“…you can hear whatever you want to hear in it, in a way that’s personal to you.”

James Vincent MCMORROW

Qualités de la musique

soigné (81) intense (77) groovy (71) Doux-amer (61) ludique (60) poignant (60) envoûtant (59) entraînant (55) original (53) élégant (50) communicatif (49) audacieux (48) lyrique (48) onirique (48) sombre (48) pénétrant (47) sensible (47) apaisé (46) lucide (44) attachant (43) hypnotique (43) vintage (43) engagé (38) Romantique (31) intemporel (31) Expérimental (30) frais (30) intimiste (30) efficace (29) orchestral (29) rugueux (29) spontané (29) contemplatif (26) fait main (26) varié (25) nocturne (24) extravagant (23) funky (23) puissant (22) sensuel (18) inquiétant (17) lourd (16) heureux (11) Ambigu (10) épique (10) culte (8) naturel (5)

Genres de musique

Trip Tips - Fanzine musical !

lundi 24 octobre 2016

STEVE GUNN - Eyes on The Lines (2016) (2)




OOO
élégant, groovy, apaisé
Rock minimaliste, folk, jazz



Le plus fort sera le lien et l'enrichissement mutuel entre country folk britanniques et américaines, élargies à une sensibilité mondiale, et mieux cette scène se portera. Une scène dont il est inutile de vouloir localiser un point d'apparition : ce point demeure toujours à l'horizon, la musique se défile, se fond en atermoiements, nous subjugue. Steve Gunn produit Michael Chapman pour un album à paraître le 1er janvier 2017. C'est une preuve d'admiration sincère pour le voyageur qui, originaire de Philadelphie et localisé à New York, s'est demandé un temps ce qu'il faisait en Angleterre, ce pays imbu de lui même, arrêté dans un relais routier déprimant, avec des camionneurs. En repartant, il s'est focalisé sur les lignes du bord de la route. Une virée dans la campagne anglaise, devait le faire rencontrer Chapman chez lui, et découvrir, loin des lois, quelqu'un que le temps et la musique ont peaufiné, et qui ont laissé leur empreinte profonde entre quatre vénérables murs. Un sens de la résidence existant, mais en creux, chez Steve Gunn. Dans son cas, le lieu de ses rêves n'est peut-être pas son appartement New Yorkais, mais le parage indésigné où il pourra se reposer et faire consigner son inspiration. Chapman, 76 ans, est une légende du folk radical, adulé des deux côtés de l’atlantique, sans doute le mieux par ceux qui comprennent ce que le folk peut être chantant à l'esprit libre : les guitaristes puisant dans un minimalisme effronté.

Cela fait plus de 10 ans que Steve Gunn enregistre de la musique, et c'est bon de noter qu'il est désormais une signature de la scène americana et rock indé minimaliste, ayant accompagné Kurt Vile, créé un album, Golden Gunn (2013) avec MC Taylor (Hiss Golden Messenger) et accompagné le poète et chanteur Ed Askew pour des concerts, entre autres collaborations. Les conditions de plus en plus sophistiquées de ses enregistrements lui permettent de réconcilier le noyau folk incorruptible avec des aspirations de jazz et de musique du monde. Ce qu'il cherche à exprimer est au croisement du personnel et de l'universel : il tente de faire tourner son univers en suspends, aux sons de guitares mélodieuses, multiples, décontractées.

Comment ne pas aimer, en 2016, un personnage aux airs de anti-héros Dylanien, citadin médusé par son penchant à isoler une part de lui même à la laisser divaguer. Sans avoir à se justifier, car Steve Gunn n'aura pas le succès historique de Dylan.

Tant est exprimé dans l'élégante musique de Eyes On The Lines qu'on n'attend plus grand chose du concepteur de cet album. Certains apprécieront qu'il puisse sublimer la moindre virée en moto pour lui donner des airs de méditation. Le cinéma asiatique nous a donné en 2016 Kaili Blues, le premier film d'un réalisateur chinois né en 1989, où l'on suit un homme à la recherche de son neuve, qui aurait été vendu par son frère, un père négligent. On trouve là un plan séquence sidérant de 40 minutes. Steve Gunn est comme Chen, qui poursuit son but en dépit de la nature bien erratique de son voyage, se laisse dérouter par les contretemps des rencontres, change de moyen de transport, sonde la bienveillance de ceux qui l'entourent, et attend patiemment le moment de sa prochaine solitude. On s'attache à lui car sa quête, dont on se dit qu'elle n'a aucune chance d'aboutir, trouve sa résolution là où on ne l'attendait pas. Steve Gunn, narrateur de sa propre virée partagée sur Eyes on The Lines, irradie d'une assurance sereine qui le pousse à trouver des fins personnelles à sa recherche, aussi invraisemblables soient t-elles. Comme de finir par jouer Conditions Wild à un ours, au fond de la forêt, dans la belle vidéo conçue pour ce morceau par Brandon Herman. 

Eyes on The Lines était l'occasion pour le musicien de créer des morceaux plus distincts que jamais, même si l'album peut paraître tout dans le même ton. Il faut prêter attention aux éléments se mettant en place avec les deux première chansons, et ne nous lâchent plus lorsque nous comprenons la liberté qu 'embrasse Gunn dans les paroles de The Drop. Il prend le temps de rêver, de traîner en route, quitte à rater l'opportunité de rentrer chez lui. Il y a toujours quelque chose de gagné à ce qui peu paraître, au premier abord, un périple ennuyeux. Une obligation, une contrainte, peut se transformer en une occasion de se retaper. Dès lors, Eyes on The Lines et un album qui peut résonner en soi bien après qu'on l'ai écouté la première fois ; au cours d'une digression imprévue, cette musique nous aide à aller de l'avant. C'est le grand va tout de la musique des années 70, que les drogues ont parfois symbolisé : obligés de progresser, on doit construire en temps réel, comme on peut, notre propre positivisme au monde, et ne pas prendre pour comptant celui des influences néfastes, de la civilisation marchande. Écouter de la musique est un moyen plus sain que d'autres. Elle crée une véritable et fiable expansion.

Eyes on the Lines fait plus d'une foulée dans cette voie, et nous avec. Conditions Wild fait culminer l'album dans une délicieuse cascade de note cristallines. Puis l'album ne cesse de se déployer, Heavy Sails délivrant une partie de guitare hypnotique sur une rythmique jazzy, un groove sans basse Le secret de cet album est de reposer presque uniquement sur cette batterie décontractée et inventive et une pléiade de guitares s'entrecroisant pour suggérer des vagabondages mélodiques, les dynamiques amenées par une sonorité plus saturée, quand elles ne sont pas suggérées, à l'arrière plan, par une sérénade électro acoustique en plein nomadisme. L'altérité de Park Bench Smile, puis la langueur enveloppante de Ark nous laissent avec la sensation que Steve Gunn a déployé des trésors d’hospitalité, surpassant même en nombre d'étoiles le rade de Kurt Vile. Le prochain week end, ne réfléchissez pas à deux fois ; partez vous égarer avec Eyes on The Lines dans les oreilles, votre route se coalisera et deviendra le lieu de contemplation idéal, en rétrospective, de tous les lieux que vous avez déjà visités par le passé.

samedi 22 octobre 2016

HISS GOLDEN MESSENGER - Heart Like a Levee (2016)



à découvrir aussi :





OO
sensible, funky, élégant
americana


Un monde sans fin, où on prend place un certain temps. C'est à la fois frustrant et nécessaire. Des trajets sans fin, sur la route, d'une ville à l'autre. Est-ce bien nécessaire ? Le jeu en vaut t-il la chandelle ? Oui, quand MC Taylor (Artiste de l'année 2014 dans Trip Tips) parvient à se conformer à la hauteur de vue qu'il vise, à évoquer pour nous un profond désarroi, et à le conjuguer avec une intensité météorologique. “Should I wade in the river/With so many people living just/Just above the waterline?” s'interroge t-il, soutenu par une chanteuse qui lui ressemble, Tift Merritt.

Très peu de choses devraient être dites sur un tel disque, si limpide est son mélange de folk, de country, de blues, l'americana réinventée au son de cette voix affectée et affirmée en même temps. Si limpide qu'à la première écoute, la douceur de la chanson titre, de Cracked Windshield ou de Happy Day (Sister my Sister) sont faciles à sous estimer. Mais c'est là le pouvoir de HGM. Souvent a t-on l'habitude d'encourager les écoutes successives d'un album pour le faire apprécier. Avec MC Taylor, ces écoutes viendront sans effort. En deux ans, je n'ai jamais cessé de me replonger dans Lateness of Dancers (2014), l'album qui marquait sa percée commerciale. Pour ses moments impétueux ? Plutôt pour sa façon, dans les chansons les plus ordinaires, d'aligner les mots et la musique avec une perfection si émouvante qu'elles impriment l'esprit.

Peut être a t-il choisi ce patronyme de Hiss Golden Messenger car sa musique est un prêche, une révélation née de la lassitude, de la spoliation, et d'un autre côté contemplation naturaliste, formulant son propre positivisme au monde, plus utile que tous ceux que l'on énoncera pour vous ; plus fructueux est celui qui n'est pas énoncé pour vous, mais pour soi. Cette contemplation, elle contient en creux le bonheur de pouvoir vivre de mieux en mieux de sa musique. A sa manière de s'inscrire, aussi, dans la lignée des héros country funk des années 70 tels Larry Jon Wilson, il le mérite amplement.

Il y a des lieux – Nashville, Atlanta, le salon ou se déroule un anniversaire - et des personnes, au premier rang desquelles ses deux enfants et sa femme. La musique est un levier par lequel il recherche le soutien de ses proches. Sa démarche depuis Bad Debt (2010), celle du doute et de l'incertitude, réclame la foi la plus totale, une foi qui entre en résonance, dans sa musique, provoquant des raz de marée audiophiles tels Ace of Cups Hung Low Band. L'approche de MC Taylor le démarque, dans les tournures traditionnelles qu'il aborde, parce qu'il essaie par le biais d'une production soupesée, intelligence, d'insuffler à chaque chanson les raisons de leur bonne foi ; il les arme pour répondre : oui, cela sert d'être sur la route plusieurs mois, éloigné de ceux dont on a besoin pour vivre. La déchirure prend les tons parcimonieux de cordes, de cuivres, jusqu'à la ballade finale, qui est facile à sous-estimer ; c'est à dire, en ce qui concerne HGM, si vous avez retenu la leçon, vite indispensable. De ce manque, il tire une vigueur qui en fait un cas à part dans la musique américaine, si le timbre de sa voix ne suffisait pas.

La photographie de pochette est de William Gedney (1972).



THE GASLAMP KILLER - Instrumentalepathy (2016)





O
inquiétant, original, onirique
électro, expérimental, musique globale

The Gaslamp Killer (William Bensussen) tente le grand alignement, faisant coïncider puissamment les sons de sa propre invention les influences de ses « ancêtres », la musique soufie (Haleva), des vibrations turques et proche orientales qui servent de vecteurs de modernité. Dans cette mission, Amir Yaghmai et les Heliocentrics (sur un morceau bonus de 11 minutes) sont les meilleurs alliés dans cette mission très spéciale.

Pathetic Dreams, avec ses troubles atermoiements, laisse présager un album en forme de voyage intérieur, laissant imaginer une résurrection de l'artiste musicien, qui a failli mourir dans un accident de scooter en 2013. On entend une voix prononcer 'je t'aime' : la première chose entendue en se réveillant sur son lit l'hôpital. Cette preuve de foi d'un parent fait écho à la sienne, car il est clair dès lors que s'il a prévu de naviguer dans des contrées inquiétantes, The Gaslamp Killer a retrouver l'énergie d'insuffler à des paysages de guerre, désolés et lunaires, sa palette de rouges et de bleus. Il n'est pas détaché et cynique, mais investi, et nous invite à l'être aussi, pris au dépourvu que nous sommes par ces sons étranges, exhumés, raides et erratiques, du sable de Californie (The Butcher ou Gammalaser Kill, avec la participation du batteur des Heliocentrics, Malcolm Catto). Puis la session de cordes de Miguel Atwood Ferguson (collaborateur de Flying Lotus, Father John Misty, John Legend...) s'invite dans le tournoiement afro-beat répétitif de Life Guard Tower #22.

Dès les premières secondes de l'album, et pendant toute sa durée, on sent la volonté de faire de cette musique une onde psychique, une émanation de force et d'intransigeance tournée vers les paradoxes et les aspects les plus sombres de l'humanité. Les habitudes de production que l'on retrouve aussi chez Gonjasufi, et les collaborateurs de Breaktrough (2012) sont de la partie, mais on sent la volonté pour The Gaslamp Killer d'affirmer, plus que sa patte sonore, que l'on a déjà découverte par le passé, mais sa présence au monde, dans des contrées de méditation, dans des cavernes oniriques que peu de musiques ont visité auparavant. Il n'y a pas besoin de mots, pour évoquer la proximité fascinante de champs de psychisme altéré, de personnalités transformées, à la sensibilité adaptée au monde à venir : compatible avec la solitude, avec la religion omniprésente, nourrie d'enthousiasme et de défiance. 


L'efficacité presque entièrement instrumentale de l'album parvient à tirer de cette confrontation morbide de la lumière. Et c'est grâce au choix méticuleux qui a été fait des ambiances, complémentaires, la manne mentale et spirituelle creusée par les morceaux d'ouverture est contrebalancée par un morceau bien amarré comme Residual Tingles, qui aurait pu figurer sur 10 000 Hertz Legend, le deuxième album de Air. 


http://music.thegaslampkiller.com/album/instrumentalepathy

samedi 15 octobre 2016

REVEREND KM WILLIAMS - We All Sing The Blues : Live in Deep Ellum (2016)






OO
communicatif, hypnotique, rugueux
Texas blues, hill country blues

« All lives matter » insiste le Reverend KM Williams en introduction à ce concert enregistré à Dallas, apportant sa nuance au slogan Black Lives Matter. La défiance est à son comble en 2016 aux Etats Unis, alors qu'Obama est sur le pont de quitter la maison blanche, et qu'il a été instrumentalisé pour attiser les haines raciales plutôt  que pour faire de ce marasme social une nation intègre. Dallas, le Reverend KM Williams s'y est fait filmer pour un superbe documentaire, sur lequel plane l'ombre de ses inspirateurs, en particulier son «héros» Blind Willie Johnson, ou Elmore James. Williams y montre une maîtrise de l'histoire du blues, et montre qu'il a depuis longtemps sondé les raisons qui poussent des personnes, quelle que soit leur couleur de peau, à rechercher ce genre de vibration musicale jusqu'à en faire un art à l'intensité charnelle. 

Quelles que soient les étiquettes et les préférences, « we all sing the blues ». Il y a la notion d'art consommé, partagé, durable, comme pour faire table rase de l'image vaine de musiciens consumés par leur musique. Et Deep Ellum, quartier artistique et expérimental du vivre-ensemble de Dallas, est un endroit parfait pour exprimer ces idées en musique. 


Dans une époque de grande solitude, ce n'est pas anecdotique que de redonner de l'endurance au partage. Cette musique, le Texas blues, le boogie aux influences Hill country, peut servir d’émetteur pour nos pulsions. On se rend compte bien vite qu'il y a beaucoup de personnes pour recevoir ces ondes, puis les interpréter et en faire quelque chose de bon. Saisir la musique, l'énergie sans cesse recommencée derrière ses pulsions et en faire une force pour aller de l'avant ensemble, persévérer. Chacun a le pouvoir de changer les choses, en allant à des concerts pour écouter une musique libre, ouverte, qui ouvre les sens et le cœur, se laisser hypnotiser par ses riffs fusionnels, répétitifs, et les longues phrases d'harmonica de Deacon Jeff Stone. La balancement d'une telle musique est fait pour perpétuer des actes intimes inavouables, en connexion avec au moins une autre âme que la sienne. C'est du blues, pas de la pop ; aucun risque de se laisser abuser, tromper.

Le Reverend KM Williams est de ces musiciens qui dégagent plus que de l'authenticité, de la fraîcheur. Dans l'authenticité il y au une forme presque élégante de respect. Il y a l'acte de faire avec ce qu'on a à l'intérieur de nous, sans chercher la perfusion de l'argent, qui nous ferait perdre notre liberté. C'est aussi le fait de rechercher dans la musique des relations aux expériences de la vie au quotidien, dans faire un mode de vie. C'est une musique qui imite la vie, exprime la vérité à propos de la vie, pleine et ressentie au plus profond, entraînante comme un désir intérieur. 


Étrange que d'être, aux yeux de la société, le plus proche de Dieu, le révérend, tout en interprétant cette musique pulsionnelle. Le secret est dans les rapports de force, l'inflexibilité de d'esprit, le rapport d'ouverture, la capacité à être inviolable, fidèle à soi-même comme à une forme de dieu supérieur. Le son du Reverend KM Williams est très électrique, l'harmonica incessant, son jeu indécent laissant penser qu'il ne représente par d'autorité supérieure, comme le musicien tirant une trop lourde révérence à sa musique, mais à sa propre exigence qui est une règle saine et équitable. La transe et la plénitude, puisqu'il s'agit du corps autant que de l'esprit, est atteinte sur I Know his Blood can Make me Whole où la guitare s'épanche superbement.


A découvrir également, ses enregistrements et séances filmées avec l'incroyable percussionniste Washboard Jackson, qui n'est pas présent (ou bien perceptible) sur cet album.

CONOR OBERST - Ruminations (2016)




OOO
spontané, fait main, pénétrant

Folk

Certains grands disques n'ont pas été le fruit d'une ambition particulière. Leur qualité tient à la façon déconsidérée avec laquelle il sont abordés, mais aussi à la décision d'un musicien déjà établi d'enregistrer dans des conditions inattendues.

On connaît Conor Oberst pour l'énergie et la générosité de ses projets en groupe – The Mystic Valley Band, Desaparecidos – et pour sa capacité à enregistrer beaucoup, d'abord sous le nom de Bright Eyes puis sous le sien, depuis 2008. Pour les conditions inattendues qui ont produit Ruminations, un disque enregistré en 48 heures, comme souvent dans ce cas, Conor Oberst s'en serait bien passé. Il y a eu ce kyste au cerveau, et la tension artérielle devenant un vrai problème (Tachycardia), ce qui expliquerait l'agitation, la défiance, la nervosité parfois ravalée que contient sa musique. Il en écrit depuis l'âge de 13 ans, cela fait plus de 20 ans maintenant.

Ruminations est inattendu pour l'auditeur aussi, car il va à rebours de la capacité du chanteur de se projeter toujours en avant. Si le même genre d’éclectisme hasardeux qu'habituellement y est délivré, c'est avec c'est avec une cohérence plus forte cette fois ci, et avec le dévouement spécial d'un homme au pied du mur, combattant ses démons. Alors qu'il pouvait se contenter de nous imprégner de sa vitalité débordante, il se pointe avec une ardeur dévoyée, une exigence nouvelle, nous mettant à contribution avec une certaine amertume. « Tomorrow is shining like a razor blade / And anything is possible if you feel the same », sur Counting Sheep. Il est risqué de croire que l'adage d'une de ses anciennes chansons, Method Acting, que chanter l’apaise dans ce cas précis. Difficile de savoir ce qu'il pensera de Ruminations, quand il se souviendra de cet hiver 2015 à Omaha (Nebraska), sa ville de naissance, qui lui inspira cet album plein d'efforts palpables pour éviter l'intimité. C'est ainsi que ce qui s'est produit pendant ses années de célébrité est traité par des allégories dédaigneuses.

S'il nous déstabilise par la spontanéité et parfois la cruauté des paroles, il est facile de prendre du recul et d'apprécier la densité émotionnelle en suspens et la malice de cette installation piano harmonica. Il va même jusqu’à sonner comme Randy Newman sur Till St. Dephna Kicks Us Out. On pourrait lire une bonne partie de Ruminations en y imaginant le ton caustique de Newman, capable d'endosser les rôles les pires pour décrire une certaine dégénérescence de la société en général. Et soudain, de nous saisir par une narration poignante. Ce qui signifie que Oberst est rarement lui-même, sauf peut-être dans ...Kick Us Out, justement, où il tente de retrouver un ami dans un pub irlandais d'East Village afin qu'ils boivent jusqu'à se faire jeter. Ce détail a plus de résonance que « Je ne veux pas me sentir coincé bébé, je veux juste me prendre une cuite avant ce soir. » sur Barbary Coast (Later). C'est touchant comme d'entendre enfin un détail sonnant vrai.

Quand à l'harmonica, sa poésie rappelle Neil Young sur l'album After The Gold Rush... Pourtant, en comparaison jamais Conor Oberst n'a paru seul dans sa musique : ici, simplement sonné de frôler la solitude de si près, et de manquer faire surgir de mauvaises pensées. C'est comme si l'influence vicieuse dont jouent de musiques plus tourmentées, telles le blues, l'avait saisi et déposé en grâce.

vendredi 7 octobre 2016

LESBIAN CONCENTRATE - Mercy Market (2016)




O

extravagant, ludique, expérimental
Rock alternatif


Pour certains, une anomalie lâchée à un karaoké. Pas tant que ça : il suffit de croiser le pape de l'enregistrement tordu et personnel, R Steve Moore, le rock aux franges de la marginalité de Pavement, un transi de jeux vidéo ou enfin un plombier, vert que sa musique préférée ne puisse pas être téléchargée en 16-bits. Lesbian Concentrate est un cas très spécial de projet sans lendemain imaginable accouchant d'un album tout à fait présentable, si on excepte les quelques voix au pitch intenable qui peuplent ces tentatives furieuses. Tout ce qu'a sorti le label Sup Pop en émulation à Pavement n'arrive pas à la cheville de ce mec qui a donné son premier concert à un karaoké et a tenu 2 minutes avant d'être expulsé sur une reprise de Break Stuff, une chanson de Limp Bizkit. C'était borderline, et pourtant, Shane Christopher Smith, aka Liebermintz, a promis qu'à partir d’aujourd’hui on l'y reprendrait, et qu'il jouerait une version de Break Stuff à chacun de ses concerts. Justement pour tester le point de rupture du rock, une musique à laquelle il donne une plastique très personnelle.


Autrement, Mercy Market est une formidable odyssée, qui ne craint pas la frénésie, la cacophonie, la déchirure sonore, l'encollage sauvage, qui ne craint pas grand chose en fait. Les émanations de solvant restent fortes tout au long de ses titres écoutés le souffle coupé. Tragedy montre bien cette capacité à rompre et à engluer des humeurs médiocres pour produire une dynamique supérieure à la somme de ses parties. I Bedazzled The Football surjoue le psychédélisme ouest-américain, se raccrochant et ricochant sur ses mélodies, qui évoquent non palette d'un seul homme, mais celle d'une revue de troupiers troublant de leur sarabande une réunion de nihilistes. D'ailleurs, Mercy Machine sonne rarement comme la musique d'un seul homme. Elle se montre agressivement invasive de toutes les surfaces, numériques et analogiques, qui s'offrent à elle. Enfermées dans un espace exigu, elles s'en échappent et sonnent comme le brouhaha punk underground explosif que leur concepteur a fantasmé dans son ascension solitaire.

C'est une traversée de dimensions tonales ou la qualité audiophile est conchiée sur son pendant, le lo-fi. Les paroles de rébellion unilatérale, de révolution autocentrée sont là pour nous rappeler qu'il n'y a qu'un Liebermintz derrière cette œuvre si délicate. On saluera des guitares assez audacieuses pour mener à bout les 8 minutes 22 (captivantes) de Minimum Speed. A 2 minutes de la fin, Liebermintz rassemble ce qui lui reste d'énergie dans un hurlement de bébé que Stephen Malkmus n'a pas poussé depuis longtemps, avant de s'achever sur quelques notes cramées dans l’éther. Beaucoup de surprises dans cet album étonnamment cohérent, alternant sketches et riffs cavalant dans des chansons en gestation monstrueuse. La voix fluette de Liebermintz est un contraste détonnant avec les guitares entrecoupées d'effets digitaux, au cours de breaks incessants (Schaeffer). C'est un artiste jusqu'au boutiste. Il n'aura d'autre spot que sur Trip Tips. C'est un gage de franchise, alors foncez.


https://ithoughtyouwereamarxistrecords.bandcamp.com/album/mercy-machine

LURRIE BELL - Can't Shake This Feeling (2016)






OO
élégant, groovy, intemporel
Chicago blues

L'harmonica est un instrument tellurique, vibrant. Tout à fait à même de secouer les sentiments, les pressentiments, de relever les esprits accablés. C'est celui de Matthew Skoller, grand musicien et compositeur de sa propre musique, ici au service d'une petite légende partie célébrer une nouvelle fois, après Blues in My Soul (2013), le son de Chicago que contribua à fonder Delmark, la plus ancienne maison de disques indépendante américaine de jazz et de blues. Sans doute encouragé par les récompenses récoltées récemment, et par la confiance que lui voue le label, Lurrie Bell engage ces festivités sans fioritures, en formation resserrée, et parvient à saisir dès la première seconde l'essence de cette musique virtuose et vigoureuse en diable. Lui et son groupe nous tiennent en haleine au long d'un disque si dynamique qu'il finit par nous inculquer un peu de blues sans nous par la densité des sentiments.

La spontanéité est celle d'un concert, d'ailleurs ont entend clairement des gens siffler et applaudir par moments. La voix nuancée de Bell brille particulièrement quand le tempo ralentit, sur une reprise de T Bone Walker, I get so Weary, qui fait briller la guitare du maître, capable d'aller chercher des notes les plus triturées et gutturales. Cette guitare se fera houleuse sur l'extraordinaire This Worrisome Feeling in My Heart, dans un registre mélancolique, où Bell se montre hanté par le blues, c'est à dire à la poursuite de sa propre vie. "These troubles i seem to find/It won't just let be me." C'est l'une des quatre compostions de cet album. Sinner's Prayer exacerbe le sentiment religieux avec une fougue surhumaine. La clarté de la formation brille sur la chanson-titre, dès l'introduction où presque tout est dit, avant qu'un balancement extrêmement familier et plaisant s'enclenche, une rengaine émotionnelle avant tout, paroles oblige, et qui produit des déroulés successifs de piano et d'harmonica sur une base basse batterie indéboulonnable. Born With the Blues mais à profit les capacités divertissantes de cet ensemble, peaufine à n'en plus finir. Sa voix modulée empreint Do You Hear d'une immense élégance. Au rayon des blues lents, qu'il faut rechercher dans le blues en général pour son pouvoir émotionnel supérieur, et du côté des compositions, Faith and Music assied définitivement Lurrie Bell parmi les grands esprits de cette culture nationale à la teneur artistique absolue. C'est une musique qui se joue avec un mental d'acier, pour lutter contre l'égarement que provoquent les émotions, avec une endurance héroïque.


Une émission blues vivement recommandée :


https://www.mixcloud.com/DrWax31/clarksdale-radio-show-2016-2017-01/

TOM BROSSEAU - North Dakota Impressions (2016)



O
sensible, vintage, apaisé
folk, country

Tom Brosseau est un chanteur folk de Los Angeles à découvrir d'urgence pour qui aime réveiller, dans la solitude et la sérénité, le souvenir de musiciens révolus comme Nick Drake ou Cole Porter (ses influences). Brosseau entretient lui aussi une relation ambivalente à l'existence, juvénile et empreinte de gravité. Il brille par son économie de moyens, ses disques récents contenant essentiellement une batterie réduite à son minimum, une contrebasse et sa guitare Stratocaster. North Dakota Impressions est le troisième album d'une trilogie débutée en 2014 avec Grass Punks, et son neuvième disque depuis 2005. Il déploie sur North Dakota Impressions une affection très précise, exhumée et pourtant spontanée, celle que réveille en lui les mémoires d'une jeunesse vécue dans une langueur doucereuse, pas toujours tendre, dans une petite ville des prairies de la Red River Valley, Dakota du Nord, et sait se faire acerbe.  Il chante le bonheur d'avoir échappé à la solitude, d'avoir trouvé le rôle de sa vie, celui de ressortissant de ces grands espaces, capable de chanter ce qui vous touche le plus, comme l'interprète d'une petite communauté. Et le chemin pour arriver là était semé d’embûches. 

North Dakota Impressions, profite de deux vidéos émouvantes, pour On a Gravel Road et You Can't Stop, qui renvoient habilement aux sentiments saisissants décrits dans Perfect Abandon (2015) et Grass Punks, et donne à ceux déjà familiers les première images filmées de ce triptyque.  De façon très réflexive (notamment lorsqu'il ne chante plus, sur A Trip to Emerado, mais évoque plutôt. Cela avec une quiétude intense, une voix semblant autant donner à voir des images qu'en dissimuler d'autres à demi, dans un souffle ; comme la traversée d'un paysage les yeux à demi-fermés en proie aux pressentiments. La tempête arrive, entend t-il à la radio, tandis que sa grand-mère conduit la voiture, en route pour Emerado. Des paysages défilent, ils dépassent une base militaire fermée de grilles. “Now just think of that, all that space and still nowhere to run », abat t-il avec une voix où il est aisé de sous estimer l'émotion. Puis, une fois arrivés, c'est le rituel de la crème glacée. « No one is out » insiste t-il pour décrire l'ambiance de cette ville de 300 âmes, et saluer avec une pointe d'amertume la bonne volonté de cette grand-mère qui voulut lui changer les idées, l'espace d'une demi-journée. Sur l'album précédent, il était abandonné par sa mère dans un centre commercial. Puis sa méditation retourne à la route, avec l'acuité d'un adulte, désormais, capable de s’absorber encore puissamment dans la solitude éprouvée à l'époque, et par extension dans son jeu de guitare solennel.

jeudi 6 octobre 2016

Sélection - Septembre 2016


RADIOHEAD - A Moon Shaped Pool (2016)







Attention, ceci n'est pas la chanson tirée de l'album, mais une version 8 fois plus lente.

O
poignant, orchestral, onirique
indie rock, soul jazz ?

Le succès de Radiohead tient à leur attitude ingénue, qui se traduit par un talent à aborder la musique posément, à être à l'aise quelle que soit leur conformation. Ils sont captivants en duo – Jonny Greenwood et Thom Yorke – comme avec deux batteurs – avec Clive Deamer, de Portishead, en concert -, toujours prompts à expérimenter, à s'amuser, à explorer. Yorke et Greenwood, en particulier, seront surpris dans un magasin de synthés vintage d'Austin avant leur concert en tête d'affiche le 30 septembre 2016 au festival Austin City Limits. Ils échangeront pendant un heure avec un fan sidéré, accosté par Yorke et passionné comme lui par les subtilités du matériel électronique.

Ils ont transformé d' étranges situations de rencontres fortuites et gardé la tête froide par leur pratique, en maintenant une fraîcheur harmonique plus détachée, comme la voix de leur chanteur, puis en utilisant des astuces concrètes pour garder les pieds sur terre, en provenance du jazz, de musiciens à priori plus créatifs qu'eux, et en y combinant leurs formes personnelles d'improvisation. C'est par exemple ce qu'on redécouvre sur Present Tense. Très peu de choses sont nécessaires pour la faire fonctionner, et pourtant un groupe entier perdure, dévoué plutôt à parfaire l'écrin sur lequel viendra se poser la voix de Thom Yorke – l'élément qui porte le groupe, depuis 20 ans, au delà de ceux à qui ils doivent leurs idées musicales et de leur contenance.

La spontanéité et la réutilisation de leur patrimoine harmonique commun, mais surtout un grand soin, au sens de délicatesse, constituent cet album. Plutôt que le plaisir de jouer, c'est leur prévenance qui fait détonner cette œuvre géosynclinale. Leur manière singulière de chanter les chœurs, de jouer les instruments, est devenue progressivement un artisanat. Sur l'album ou en concert, c'est un groupe que l'on imagine dans un atelier. Ce qui les rends excitants, l'instant d'un morceau ou d'une soirée, c'est qu'ils nous donnent l'impression d'entrer directement dans les coulisses de leur création, et à travers leurs chansons, semblent nous donner à voir leurs méthodes et leur inspiration.

Que ce soit la limpidité folk de Desert Island Disk ou la dérive électronique de Ful Stop, on pénètre un univers musical en formation, en structuration, comme la fabrication de prototypes plutôt que d'archétypes. Des éléments épars se rassemblent avec un abandon presque erratique sur Identikit. La batterie, celle des shuffles jazz, est là pour garder le morceau dans le jalon. Les accords utilisés démontrent qu'on est en jazz, plutôt qu'en innovation totale : riches et en mode mineur. Les cordes ondoient se font souveraines et nous rappellent toujours au pouvoir ensorcelant de vrais instruments. C'est particulièrement vrai de Glass Eyes.

Le groupe est le mieux employé quand il explore les friches au dehors de ses instruments originels ; pas de batterie, pas de guitare, pas de basse. Pour parvenir à cet instant gracieux et paradoxal, il faut croire en la magie, en la curiosité que peut susciter la musique. Même s'il n'y a plus une chanson qui vaille There There, on sort sidéré d'avoir aussi agréablement attendu.

The Numbers est une apogée tardive et ésotérique de l'album, quand Daydreaming était son sommet formel. True Love Waits est une sorte de compendium ; le façon dont a été enregistrée cette chanson ancienne est révélatrice du reste, et fait écho surtout à l'intensité mutique de Daydreaming. Méticuleusement harmonisées, elles signent un temps où les tonalités arrivent comme en décalage, jouant de notre vanité à vouloir saisir le disque. Le pouvoir des chansons de Thom Yorke est au-delà des mots, dans les sensations.

D'abord tu te dis que si tu ne l'apprécies pas à sa juste valeur c'est que l'album est sorti trop vite, avant de réaliser ce que signifie son épitaphe : « Le véritable amour sait patienter. » Tu ne le rattraperas jamais vraiment. A Moon Shaped Pool est un album que tu pourras écouter longtemps, de loin en loin, avec le même émerveillement, parce que tu ne l'as pas encore compris, ni complètement appris à l'aimer. Tu mourras candide, et Daydreaming sera la musique de ta cérémonie. Les gens hocheront lentement la tête, se souvenant, rêveurs, de cette chanson d'un groupe qui s’appelait Radiohead. Ils auront l'illusion que, s'il l'avaient écoutée davantage, ils auraient été préparés à ce qui les rend inconsolables dans de telles situations ; leur côté inattendu. Cette chanson te fait tout accepter avec plus de franchise, au delà de n'être plus rien qu'un courant d'air.  

lundi 3 octobre 2016

CASS MC COMBS - Mangy Love (2016)





OOO
Doux-amer, engagé, spontané
Indie rock

Dans le clip audacieux pour Medusa's Outhouse, Cass McCombs médite sur l'envie de célébrité, même si pour cela il faut être temporairement acteur de porno. Mais ce genre de personnes ne sont finalement, n'ont pas une situation plus extérieure que celle du musicien enregistrant son album pour une minorité de gens. Le studio d'enregistrement serait ce lieu clos où on est aux petits soins, pour qu'e l'artiste se croie important. Mangy Love, paraît-il, est un album drôle, mais il fat toujours se méfier de ce genre de réflexion. Mc Combs sait qu'on rira probablement de ses blagues dans un endroit isolés des autres, et ménager de tels moments de cynisme et d'engagement, c'est vraiment la démarche de celui qui utilise les portes des toilettes comme moyen d'expression planétaire.

Tout cela, la l'humour et la politique, est sauvé par un fait ; Cass McCombs, 38 ans, est un snob littéral. Non, il ne laissera jamais les paroles de ses chansons de destinées à un support aussi idiot que la porte des toilettes ou les réseaux sociaux. En 8 albums, il a posé des bases, et si elles ne sont faites que pour une minorité de gens, ça ne les empêche pas de répondre à des critères d'un goût affirmé sans arriver jusqu’à l’écœurement. Cet album vous ouvre des portes non sur l'extérieur, mais vers l'intérieur, emploie ses envies de dérision, de 'fun' musical, voire de psychédélisme en énergies internes. On sera séduit par les sonorités surprenantes rencontrées en route, notamment les boites à rythmes sur In A Chinese Alley ou It, cordes très Laurel Canyon seventies sur la superbe Low Flying Bird, qui ne nuisent pas aux réussites de ses chansons auxquelles Cass McCombs parvient à insuffler sa spiritualité si particulière. It par exemple, profite de chœurs singulièrement mixés.

Ainsi, cet album est parsemé de sentiments étranges, inattendus. L'une de ces surprises est trouver des chansons – Opposite House ou Switch – qui sonnent comme Air, sur la B.O. de The Virgin Suicides ou Moon Safari. Le minimalisme propre au style de McCombs reste dans le fond, mais la forme, la production donne parfois envie de prendre les choses avec plus de légèreté,d e se laisser dérouter. Avec au fond de la tête, une envie de s'épanouir dans cette musique. Peu importe le goût amer, car Bum Bum Bum nous décrit un monde raciste et sauvage. C'est un album sanglant qui n'en a pas l'air. Il peu arriver qu'un frisson d'appréhension nous traverse. « Pour moi, il s'agit de créer une attitude révolutionnaire, créer un langage rythmique qui est cool. Et ce que je veux dire par cool, c'est plein de sang froid, détaché, glacé au bout des doigts. » Vous vous retrouvez seul avec le cocktail pas assez 'cool' que vous aviez prévu de partager avec votre nouvel(le) ami(e) ; un conseil, évitez les soirées arrosées et partez plutôt marcher au grand air, même si McCombs vous persuadera que la nature est aussi futile que la vie d'une anguille.

«Tout le monde fait ce qu'il sait faire. Au final, il s'agit juste pour les gens d'être eux mêmes. » Cette remarque concernant les vingt musiciens invités sur l'album pourrait vous retourner dans la figure, si pour une question de manque d'attention vous décidiez que cet album n'est pas assez prégnant. Le problème viendra de vous ; vous n'avez pas su y insuffler assez de vie.

Il s'agit de trouver, à chaque fois, une base solide sur laquelle ses textes vont s'épanouir – à ce compte là, Run Sister Run est canon, tandis que Rancid Girl joue à merveille sur plusieurs forces du songwriter – le côté macho qu'il sait si bien imiter, combiné à une réflexion plus sincère sur la société américaine (la chose qui l’intéresse vraiment) et un bon groove où les guitares prennent un intérêt capable de maintenir les choses 'fun'. Rancid Girl est menée dans une transe particulière, qui s'horrifie des effets de la méthamphétamine. I'm a Shoe, en fin d'album, renoue avec une foi dans la guitare comme instrument à la fois féérique et inquiétant, sourd d'une langueur qui ouvre le disque sur des territoires plus vastes où le désenchantement est enfin le sentiment capable de déteindre sur les choses alentour si vous êtes vidé à l'intérieur. En écoutant I'm a Shoe, au moins, nul besoin d'avoir une vie interne très active pour se laisser évoquer des histoires. Elles sont tragiques et redoutables à entendre, nous font trouver le lieu où flottent ceux s'étant laisser tenter par un peu trop de 'fun' sonore.     

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