le simple plaisir de jouer ensemble, comme une version plus actuelle de Tonight's The Night (Neil Young) ou des Basement Tapes (Bob Dylan). Des inspirations que l'on retrouve sur ses quatre autres albums à l'humanité hors du commun.


A qui devez-vous d'avoir pu réunir autour de cet album ? Dans quelle mesure êtes vous redevable de l'aide extérieure pour la beauté et la fluidité de Silverhill ?

Anthony Crawford est celui qui s'est investi sans compter dans l'enregistrement de cet album. A l'origine j'avais prévu d'effectuer le mixage chez moi, mais Anthony m'a demandé s'il pouvait le faire lui-même. Il a ajouté la pedal steel, le piano, une harmonie vocale et beaucoup plus encore, avant de finalement le mixer, et il est parvenu à préserver l'impression d'un live, pas trop produit. Pendant que nous enregistrions, Anthony a joué de la grosse caisse et une basse ukelelé tout en s'occupant de faire fonctionner la session. Il est célébré pour de nombreuses choses mais c'est aussi un excellent vocaliste, ainsi je souhaitais qu'il improvise et qu'il ajoute tout ce qu'il voulait. Au final j'adore tous ses overdubs.


Tous les musiciens sur Silverhill sont vraiment brillants, mais avec Anthony je partage cet album, et je pense qu'il n'aurait pas été possible sans ce soutien réciproque. Cet homme est un trésor de la musique américaine, cela me tient à cœur de le faire comprendre à tous. Nous vivons parmi des géants comme lui, et c'est crucial de réaliser leur présence pendant nos vies.



Comment avez rencontré Hayes Carll ? Quelle vision de la musique partagez vous ?

Hayes Carll et moi sommes devenus amis après qu'il ait enregistré ma chanson Bad Liver/Broken Heart. Cela m'a vraiment aidé à attirer l'attention aux États-Unis. Nous avions beaucoup d'amis communs et nous sommes rapidement devenus amis nous-mêmes. Je dirai cela de Carll, il est loyal, détendu et courtois. Il est facile de s'intégrer pour lui, car il possède un charme naturel, auquel la majorité des gens sont sensibles. J'ai rencontré sa famille, et tout s'explique ! Bien élevé, intelligent et humble. Crois-moi, l'industrie du disque a besoin de plus de gens comme lui. Plus récemment, nous avons écrit ensemble une chanson qui apparaît sur nos albums respectifs. Sur le sien [Lovers and Leavers, 2016] cette chanson s'appelle You Leave Alone, et sur le mien, c'est When You Leave This World.


Forever is a Long Time est très accrocheuse, avec des harmonies pop. Ces harmonies, présentes sur tout l'album, étaient t-elle difficiles à obtenir ?

La raison pour laquelle j'ai fait appel à Willie Sugarcapps, à la base, c'était pour leur habileté naturelle à harmoniser. C'est un vrai supergroupe, dans le sens ou le tout est meilleur que la somme de ses parties. Leur combinaison musicale a une patine intemporelle. Comme je l'ai dit plus tôt, Anthony a ajouté sa voix après coup, mais tous les autres ont chanté live avec moi, sans casque, ni répétition, ni démos. Des artistes donnant le plein potentiel de leur présence humaine, et pendant deux jours entiers, j'ai tout oublié du reste du monde, et j'ai juste apprécié cette communauté.
Willie Sugarcapps étaient si attentionnés quant à la façon dont ils abordaient ces chansons, que chacun de leur instincts s'est avéré bon. Ils n'avaient pas besoin d'être beaucoup pilotés, montraient la bonne sensibilité. Nous disposions de juste assez de temps pour enregistrer et je pense que c'est ce qui rend le résultat si spécial, et le mix d'Anthony fait ressortir cela.


Tu es attaché à l'univers de la prison, aux possibilités qu'il y a à trouver la rédemption, et à continuer en toutes circonstances de chercher un moyen de rendre le monde meilleur, est-ce une bonne définition de la liberté ? Les motivations intérieures d'un individu semblent accompagner son besoin de se rattacher à des lieux, à des paysages...


Mon enfance a été largement influencée par mon cousin Patrick Nolan. Comme le reste de ma famille, il a grandi pauvre et à la dure, et a fini par être incarcéré à vie à la prison de Folsom en Californie. Mon cousin a vu la lumière, et a changé de vie là-bas. Il a impulsé des programmes d'expression, et a été le premier homme dans l'histoire des prisons à accueillir des groupes de différentes couleurs de peau. J'ai été invité à la prison il y a deux ans, pour animer des ateliers d'écriture à sa mémoire. Il existe un documentaire canadien évoquant cette expérience, sous le titre de « Visiting Day ».

Patrick était un poète, il m'a encouragé à écrire depuis petit. Il était à mes côtés pour m'aider à m'en sortir tandis que je m'égarais dans les drogues, étant ado.


Quels sont tes prochains projets ?


Ces derniers temps, je me suis tenu à l'écart des concerts, la direction qu'on prise la radio et le music business n'est pas très intéressante. J'ai passé deux ans à travailler sur mon premier volume de poésie [Scott Nolan orthographie un lapsus, 'poverty', dans l'interview], à être tuteur d'enfants dans des écoles de Winnipeg et à travailler au sein du système carcéral pour animer des ateliers d'écriture de chansons. À 41 ans, je cherche un équilibre et un sens à ce que je fais. Je viens de produire un disque de Watermelon Slim, et c'est un sommet dans ma carrière que d'avoir la confiance d'un tel maître. Pour paraphraser mon ami et mentor Wendall Holmes, désormais disparu, « Quelle vie ! ».






http://www.scottnolan.ca/music.html


http://admiralbeanstudio.com/







mercredi 20 avril 2016

WOODS - City Sun Eater in the River of Light (2016)



O
ludique, funky
indie rock, psychédélique


Pour le groupe de Brooklyn Woods, dès l'ouverture de City Sun Eater in the River of Light, les cuivres apparaissent comme un artifice qui démarque ce neuvième album, ou au moins Sun City Creeps, du précédent With Light and With Love. Avec sa pulsation afro-beat et son piano rhodes, le groupe a la bonne idée d'insuffler une vibration de reggae psychotique les faisant ressembler, de la façon la plus engageante, au groupe de reggae les Congos, qu'ils imitent grâce à la voix falsetto de Jeremy Earl et l'égarement dans un présent irrésolu et jouissif. « Sun City creeps/oh, let it go/we fall in to love/Take as we go. » Attention, la constance de ce falsetto un peu vibrant peut énerver. 

Le prochain morceau de bravoure s'appelle Can't See at All, dans cet album où les chansons se démarquent surtout par une pulsation funky, une répétition entêtante de certaines phrases, une instrumentation excentrique. Tout ce tropicalisme démarque un peu mieux le groupe des autres combos de pop rock psychédélique américain. L'apothéose caribéenne arrive avec The Take, bien amenée par son chorus de trompettes, et jusqu'à la surprise de son attaque de guitares électriques. Mais cela reste en stase. Politics of Free joue le rôle du single ensoleillé et (un peu plus) propulsif dans un album hagard. The Other Side encapsule encore un peu plus le sentiment doucement aliéné de l'album, retournant la réalité pour la rendre plus enveloppante. « There will always be a place for you/Meet me on the other side/What would say to tomorrow's sky/I wich the sunset almost every night... »

lundi 11 avril 2016

ABERDEENERS - Rewind to The End (2016)






O
Communicatif, romantique, orchestral
Indie rock cuivré, harmonies vocales, folk


Reprenant la formule communautaire qui a donné en 2016 des fulgurances chez Scott Nolan, par exemple, les français (de Clermont Ferrand) d'Aberdeeners travaillent leur jumelage (avec l'Écosse) en collectif. Dans le cas de ce groupe qui a déjà fédéré un large public, preuve qu'il est possible en France de jouer et de produire de la musique dans la tradition d'une bonne formation anglo/canadienne. 


Ils visent le pop rock choral, que de riches arrangements de cuivres, les portent à un niveau exaltant. On apprécie comment les voix de Damien Boutterige, Yvan Cusumano et Victor Lafarge concordent, produisant une ferveur qui évoque Dry the River, l'archétype du groupe de rock anglais puisant son agilité mélancolique dans le folk. October est une chanson importante de cet album, profonde et émouvante, dans la recherche d'un mouvement plus intérieur. 80 Windows, une reprise de Nada Surf, complète ce revirement, dans un lyrisme rappelant Shearwater. Après ça, l'album ne sera plus comme avant : Happy Accident est une délicieuse cavalcade romantique qui tire le meilleur pari des arrangements concoctés et interprétés par Aurélien Gendre et Geoffroy Proye. La même vibration romantisme séducteur traverse le disque jusqu'à Little Lady, et ses harmonies très Beatles. « We could make love just one more time » Let it go, chantent t-il à la fin, comme un écho à Let it be... Morning Haze conclut (momentanément) ce tour de force par une belle orchestration. Le charme de cette croisière enflammée opère encore, dans les minutes qui suivent...



A rapprocher aussi de Stanley Brinks. 

dimanche 10 avril 2016

KEVIN MORBY - Singing Saw (2016)








OO
Lyrique, doux amer, intemporel
Country rock, pop, songwriter

Singing Saw marque les débuts de Kevin Morby pour le label Dead Oceans, à propos duquel Trip Tips a publié un article concernant Bear in Heaven, Strand of Oaks, Julianna Barwick, Riley Walker, et récemment l'australien Marlon Williams). Cet album tourne autour d'une fascination supposée de Morby pour la scie musicale, cet instrument qui provoque un son curieux et enchanteur. Cet instrument sert d'ailleurs de point de fuite à un album emprunt de gravité, qui pourrait se résumer à une série de sensations et de rencontres intenses que Morby provoque entre sa musique et certains des musiciens américains d'hier et d'aujourd'hui les plus fascinants. Leonard Cohen et Bob Dylan sont là, dans Black Flowers ou surtout la finale Water. Son lyrisme intraitable est à ce niveau dès Cut me Down : “Birds will gather at my side, tears will gather in my eyes, throw my head and cry, as vultures circle in the sky.” Son onirisme sommaire et retiré évoque Bill Callahan dans Sometimes I Wish i Were an Eagle, Apocalypse ou Dream River (la percussion sur l’enivrante Black Flowers qui renvoie à The Sing). Les arrangements somptueux de Kevin Morby, par exemple sur Drunk and On a Star, soulignent cette parenté.

Le piano participe aussi à ce sentiment de sérénité, basculant vers la morosité voyageuse sur Ferris Wheel. Ailleurs, des guitares bravaches évoquent un rock lo-fi qui aurait dérivé, insufflé de pop intemporelle mais peut-être plus reliée aux années 90 (Dorothy). On retrouve là les Babies, le duo punk pop que Morby a constitué avec Cassie Ramone des Vivian Girls. C'est comme de donner à de petites émotions le champ de grands panoramas. Le détachement contemplatif et la voix de Morby le rapprochent aussi de Cass Mc Combs, sur Destroyer. C'est dans le dénuement des sentiments que réside leur lumineuse affiliation, et jusque dans l'accent et le timbre : « Have you seen my mother she's a-lookin' for my father » Le saxophone est la touche, peut-être crépusculaire, qui ajoute au superbe de cette chanson.

Il pourfend les dépendances parentales et territoriales qui sous tendent l'existence, comme le racisme - I Have Been to the Mountain évoque le sort d'Eric Garner, le noir américain qui s'est fait tabasser à mort par un flic à Staten Island en 2014. Grandissant dans la Bible Belt américaine, il confie sur le site Aquarium Drunkard : « Ne pas aller à l'église était une déclaration d'intention plus grande que d'y aller ». Les chœurs, la steel-guitar sur Water ajoute à l'aspect intemporel et transversal à cette épopée, avec laquelle Morby, après deux albums 'en transit' avec les Babies et un en solo, est vraiment arrivé à bon port.




jeudi 7 avril 2016

STEVE GUNN - Eyes on the Lines (2016)








OOO
élégant, groovy, apaisé
Rock alternatif, psychédélique


Après Way Out Weather, un album exploratoire et acoustique, qui profitait d'une attitude décontractée, jazz, Steve Gunn se dirige vers un son plus électrique et intriqué que jamais, avec des chansons complexes et enivrantes. Un album plus dynamique, inspiré par Kurt Vile (dont il a été le guitariste jusqu'à Smoke Ring For My Halo), mais chaque élément - guitares, percussions - entrent dans un système différent, interne à Steve Gunn, qui relie aussitôt Eyes on the Lines à son prédécesseur. Ancient Jules célèbre une liberté et une assurances toujours plus grandes, la capacité à gérer une grande densité de guitares aux accents divers pour les faire communier vers des soli qui échappent au psychédélisme pour offrir un déroulé maîtrise. Steve Gunn joue de sons qui sont propre aux 'primitivistes' américains tels John Fahey, une candeur qui souligne des paroles insouciantes et opérantes sur Full Moon Tide, qui le relie comme jamais à l'âge d'or des années 70. Il reconstitue une partie de l'histoire de ce qui fit le charme de la guitare en offrant à ces sonorités enchantées des mélodies accrocheuses , des rythmes cavalants, une profondeur de champ telle qu'il est difficile de s'en détacher.



Sa voix, un peu déformée par les effets, lui donne un air flegmatique, plus désaffecté que Vile et Adam Granduciel (The War on Drugs) à qui il est comparé. The Drop est une vaste dérive qui culmine sur les paroles en écho au titre de l'album : «Eyes on the Line/You know they hold every move ». Nature Driver, avec son rythme plus poussé, évoque directement The Waron Drugs, mais propose toujours d'entrecroiser trois guitares plutôt que d'en faire hurler une seule. Là, la formule semble un peu se répéter, Rien qui soit de l'intensité rock plus immédiate de Drifter, un morceau de Way Out Weather qui évoquait furieusement le Velvet Underground. Avec Park Bench Mile, Gunn se dirige plutôt vers un shuffle jazzy dansant, avec un rythme sous pression, permettant à la musique de se s'épaissir à toute vapeur. Heavy Sails contient un solo fluide et distinct qui semble être dû à Kurt Vile. Ark se démarque encore à la fin, par un sentiment de complétude et d'extase suave que les artistes ont tendance à oublier de toucher, parfois, lorsqu'ils font primer la forme sur le fond. Sans frime, Steve Gunn y a gagné un vrai charisme. Eyes on the Line est un album contemplatif, hardi et luxuriant.

(Paraît le 2 juin)

RADICAL FACE - The Leaves (2016)



 

O
poignant, sensible, lyrique
Folk-rock, pop

Sufjan Stevens impressionne régulièrement, pourquoi Radical Face, dans une attention similaire à ses mélodies et aux émotions qu'il transporte, ne le ferait pas autant ? C'est un tour de force, pour Ben Cooper, que d’avoir développé un tel univers au fil de trois albums, agrandissant sa famille fictive , les Northcotes, de personnages qui se nourrissent, en filigrane, d'éléments de son histoire personnelle en Floride. Un projet à la fois si vaste et si intime que Ben Cooper assure ne pouvoir l'interpréter qu'en proposant deux concerts entièrement différents par salle et par soir, tout en reconnaissant que, certaines de ces chansons eux, ils ne les jouera plus. Elles sont finies, « They're kind of done ». Dans son utilisation du terme, sa capacité jusqu'au-boutiste à peaufiner ses chansons, pour les placer dans cette séquence délicate que constitue encore The Leaves, passera pour un désespoir.

Il y a une vraie recherche d'interdépendance car ces « feuilles » sont placées au bout de « branches » elles-même tributaires de racines » (les deux premiers albums, The Roots (2011) et The Branches (2013). Une fois le projet, démarré en 2007, mis en place, Cooper semble avancer en félicité, et le cueillir avec cet album équivaut à capter le miel d'un travail de longue haleine dont on ne sent plus la peine mais seulement l'émotion complètement relâchée. Il en faut peu pour donner à ce projet d'un seul homme les airs d'un vrai groupe, tant les chansons sont orchestrées, qui plus est avec une vision classique et entêtée, défiant courageusement le temps présent comme en témoigne la présence de hautbois... Mais c'est pour conférer à l'histoire de cette famille d'un autre siècle le cadre sonore qui lui correspondait. Pour le reste, cet album pop/folk se déploie comme une aventure, parfois à hauteur d'enfant, parfois avec la gravité et la lassitude de l'adulte. Son aspect cathartique est le mieux illustré quand la musique atteint son quotient hypnotique le plus fort, sur The Road to Nowhere, ou dans l'intensité émotionnelle parfaite de Bad Blood, dans laquelle l'auteur de ce monde réapparaît tragiquement au terme de sa propre œuvre, pour souligner la magie de voir son œuvre accomplie. Après nous avoir souvent charmés sur des mélodies cinématiques. Le storyboard de Ben Cooper ne s'embarrasse pas de visuels pour produire une atmosphère fantastique et enveloppante. 

A écouter avec : Lost in the Trees. 

KING BUFFALO - Orion (2016)





OO
groovy, soigné, contemplatif
Stoner rock, psych-rock


Mondo Drag, Windhand, All Them Witches sont parmi leurs compagnons de route. Ce groupe issu de l'underground nord américain, amateur de dissimulation, transporte dans ses veines le mysticisme réflexif propre aux anglais de Hawkwind. Comme eux, leurs riffs circulaires et sinusoïdaux transcendent largement une voix qui se pose sans autre artifice qu'une légère aliénation, pour décrire des expériences physiologiques et hallucinatoires. L'une des chansons les plus directes de l'album, Monolith, montre bien cette efficacité héritée des power trios du rock anglais (Black Sabbath, Motorhead), nantis d'une basse et d'une batteries puissantes.

Les Black Angels et le rock psychédélique californien au sens le plus large font partie de leurs influences. La production atmosphérique et soignée souligne le sentiment de voyage, si bien que c'est un groupe que qu'on peut aussi bien écouter après les thaïlandais du Khun Narin Electric Phin Band, et toujours se perdre dans les guitares résonnantes d'un vrai sentiment d'ailleurs, sur la troisième chanson, celle de la confirmation, Sleeps on a Vine. Imaginons un Pink Floyd aux hormones. La voix de Sean McVay est entre l'homme exalté prêt à se rendre aux mystères des confins cosmiques, croisée avec celle d'un rocker en proie à une lassitude incommensurable.

Les harmonies, les solos propulsent Sleeps on a Vine vers un classicisme dans lequel King Buffalo emporte, avec ce premier album, ses lettres de noblesse. Sur disque, ils sont ainsi déjà promis d'être uniques, grâce au travail titanesque pour en arriver à cette clarté de vision. Plus loin, Goliath semble pousser encore ce qu'il est possible de faire, pour un trio, en termes d'évocation d'espace, de mélodie. Encore une fois, surgit un riff qui électrise les tentations léthargiques et propulse le morceau dans une direction très satisfaisante. Orion Subsiding nous enchante encore par la recherche d'un blues reposant sur une boucle de synthé sidéral, et dont l'ambiance donne au chant un aspect non seulement lointain mais ancien. Enfin Drinking the River Rising poursuit dans une ligne très similaire mais poussée à un niveau de construction plus étourdissant encore

samedi 2 avril 2016

BADLAND REVIVAL - Sons of July (2016)





O
entraînant, varié, groovy
Rock, rythm and blues, pop


Certains groupes et artistes cherchent de nouveau le genre de virilité rythm and blues sensible issue des années cinquante, comme Marlon Williams ou JD McPherson l'ont fait à leur façon. Cet album très américain est 100 % 'Do it Yourself', ne s’embarrassant d'aucune autre promotion que celle réseaux sociaux. Les membres du groupe ont magnifiquement retranscrit le plaisir qu'il y a à vivre au soleil, à Orlando, Floride, dans le sud des Etats Unis, avant de se soucier de tagger leurs propres noms et pas seulement celui de leur groupe : Badland Revival. Ils ont eu la bonne idée de s'affilier au style swamp pop/rock, la musique Louisianaise faite de boogie, de country, de rock, de blues. Cette affirmation de leur style permet de les démarquer d'une armada d'artistes. Certes, il n'y a pas d'accordéon, pour le côté Cajun, mais l'accent du sud est bien là. Il se traduit par une insouciance particulière. Slow Down ou French Girls, des démos qui n'ont pas été enregistrées pour l'album, montraient cette facette du groupe, reléguée parla suite au second plan, au profit d'une attitude plus triomphante et abrasive marquant un rupture avec beaucoup des choses mollassonnes passant à la radio américaine.

Avant tout, il s'agit dans cet album de décrire l'attachement qu'on a à ses amis et à l'endroit où on vit. Ce que cinq garçons font rarement, de nos jours, avec autant de talent que ce groupe là. Au sortir de cet album très soigné, le quintet Badland Revival apparaît détendu, et cela paie : quel que soit les gueules variées que prennent leurs chansons, l'emphase est mise sur l'attitude décontractée, qui valorise les paroles au parfum authentique et la simplicité communicative. Après deux grosses chansons de rock échevelé, Foggy (Little One) joue le premier revirement, sous forme d'une ballade country. Mr Hawai encapsule leur envie de s'amuser : Come, on, springtime is here... » Son refrain en faisait le tube idéal de l'été 2015, avec une adresse pour saluer l'héritage pop/rock britannique. Cette musique ensoleillée n'attend que de conquérir un nouveau public qui ait le désir de s'abandonner. Plus loin, le glockenspiel et les maracas donnent son charme à Fact is Fiction, rapprochant le groupe d'un indie rock à la Moldy Peaches. Five Point Blues donne à l'aspect laid back de l'ensemble plus d'élégance, de simples sifflements venant servir de contrepoints aux couplets. « Let me change your mind »...
 Même si on y revient pour la folle Live Slow – Die Whenever, Bandlad Revival, finit toujours par nous changer en douceur. Le sourire sur le visage du chantur Pour appuyer le côté facile de l'album, l'essence même de ce Badland Revival est même explorée dans la chanson titre, à la fin, qui s'appelle, dans un souci de clarté supplémentaire, 'Self Titled'.




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