“…you can hear whatever you want to hear in it, in a way that’s personal to you.”

James Vincent MCMORROW

Qualités de la musique

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Genres de musique

Trip Tips - Fanzine musical !

dimanche 24 septembre 2017

DAVID RAWLINGS - Poor David's Almanach (2017)



O
Doux-amer, vintage, ludique
Country folk

Je suis toujours presque incapable de chanter une chanson sans musique en arrière plan, même si cet album est plein de mélodies faciles. Ressentant une certaine timidité à reproduire en les chantant l'exubérance et la vitalité de ces folk songs, il faut pourtant bien en parler. 

On perçoit peut-être ce genre de folk rural comme une chose charmante et vieillotte, sans imaginer ce charme-là, vénéneux, qu'ont su insuffler Gillian Welch et David Rawlings. Leurs carrières sont liées, sans académisme. C'est une relation à l'américaine, entre complicité et relâchement. Rien de remarquable, si ce n'est que la musique produite ensemble les a tous deux distingués, séparément, parmi les meilleurs de leur classe, artistes capables de restaurer la vigueur aux racines de la musique populaire, en jouant sur sa capacité à déjouer son obsolescence et à se ressemer. Peut-être leur relation donnera t-elle l'occasion un de ces jours à Rawlings d'écrire une de ces chansons un peu narquoises dont il a le secret, comme dans cet almanach du « pauvre David ».

C'est un album de consistance, avec chaque chanson remontant à sa propre légende. Rien d'autre que la voix et la guitare typées de Rawlings pour entamer cette collection. Mais cette voix se détache par une tendresse plus grande d'un couplet à l'autre, et la guitare gagne un relief étourdissant dans son jeu reconnaissable entre mille. La présence de Welch souligne leur parenté artistique. Les chansons de Welch restent toutefois plus longues, plus tristes, plus intenses.

La légèreté ici à l'oeuvre dégage de l'amusement et de la joie, même dans les envolées mélancoliques de Airplane, l'une des plus réussies. Cumberland Gap et Guitar Man renvoient, dans leur indolence, à la rage étouffée de Neil Young circa 1974-1976. Mais les plus mémorables sont les plus amusantes. Come on Over my House ou Good God, a Woman ont cette perfection offrant à l'album la possibilité d'être entendu dans les centres commerciaux. Même si dans un cas, il s'agit de l'histoire d'un médiocre fantasmant sur sa voisine, et dans l'autre de la plaidoirie d'Adam, jour après jour, pour que Dieu lui crée la femme. On apprécie ces allégories et métaphores aux personnages parfaitement campés, et la façon dont les harmonies vocales soignées leur donnent une épaisseur.

On a l'impression d'un répertoire intemporel, décrivant les tentations au socle du monde, sans détresse, mais avec une insouciance capable de maintenir les ombres à distance. Lindsey Button montre bien ce détachement irradiant dans tout l'album : c'est la dévotion d'une jeune fille, il y a très, très longtemps, insiste la chanson. Maintenant, tous ceux que son histoire intéressait sont morts, et qui s'en souvient ? Finit par questionner Rawlings. La complaisance des personnages, ou leur inconséquence, sont parfois l'amère vérité enfouie dans ce caractère suranné. Pour ceux qui n'ont pas vécu il y a très, très longtemps, à cet endroit là, il est difficile d'imaginer les relations de causes à effet, et comment, déjà, on s'inquiétait de l'avenir du monde. On condamnait l'illusion de la jeunesse, cherchant à la ramener dans un giron sans chaleur ni tendresse. On trouvait bien étrange et risible notre propre pauvreté. Mais ces vérité ne prend jamais ici la même ampleur dramatique qu'avec Gillian Welch. Leurs chansons sont, ainsi, complémentaires.

HISS GOLDEN MESSENGER - Hallelujah Anyhow (2017)



OO
Americana
apaisé, attachant

Le swagger, c'est cette nonchalance exaltante qui fait que des chansons de Taylor comme Domino (Time Will Tell) sont désormais comparées à celles de Rolling Stones. Ayant laissé, à l'issue d'un travail quotidien, l'aisance prendre le pas sur l'austérité, sa musique peut passer à la séduction internationale.

La quarantaine et les caps de l'existence, paraissent désormais des raisons bien circonspectes de faire des chansons. Allelujah Anyhow, ce sont plutôt les signaux du grand dehors, qui attendaient que Taylor ait trouvé une parfaite clarté pour les décoder. Il écrit un disque aux lignes franches et dégagées, dont il pourra encore être fier quand le monde aura changé. Les chansons illuminées comme des divinations ou des paris sur l'avenir. Son précédent disque, Heart Like a Levee, le montrait observant comment il avait tenté, dans un effort un peu vain, de prouver à ses enfants qu'il méritait sa place aux côtés des héros sur les pochettes d'albums disséminées dans la maison. Il reconnaissait en même temps ne plus vraiment chercher à atteindre ce statut de héros.

Ces grands efforts pour se faire un nom l'avaient vu progresser jusqu'à l'impressionnant Haw (2013), où son désir de spiritualité trouvé des échos dans un culture musicale embrassant le gospel et le blues, une certaine sévérité. Sa douceur ne masque toujours pas entièrement cette volonté couvée, de bâtir une société à part, dans laquelle il puisse sentir une plénitude naturelle. « J'essaie de mon mieux, chaque jour, de garder la tête froide, de laisser l'art montrer la voie et de m'amuser. Je gagne désormais ma vie en faisant la chose que j'aime le plus au monde et je dois être attentif à ma relation avec celle-ci, je dois la traiter avec soin. Et mes enfants me voient quotidiennement pratiquer ma passion. Peu d'enfants ont cette expérience avec leur père. Je n'ai pas eu ça, du tout. Donc c'est important. »

Magnifiquement produit, avec des cuivres et un piano qui révèlent de plus en plus la douceur et ont fait presque définitivement reculer la rudesse des chansons. Caledonia My Love, montre une écriture toujours plus mise à nu, ouverte. Qu'on se rassure, les chansons de Hiss Golden Messenger, même les plus dénuées, conservent leur part de magie. On peut poursuivre, familiers désormais à la façon dont Taylor séquence ses albums, en s'intéressant à la dernière chanson sur celui-ci, When the Wall Comes Down. Toujours élégant et en retenue, il délivre un message fort de compassion.

Taylor crée le monde qu'il veut faire entendre à ses enfants, et aux prochaines générations : où les changements environnementaux sont une force pour abattre les murs, pour se réconcilier. « I'm trying to be hopeful for you, brother », chante t-il sur Lost Out in the Darkness. En gage d'optimise, il fait preuve de patience. Il pense aux efforts du Michigan en faveur du texas, du nord en faveur du sud. Il réconcilie les camps de la guerre de Sécession quand la nécessité d'entraide n'a jamais été aussi forte. Etant passé lui même de l'ouest à l'est. L'endroit où il vit, la Caroline du nord, chère à son cœur Californien.

« Cette musique est pour l'espoir. C'est la seule chose que je peux dire à son propos. L'amour est la seule solution. Je n'ai jamais eu peur de la pénombre ; c'est juste une autre sorte de lumière », tente t-il, pour paraphraser Jenny of the Roses, la chanson enlevée qui installe l'album sans perdre un instant. Pourquoi commenter plus avant un album s'inscrivant si logiquement dans l'existence d'un homme et dans le cours de la société qui l'a vu grandir ? Parler d'une existence en toute simplicité, juste pour dire qu'une telle musique existe, derrière, une révélation.

jeudi 7 septembre 2017

{archive} VIRGINIA ASHLEY - From The Gardens We Feel Secure (1983)



OO
Envoûtant, contemplatif, naturel
Instrumental


Ce qui démarque un album de folk d'un autre, c'est son atmosphère. Enfin, ce disque de Virginia Ashley n'est pas un disque de folk, mais purement d'atmosphère. Elle préfigure ce qu'a depuis entrepris Julianna Barwick avec The Magic Place (2010) et les albums suivants : produire une musique intrumentale pour contemplation active. From The Gardens We Feel Secure est dans une classe à part, peut-être trop simple pour être vraiment admiré. Il n'y a pas de trace de techniques musicales visant à retenir notre attention sur cet album : il est dénué d'accroches, mais suscite pourtant notre émotion en nous plongeant là où, à un moment donné, nous nous sommes sentis si heureux. Dans un jardin paisible et silencieux. Comme beaucoup de choses naturelles, sa profondeur réside dans l'émotion qu'il nous procure.

Ashley, qui n'a enregistré que peu d'albums et un seul dans cette veine, nous offre la rêverie naturaliste où les bruits du jardin – chants d'oiseaux merveilleusement rendus, carillon, mais aussi balançoire – ambiancent des mélopées de piano parfois accompagné de flûte. Elle ne chante pas, pourtant sa voix vaut la peine d'être entendue. Le rythme de cette œuvre est apporté en creux, par le temps, subjectif, d'écoulement de la journée – matinée, apogée du jour et crépuscule. Les deux moitiés de l'album sont ainsi baptisées « matin » et « après midi ». Elles contiennent une envoûtante variété de mélodies. L'approche à la composition de ces huit pièces est d'une fraîcheur parfaite.

On ressent ce plaisir du temps indéfini passé à contempler la nature, dans un rayon de soleil, embrassant la vie du village. Ashley capte le patrimoine britannique, celui des campagnes où il ne se produit rien qui vaille d'être entendu dans le monde. Son mérite est de la faire entendre malgré tout et de le rendre universel.

Ces sons là, ces mélodies de comptines, on jurerait les avoir déjà vécues au fond de nous. Les titres même des chansons renvoient à des sensations familières et sensuelles : ce que l'on peut toucher, sentir et voir flottant dans l'air, ce qui au cœur de la nature devient pour l'être humain si proche de l'émotion musicale qui l'enlumine ici. Cet album est une démarche, fabuleusement gracieuse et pleine de sens.

Rien n'est suffisamment entrecroisé pour qu'on puisse y trouver de véritables chansons. Cependant, reprenant le travail, cette fois sur le thème de l'hiver, Ashley enregistrera Melt the Snow, reprenant des éléments bucoliques qui rendent From the Gardens We Feel Secure sublime, en lui adjoignant des formes évoquant plus directement la magie de noël. Les cordes délicates ont même attiré l'attention du label Elektra, ce qui résulta du single pop Tender en 1985. Egalement conseillé, son album Had I The Heavens de 1996. Introuvable, comme, on le soupçonne, tant d'autres trésors.

vendredi 1 septembre 2017

{archive} KATH BLOOM - Restless Faithful Desperate (1983)




OOO
nocturne, intimiste, envoûtant
folk, folk blues 



Restless Faithful Desperate est élémentaire et passionné. Une chapelet de notes languissantes, pas de refrains mais des tournures de phrases envoûtantes dans des chansons entrelacées. Kath Bloom possède l’une des voix les plus fluettes et incorruptibles, une voix que Josephine Foster, entraînée pour l’opéra, répliquera plus tard.

Il faut demeurer attentif, pour laisser les paroles de Kath Bloom s’envoler vers l’extase, après des écoutes répétées. Des impressions vivaces, capables de nous manœuvrer. « When i feel your sorrow, will you die tomorrow, I feel you coming, it’s cold, it’s cold, it’s cold, it’s cold. » La montée vers l’orgasme apporte une révélation non de deux êtres fusionnels, mais d’un terrain de doutes et de peurs, la chaleur corporelle dénuée de chaleur humaine. On trouve là ainsi des connotations troublantes, charnelles, envoûtantes. Soufflant le chaud et le froid, Bloom nous introduit à une nouvelle pratique de l’impatience, la sienne, une urgence bouleversante. Avec son titre sans équivoque, Restless Faithful Desperate promet la mélancolie : à l’écoute des chansons, son impact physique proche de l’exhibitionnisme se révèle l’affaire de tout le corps.

You Give Me Something et Just Don’t Tell me That It’s Gone, sont deux chansons séparées qu’un thème mélodique lie. How It Rains, dans sa première partie instrumentale, n’est rien d’autre qu’un arpège et le souffle que Bloom capte sur la bande. Et quand elle émerge entièrement formée, c’est à dire ce que beaucoup d’artistes musiciens considéreraient comme trop singulière, la mélodie est des plus languides. Parfois, comme sur Look at Me, l’impression est celle d’une berceuse nocturne, chantée à un enfant nu. «Why don’t you look at me right now/there must be something i can give you, i would do anithing to keep you, you know... »

Restless Faithful Desperate repose aussi sur la guitare, aussi aérienne qu’évocatrice, grâce au jeu blues de Loren Mazzacane Connors, avec l’utilisation d’un bottleneck et la façon de tirer sur les cordes pour les faire chuinter. Plus tard, Connors sera perçu comme un guitariste d’avant garde, mais ici, son artisanat marque en toute simplicité une rupture avec la façon dont se déploie les musiques alors, conduites par le rythme et d’autres formes d’autorité externe. Encore aujourd’hui, difficile de trouver un album si délicat.
Après quinze ans de silence où Bloom joue les mamans tentant de joindre les deux bouts, elle reprend la musique en 1999, après que le réalisateur Robert Linklater ait introduit une des ses chansons dans le film romantique Before Sunrise (1995), avec Ethan Hawke et Julie Delpy. Depuis, sont parus par exemple Loving Takes This Course, un disque pour saluer la finesse de Kath Bloom auquel participent Bill Callahan, Mark Kozelek ou Scout Niblett ; ainsi que Thin Thin Line, en 2010, qui maintient le folk au firmament, là ou l’a placé Neil Young.
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